Toujours aller sur le terrain. Toujours interroger ceux qui, les premiers, sont concernés par les décisions prises par Donald Trump depuis son investiture, il y a exactement 100 jours. Et toujours accepter de faire la différence entre le bruit médiatique dominant en Europe et les premières impressions, une fois arrivé aux Etats-Unis.
Remettons donc les choses en place d’emblée, tant l’impression dominante de notre côté de l’Atlantique est celle d’un très dangereux chaos américain. Qu’en est-il à Washington, d’où j’écris ces lignes? Le ton est logiquement plus contrasté. Oui, Trump est erratique. Oui, Elon Musk et sa tronçonneuse budgétaire sont de plus en plus un embarras pour une administration obligée de réembaucher à des postes aussi sensibles que la surveillance des centrales nucléaires. Et oui, Donald Trump est un vantard invétéré, prêt à sacrifier ses alliés internationaux sur l’autel de profits à très court terme via un «deal» avec la Russie de Vladimir Poutine.
A peine trois mois
Restent deux autres évidences, qu’il n’est pas possible d’occulter lorsque l’on écrit sur cette présidence vieille d’à peine trois mois.
La première est que Donald Trump continue de dominer le narratif politique américain. Ses allers-retours, ses volte-face, ses colères mises en scène (comme celles dont fit les frais Volodymyr Zelensky dans le Bureau ovale) alimentent un spectacle permanent qui déroute tous ses opposants et la plupart des observateurs. Résultat: Trump apparaît, aussi erratique soit-il, comme un président fort, sûr de son fait et prêt à tout ou presque. La peur qu’il sème et l’imprévisibilité qui est la sienne demeurent ses meilleures armes politiques.
Le contrôle total des républicains
La seconde évidence, pour qui arrive à Washington et passe quelques coups de fils à des diplomates, journalistes ou universitaires, est le fait que Trump garde le total contrôle du camp républicain, majoritaire au Congrès. Bien sûr, les errements de Wall Street et le lâchage de l’Ukraine irritent des élus conservateurs, inquiets de ce délitement américain. Mais le «boss» reste le «boss». Trouver des voix dissonantes dans le camp trumpiste relève de la prouesse. Et ce, pour une raison simple: les électeurs républicains, même inquiets, demeurent convaincus que l’ancien promoteur immobilier, en homme d’affaires pragmatique, saura corriger ses erreurs si elles sont dommageables pour son camp.
Jugé sur ses intentions
Donald Trump est un président que son électorat ne juge pas encore sur les résultats, mais sur ses intentions. Il bouscule. Il coupe. Il déconstruit. Il limoge. Il conteste les juges. Il ne s’estime plus lié par les traités. Et il répond en cela à la grande majorité de ses électeurs, abreuvés par son administration de chiffres aléatoires. Soyons réalistes: il faudra donc encore des mois, peut-être même une année, avant que l’écueil des faits ramène peut-être à la raison ce locataire de la Maison Blanche si sûr de lui. Il donnera alors, s’il le faut, des coups de volants brutaux pour éviter la sortie de route avant le crucial scrutin de mi-mandat, en novembre 2026.
Aux Etats-Unis, Trump n’est pas un président qui rate tout.
Il est d’abord un président qui ose tout.