Il est l’un des milliardaires les plus respectés des Etats-Unis. Il a toujours investi en priorité dans les grandes marques américaines. Il vit au centre du pays, à Omaha, Nebraska, cette ville où il vient d’annoncer son départ à la retraite à 94 ans, devant plusieurs dizaines de milliers d’actionnaires de Berkshire Hathaway, le conglomérat qu’il a construit, investissement par investissement, depuis 60 ans. Et il est peut-être le meilleur opposant à son cadet Donald Trump.
Warren Buffet ne savait pas que l’annonce de son prochain départ, à la fin de l’année, coïnciderait avec un nouveau scandale planétaire provoqué par une photo: celle de Donald Trump en pape, que le 47ème Président des Etats-Unis a choisi de diffuser sur son réseau social. Et ce, à la veille de l’ouverture à Rome du conclave des cardinaux ce lundi 5 mai, pour désigner le nouveau souverain pontife qui remplacera le pape François, décédé le 21 avril.
40'000 fans de Buffett
Mais comment ne pas faire le rapprochement? Y compris au niveau du nombre de fans et de supporters respectifs des deux hommes. Ce vendredi et samedi, à Omaha, Warren Buffett s’est exprimé devant près de 40'000 personnes, réunies dans le stade de la ville, plein à craquer. Une nuée de caméras, d’analystes et de journalistes financiers était aussi au rendez-vous.
Plus au nord, à Madison, dans le Wisconsin, Donald Trump a parlé mardi 29 avril devant environ trois mille supporters MAGA (Make America Great Again) pour ses 100 jours de présidence. Incroyable succès d’estime dans le premier cas, ponctué par dix minutes d’applaudissements et d’ovation. Manifestation de soutien presque ordinaire pour un Chef de l’État en exercice pour le locataire de la Maison Blanche.
Plus significatif encore: les discours opposés des deux hommes. Warren Buffett quittera ses fonctions à la fin 2025. Il sera remplacé par le Vice-président de Berkshire Hathaway, Greg Abel. Il s’est donc exprimé avec davantage de liberté, mais aussi avec la colère d’un investisseur victime de l’agenda trumpiste. Berkshire Hathaway n’a gagné – ne pleurez pas – que 4,6 milliards de dollars durant le premier trimestre 2025, contre 12,7 milliards de dollars pour la même période en 2024. La firme dispose aujourd’hui d’une réserve de cash de 347 milliards de dollars contre 334 voici un an. Pourquoi? Parce que selon Warren Buffett, la politique économique des Etats-Unis sème la défiance au lieu de rassurer.
Contre la guerre commerciale
Le passage le plus agressif de son discours d’au revoir a porté sur la guerre commerciale déclenchée par Donald Trump: «Il ne fait aucun doute que le commerce peut être un acte de guerre. Il a conduit à de mauvaises choses –les attitudes qu’il a faites émerger» a asséné le milliardaire de 94 ans. Aux États-Unis, nous devrions chercher à commercer avec le reste du monde. C’est ce que nous faisions à l’origine».
Berkshire Hathaway est connue pour rester fidèle, depuis des décennies, aux actions de grandes marques américaines comme Coca Cola ou Gillette. Est-ce une raison pour soutenir l’agenda MAGA de Trump? Non. «Il y a 250 ans, nous savions produire du tabac et du coton et nous en faisions commerce», a poursuivi celui que les experts des marchés financiers ont longtemps décrit comme le «sage» d’Omaha, qui vit depuis 1958 dans la même maison.
Pas de retour au passé
Revenir au passé, selon lui, ne tient pas. Et menacer, voire se vanter est encore plus risqué: «Nous voulons un monde prospère, mais huit pays dotés d’armes nucléaires, dont quelques-uns que je qualifierais d’instables, je ne pense pas que ce soit une bonne idée où quelques pays disent 'hahaha nous avons gagné' et où d’autres pays sont envieux». Et de répéter plusieurs fois: «Le commerce ne devrait pas être une arme».
Le milliardaire ne pouvait guère être plus anti-Trump, à l’heure où tous les investisseurs américains redoutent les foudres de POTUS (l’acronyme pour President of the United States) et de ses bras armés de la finance comme Elon Musk. Tout en conservant de bonnes relations avec le propriétaire de Tesla, de X et de Space X.
Il parle à Elon Musk
«J’ai parlé à Elon plusieurs fois depuis l’investiture du président. Je ferai mieux de ne pas parler de ce que je lui ai dit» avait-il déclaré à la chaîne CBS. «Une chose est sûre en revanche, et il faut toujours se poser cette question en économie: et après? On n’échappera pas au fait que les prix seront plus élevés dans 10 ans, dans 20 ans, dans 30 ans».
Et de conclure, dans son discours dans une Omaha Arena pleine à craquer: «Selon moi, c’est une grave erreur lorsque 7,5 milliards de personnes ne vous aiment pas beaucoup et que 300 millions se vantent de leur réussite… Nous devrions chercher à commercer avec le reste du monde. Nous devrions faire ce que nous faisons de mieux et eux devraient faire ce qu’ils font de mieux».