Le cardinal Joseph Tobin a de très bonnes raisons d’en vouloir à Donald Trump. Il y a quelques jours encore, l’archevêque de Newark (New-Jersey) était souvent cité par la presse américaine, mais aussi dans les couloirs du Vatican, comme un possible «papabile», l’un des favoris pour succéder au pape François, décédé le 21 avril.
Or voilà qu’il est maintenant, comme tous les catholiques américains, presque la risée de la presse internationale. Pourquoi? Parce que le Président des Etats-Unis a diffusé sur ses réseaux sociaux une photo de très mauvais goût crée par l’intelligence artificielle: celle le montrant en pape sur le trône de Saint-Pierre. Et parce que Trump est encore allé plus loin: «J’aimerais être pape», a-t-il déclaré à des journalistes à l’extérieur de la Maison Blanche. «Ce serait mon premier choix». Avant de demander ensuite à ses partisans de ne plus diffuser le cliché incriminé.
60 millions de catholiques
Les catholiques sont près de soixante millions aux Etats-Unis. Ils ont longtemps été dominés par deux communautés: les descendants d’immigrants irlandais et italiens. Mais depuis les années 2000, cette géographie religieuse change à grands pas. Les hispaniques forment le gros des fidèles dans les Eglises.
Une communauté dont la piété s’affiche partout, avec force croix et images du souverain pontife, depuis la disparition du pape argentin que beaucoup de latinos considéraient comme l’un des leurs, d’autant qu’ils défendaient les migrants. Or voilà que Trump, l’ancien promoteur immobilier, issu d’une famille protestante presbytérienne, se prend pour le pape! Ridicule et indécent!
Polémique déplacée
Le moment de cette polémique est bien sûr crucial. La photo de Trump en pape, qui s’est affichée sur les écrans du monde entier et sur toutes les «une» des grands journaux internationaux, apparaît ni plus ni moins comme une insulte aux fidèles qui vont scruter, à partir de ce mercredi, la couleur de la fumée qui sortira du plafond de la chapelle Sixtine à Rome. C’est là que seront réunis les 133 cardinaux qui voteront, tous arrivés dans la ville éternelle. Dix de ces cardinaux électeurs viennent des Etats-Unis.
Or même s’ils ne l’ont pas officiellement demandé, tous ces prélats pensent que le locataire de la Maison-Blanche aurait dû présenter ses excuses. «Au moins un évêque américain a déclaré que Trump devait s’excuser, et même celui qui le connaît le mieux dans l’Église, le cardinal new-yorkais Timothy Dolan, a déclaré que ce n’était pas bien» commentait, dimanche 4 mai, le journal National Catholic Reporter.
JD Vance déconsidéré
Donald Trump a, en plus, déconsidéré au passage son Vice-président JD Vance, de confession catholique, dernier dignitaire étranger à avoir rencontré le pape au Vatican, à la veille de son décès. L’ancien sénateur de l’Ohio, d’origine irlandaise, avait insisté pour rencontrer le souverain pontife. Il se retrouve depuis ridiculisé. Il s’est en effet vu obligé, solidarité présidentielle oblige, de dire qu’il n’a pas de problèmes lorsque «les gens racontent des blagues». Ce qui lui a aussitôt valu des critiques acerbes de l’épiscopat américain.
Ironie encore plus difficile à accepter pour les fidèles: la foi chrétienne tient une place énorme à la Maison Blanche depuis l’investiture de Donald Trump le 20 janvier. Début févier, le Président des Etats-Unis a institué un «bureau de la foi», chargé de renforcer la place de la religion. Le 1er mai est désormais le «jour national de la prière». Et l’on connaît les liens entre Donald Trump, des prêcheurs médiatiques comme Hank Kunemann, et l’électorat évangéliste ultra-conservateur, parmi lesquels de nombreux latinos qui ont délaissé la foi catholique.
Les attaques de Mike Pence
C’est toutefois l’un des «born again», ancien catholique devenu évangéliste, qui a frappé le plus fort. Il s’agit de Mike Pence, l’ancien Vice-président des Etats-Unis sous le premier mandat de Donald Trump. Pour lui, le Président a dépassé «toutes les bornes». Ce que confirment les vaticanologues américains.
«A mon avis, il est désormais impossible pour un cardinal Américain d’être élu prochain pape, même s’il est par ailleurs bien qualifié a expliqué à la télévision James Bretzke, professeur de théologie à l’université John Carroll dans l’Ohio. «L’image de l’Amérique dans le monde est tout simplement trop puissante et, pour être franc, trop laide». Un second prélat américain était jusque-là cité: le cardinal Raymond Burke (76 ans), ancien archevêque de Saint-Louis (Missouri) et responsable au niveau mondial de l'Ordre de Malte entre 2014 et 2023.
Mauvaises blagues
Patrick Flanagan, professeur à l’université St. John’s de New York, confirme: «Trump est le plus mauvais soutien pour les cardinaux américains, malgré l’image de sa rencontre dans la Basilique Saint-Pierre avec Volodymyr Zelensky».
Un sénateur républicain, Lindsay Graham de Caroline du Sud, a tenté de dérider l’atmosphère en écrivain sur le réseau social de Donald Trump «Il s’agirait vraiment d’un candidat inattendu, mais je demande au conclave papal et aux fidèles catholiques de garder l’esprit ouvert à cette possibilité. La première combinaison entre le pape et le président des États-Unis présente de nombreux avantages. Trump MMXXVIII!».
Au sein de l’Eglise catholique américaine, et parmi les cardinaux venus des Etats Unis appelés à voter à partir de demain à Rome, personne n’a ri!