Les catholiques du continent américain ont reçu ce jeudi 8 mai un message clair du conclave des Cardinaux: c’est à eux que revient pour les prochaines décennies le leadership de l’Eglise catholique romaine. Un choix clair incarné par un nouveau souverain pontife en forme de trait d’union entre les deux Amériques: celle du nord, dont il est issu, lui le natif de Chicago (Etats-Unis) et celle du sud, puisqu’il fut pendant plus de vingt ans évêque de Chiclayo, sur la cote pacifique du Pérou.
Le fait que le continent américain soit au cœur de l’avenir de l’église est une réalité qu’incarnait le défunt pape François. Mais c’est aussi un message politique que les 133 cardinaux électeurs viennent, dans le silence de la chapelle Sixtine, d’adresser aux 1,5 milliard de fidèles et aux dirigeants du monde entier, à commencer par Donald Trump. L’heure n’est plus à une Eglise centrée autour de l’Europe et du Vatican.
Arrimé au «sud global»
C’est un catholicisme arrimé au «sud global» que Léon XIV va incarner, avec dans son viseur ce monde que l’actuel président des Etats-Unis donne souvent l’impression de mépriser. Un monde qui vit souvent du soutien financier de sa diaspora. Un monde où la migration rime encore avec espoir. Un monde émergent qui, à cheval entre ses racines chrétiennes qui le rapproche de l’Occident, et ses réalités quotidiennes bien différentes de celle des pays les plus riches, représente notre défi commun dans tous les domaines: équilibres géopolitiques, commerce, prospérité, écologie ou démographie.
Mgr Robert Francis Prevost (69) incarne le versant de cette planète catholique qu’un pape africain ou asiatique aurait pu aussi incarner. La grande, l’énorme différence, est qu’il a le profil parfait d’un souverain pontife capable de passer le relais d’une génération à l’autre, d’une église à l’autre et d’un monde à l’autre. Ses deux nationalités américaines et péruvienne seront, de ce point de vue, d’une utilité colossale à l’heure d’échanger avec un locataire de la Maison Blanche qui a osé se présenter, pour rire, comme un pape sur les réseaux sociaux. Et sa nouvelle identité pontificale, dans le sillage d’un Léon XIII (pape de 1870 à 1903) engagé dans la défense des droits sociaux et des inégalités en pleine révolution industrielle, montre sans ambiguïté le chemin.
Dans les convulsions du monde
Léon XIII, justement, occupa le trône de Saint-Pierre pendant trente ans, à une époque de grandes convulsions qu'il marqua de son encyclique «Rerum Novarum» mais qui accoucha tragiquement, en 1914, de la première guerre mondiale. Celui qui désormais s’adressera au monde comme Léon XIV se retrouve malheureusement dans une situation qui pourrait être analogue, alors que la lutte entre puissances redevient féroce et que les règles du droit international s’estompent. Sa mission, à n’en pas douter, sera d’œuvrer dans le sillage du pape François pour que l’impérialisme matérialiste n’engloutisse pas des décennies de prospérité.
Désigné le 8 mai 2025, 80 ans après la reddition nazie, Mgr Robert Francis Prevost, prélat missionnaire, devra s’affirmer comme une boussole religieuse, intellectuelle, sociétale et morale qui refuse obstinément d’indiquer le pire.
Une boussole qui, confrontée à la nécessité de moderniser l’Eglise catholique, sera sans doute celle d’un monde opposé à celui de Donald Trump.