L’homme d’affaires n’est jamais loin avec Donald Trump. Son talent reste de saisir, dès qu’elles se présentent, les nouvelles opportunités. Or, voilà qu’en matière diplomatique, une fenêtre s’est ouverte: le pape Léon XIV est américain. Il marche dans les traces de son prédécesseur François, qui avait négocié avec la Russie pour la libération et le rapatriement d’enfants ukrainiens kidnappés. Alors, pourquoi ne pas refiler au Vatican la lourde tâche de négocier un possible cessez-le-feu entre Moscou et Kiev?
Ce changement de direction diplomatique a été abrupt. Mais il est mentionné, noir sur blanc, dans le compte rendu que Trump a lui-même fait, sur son réseau social Truth, de sa discussion téléphonique de deux heures ce lundi 19 mai avec Vladimir Poutine. Sérieux? Possible? Crédible? Voici pourquoi le président des Etats-Unis parie désormais sur le souverain pontife et sur sa diplomatie, soit officielle, soit parallèle.
Léon XIV en a parlé à J.D. Vance
Plusieurs médias américains évoquent l’échange rapide que le pape Léon XIV a eu avec le vice-président des Etats-Unis J.D. Vance, catholique converti, à l’issue de sa première messe à Saint-Pierre de Rome le dimanche 18 mai. Selon ces échos, le souverain pontife a redit sa disponibilité à parler avec l’Eglise orthodoxe russe et le patriarche Kiril de Moscou, avec lequel son prédécesseur François était en contact régulier.
La proximité de Kiril avec Vladimir Poutine est connue. Le président russe met toujours en avant les valeurs religieuses traditionnelles. Léon XIV aurait, selon d’autres sources, déjà une idée du possible négociateur: il s’agirait du cardinal archevêque de Bologne, Mgr Matteo Zuppi, donné un temps comme «papabile». C’est lui qui avait négocié en octobre 2024, à Moscou, la libération des enfants ukrainiens kidnappés.
Léon XIV a une diplomatie
On connaît la traditionnelle diplomatie pontificale. Souvent, les ambassadeurs du Saint-Siège (les nonces apostoliques) sont considérés comme les mieux informés de la communauté diplomatique dans leurs pays de résidence.
Mais Léon XIV peut compter sur un autre réseau, très informé et très utile: celui de la communauté Sant’Egiddio, composée de laïcs engagés au service de l’Eglise catholique et spécialisée dans les négociations de paix. Or la paix a été le premier mot d’ordre lancé par Léon XIV sur la place Saint-Pierre, lors de sa première apparition après la fumée blanche.
Léon XIV a la confiance de Zelensky
Le président ukrainien a été le premier chef d’Etat reçu longuement par Léon XIV au Vatican. La photo de leur rencontre, en compagnie de l’épouse du président ukrainien, a fait le tour du monde. Or, avoir la confiance de Zelensky est décisif car, pour de bonnes raisons, ce dernier pense qu’il a tout à perdre dans une négociation conduite par les Etats-Unis de Donald Trump, obsédés par le rétablissement rapide de relations commerciales avec la Russie.
Le pape en médiateur? On n’en est pas là. Mais Zelensky sera éternellement redevable au Vatican. N’est-ce pas dans la basilique Saint-Pierre qu’il a pu rencontrer le président américain en marge des funérailles du pape François, et rétablir le lien brisé par leur rencontre houleuse du 28 février à Washington?
Léon XIV est américain
L’ancien cardinal Robert Francis Prevost est un citoyen américain, né le 14 décembre 1955, qui a grandi près de Chicago. Il a ensuite, on le sait, officié au Pérou comme missionnaire pendant près de vingt ans. Il a d’ailleurs aussi la nationalité péruvienne. Reste, pour Donald Trump, un avantage tactique: laisser l’initiative sur l’Ukraine au pape Léon XIV, c’est conserver la possibilité d’une ligne directe «entre Américains» avec le Saint-Siège.
Le président des Etats-Unis, de confession protestante presbytérienne, ne veut pas en effet abandonner sa posture d’homme de paix. Au contraire. Il souhaite la consolider. Il sait que l’ex-cardinal Prevost ne le porte pas dans son cœur. Mais la «realpolitik» est une constante au Vatican.
Léon XIV ne blâmera pas Trump
La diplomatie est un art redoutable. Et Trump sait que ce n’est pas son monde, lui qui préfère les «deals» commerciaux sonnants et trébuchants. A qui, donc, passer le relais de la négociation entre l’Ukraine et la Russie?
Impossible pour les Européens, qui ont pris le parti de Kiev et viennent d’adopter un 17e paquet de sanctions économiques et financières. Compliqué de laisser le Turc Erdogan prendre trop de place, lui qui profite déjà de façon XXL du contournement des sanctions en question. Et pourquoi mettre en avant l’Arabie saoudite, comme Trump l’avait initialement envisagé, puisque le prince héritier Mohammed ben Salmane vient de lui signer de très gros chèques d’investissements aux Etats-Unis?
Le Vatican ne cherchera pas la lumière des projecteurs. Le pape, autre avantage, ne blâmera pas Donald Trump en cas d’échec. En bref, le locataire de la Maison Blanche reste en pole position tout en adoptant une nouvelle ligne, à l’inverse de ses déclarations de campagne: «La guerre en Ukraine n’est pas mon problème.»