Donald Trump en est persuadé: l’Union européenne (UE) va finir par céder sur le plan commercial. Le problème est que le président des Etats-Unis, confronté à la forte résistance commerciale de la Chine et à l’échec de sa médiation en Ukraine, ne veut pas attendre. Il a besoin d’un succès rapide. Place donc à ce qu’il sait pratiquer le mieux: le chantage et la surenchère.
L’annonce, ce vendredi 23 mai, de la possible entrée en vigueur d’une hausse de 50% des tarifs douaniers sur les produits européens importés aux Etats-Unis à partir du 1er juin entre dans ce scénario. Pas question de laisser l’UE profiter d’une quelconque accalmie. La conviction de Trump est que la Commission européenne doit être bousculée. Car si c’est elle qui négocie, les 27 Etats membres de l’Union auront, in fine, leur mot à dire. Une façon de prendre l’avantage dans une négociation peut être plus mal engagée que prévu pour les Européens.
L’Europe n’a pas montré ses muscles
C’est la grande différence avec la Chine, qui a obtenu un cessez-le-feu commercial avec les Etats-Unis à l’issue d’un week-end de négociations à Genève, les 9 et 10 mai. Pékin a d’emblée riposté aux annonces de tarifs douaniers faites par Trump lors de son fameux «jour de la libération» le 2 avril. La surenchère a suivi. Puis le soufflé est retombé. Résultat: un accord sur une augmentation provisoire des tarifs douaniers américains d’environ 30%, contre les 145% brandis par Trump. Plus important: les deux pays ont publié un communiqué commun reconnaissant «l’importance d’une relation économique et commerciale durable, à long terme et mutuellement bénéfique». Côté européen? L’annonce, à la mi-avril, de la suspension jusqu’au 14 juillet, de l’augmentation des droits de douane sur l’acier. Un signe de faiblesse?
L’Europe se divise
Trump le sait et il en joue: plus la négociation commerciale entre les Etats-Unis et la Commission européenne patinera, plus les pays membres de l’UE se diviseront. Il met donc, avec sa menace d’une hausse des tarifs douaniers de 50%, le couteau dans la plaie. Un signe qui ne trompe pas est l’évolution négative des marchés boursiers européens et des prévisions économiques. Un pays comme l’Italie, dirigée par la Pro-Trump Giorgia Meloni, a également réduit de moitié ses prévisions de croissance pour 2025 en raison des craintes liées aux tarifs douaniers. Bref, l’Europe se montre fébrile et fragile.
L’Europe n’est pas assez attractive
Le président des Etats-Unis a un énorme problème avec la Chine ou les pays d’Asie du Sud-Est: leur attractivité. Produire en Asie demeure très intéressant pour les multinationales, d’autant que les consommateurs asiatiques offrent de nouveaux débouchés. L’Union européenne a, elle, l’avantage colossal de son marché unique de 450 millions de consommateurs. Sauf qu’elle tarde à simplifier ses règles bureaucratiques, malgré les rapports alarmants des Italiens Enrico Letta et Mario Draghi qui exigent l’un et l’autre des décisions urgentes. Sur 500 entreprises interrogées par la firme EY pour son baromètre de l’attractivité, 37% ont reporté, annulé ou réduit leurs projets d’investissement en Europe en 2024. Les droits de douane américains accentuent l’hésitation en 2025. Trump a entamé une course contre-la-montre.
L’Europe ne communique pas
Qui connaît le négociateur européen pour le commerce, le slovaque Maros Sefcovic, à part les diplomates suisses qui ont eu affaire avec lui pour les accords bilatéraux paraphés le 21 mai à Berne? Qui connaît, sur le plan international, le Commissaire européen à l’industrie Stéphane Séjourné qui vient de présenter un plan de simplification du marché unique? Qui croit en la méthode d’Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission, ainsi résumée par la lettre «La Matinale européenne»: avancer prudemment, ne pas heurter les États ni les grands intérêts. La plupart des propositions législatives avancées par l’exécutif bruxellois arriveront en 2026. Le risque? Trop peu, trop tard.
L’Europe a trop besoin des Etats-Unis
C’est le dilemme. Besoins en matière de défense, avec la guerre en Ukraine et la dépendance stratégique du Vieux Continent. Besoin en matière numérique, puisque les géants de l’internet américains dominent la scène. Besoin crucial d’exporter aux Etats-Unis de certaines filières, comme l’automobile allemande ou les spiritueux français. Surmonter en quelques semaines ces obstacles est un défi colossal. Le sommet de l’OTAN, l’Alliance atlantique, aura lieu les 24 et 25 juin à La Haye, aux Pays-Bas. Est-ce le moment, pour les Européens, de se mettre à dos leur incontournable allié (mais l’est-il encore) américain?