Ursula von der Leyen en est persuadée: les mots échangés au téléphone avec Donald Trump, ce dimanche, anticipent une accalmie commerciale. «Trump a reculé explique un diplomate en poste à Bruxelles. C’est une première victoire. Sa menace de taxer à 50% dès le 1er juin les produits européens importés aux Etats-Unis ne tenait pas debout.»
Problème: cette théorie destinée à conforter les gouvernements des 27 pays membres de l’Union européenne et à leur faire penser que la négociation commerciale conduite par la Commission est couronnée de succès… ne résiste guère à l’examen. Oui, Trump a reporté au début juillet la mise à exécution de sa menace tarifaire. Mais il demeure impatient. Et l’UE peine à dessiner un futur «deal» avantageux pour son économie.
«L’Europe est prête à faire avancer les négociations rapidement et de manière décisive», a argumenté, après son coup de fil, Ursula von der Leyen évoquant la date désormais butoir du 9 juillet. Sauf que dans la réalité, rien n’est acquis. Et qu’au moins cinq obstacles demeurent en travers de la stratégie bruxelloise.
Pas question de taxer les GAFAM
Emmanuel Macron a réagi, depuis Hanoï au Vietnam, à l’annonce du report des menaces tarifaires de Trump. Comment? En rappelant, ce qui est vrai, que les 235 milliards d’euros d’excédent commercial de l’UE envers les Etats-Unis en 2024 ne tiennent pas compte de l’extraordinaire domination numérique des géants américains de l’Internet sur le Vieux Continent. La logique serait donc que l’UE, comme elle l’a plusieurs fois évoqué, taxe ces derniers. Mais là, c’est niet. Le mur de Washington est plus solide que jamais.
Trop de secteurs exposés
Ursula von der Leyen veut rassurer. C’est son rôle. L’objectif de l’Union européenne, il faut le rappeler, est de conclure un deal commercial global avec les Etats-Unis, qui offre aux investisseurs et aux exportateurs des deux côtés de l’Atlantique une sécurité tarifaire et juridique. Problème: deux lobbies sont vent debout pour demander à l’Union de faire des concessions, celui du luxe et des spiritueux français, et celui de l’automobile allemand. VDL, comme on la surnomme, doit batailler contre ces exportateurs très dépendants du marché américain, prêts à céder.
Un marché européen pas prêt
A quoi ressemblera le marché européen le 9 juillet? A celui d’aujourd’hui. Et c’est le drame. Pour résister efficacement aux injonctions tarifaires de Trump, l’Union européenne doit offrir des alternatives à ses entreprises et faire bien comprendre aux Américains qu’ils ont beaucoup à perdre si les 450 millions de consommateurs du Vieux Continent leur échappent. Problème: la simplification urgente des normes pour faire circuler librement les produits sur ce dit marché n’est pas pour demain. Tout a été dit, écrit, consigné dans différents rapports. Mais Trump va plus vite.
Trump ne négocie pas
C’est ce qui rend fou le négociateur européen Maros Sefcovic. Pour le commissaire slovaque au commerce, les discussions actuelles ne sont pas satisfaisantes. Ses homologues américains Howard Lutnick (Secrétaire au commerce) et Jamieson Greer (négociateur en chef) essaient surtout de gagner du temps, en misant sur un accord global… avec la Chine! La Commission s’attendait à discuter des dernières offres qu’elle a envoyées au début de la semaine dernière, et à un nouveau rendez-vous début juin à Paris. Or l’administration Trump renâcle et accuse.
La riposte ciblée tarde
La force de la Commission européenne, dit-on à Bruxelles, est d’avoir effectué une excellente évaluation des possibles ripostes commerciales. La preuve: l’UE a très vite envisagé de répliquer avec des droits de douane de 25% sur l’acier et l’aluminium. Des parlementaires européens ont aussi émis l’idée, habile, de cibler en priorité les Etats républicains. Idée? Miser sur les gouverneurs de ces Etats, et sur leurs élus, pour dire à Trump que toute guerre commerciale se traduira en fermetures d’usines et en pertes d’emplois. La stratégie est habile. Sauf que rien de concret n’a pour l’heure filtré.