Edward McMullen a été ambassadeur des Etats-Unis à Berne entre 2017 et 2021, pendant le premier mandat de Donald Trump. Considéré comme un proche du président américain, stratège politique, il est depuis retourné travailler dans le secteur privé à son domicile de Charleston, dans l'Etat américain de Caroline du Sud.
Dans une interview accordée à Blick, il revient sur le début du second mandat de Donald Trump sur les droits de douane imposés par les Américains. Il l'assure: «Nous avons un président extrêmement patient.»
Edward McMullen, vous étiez ambassadeur des Etats-Unis en Suisse lors du premier mandat de Donald Trump. Auriez-vous aimé rempiler?
Oui, mais j'ai fait partie de ceux qui ont encouragé le président à ne pas choisir les mêmes ambassadeurs une deuxième fois. Il est important de pouvoir disposer d'un nouveau regard sur des sujets pertinents. Les quatre années que j'ai passées en Suisse ont été extrêmement productives et fructueuses. Le président m'a demandé de continuer à m'impliquer, ce que je ferai certainement. Je travaille notamment avec les médias pour leur expliquer où la politique du président mène, notamment en Europe.
Début avril, de nouveaux droits de douane américains visant la Suisse ont été annoncés. Vous avez facilité un échange entre Karin Keller-Sutter et Donald Trump. Comment décririez-vous votre rôle?
Il n’y a actuellement pas d’ambassadeur américain en poste en Suisse. Callista Gingrich a été désignée, mais sa nomination doit encore être confirmée par le Sénat. J’ai donc essayé de faire comprendre à chaque camp la position de l’autre: celle de la Suisse auprès de notre administration, et inversement. Je suis intervenu en tant que citoyen et non comme fonctionnaire. Je ne suis rémunéré par personne: mon seul objectif est de préserver des relations bilatérales solides.
Mais vous avez tout de même des contacts à la fois avec le gouvernement américain et le Conseil fédéral...
Oui, très régulièrement. J’ai de nombreux amis proches, aussi bien dans les deux gouvernements que dans le monde économique, et il m’arrive souvent d’être sollicité.
Lorsque le président Trump a annoncé ses nouveaux droits de douane, il a déclaré que les Etats-Unis étaient traités de manière injuste. La Suisse a-t-elle des pratiques commerciales déloyales?
Lors des campagnes présidentielles de 2016, 2020 et 2024, Donald Trump a toujours été clair sur sa vision du commerce. Pour lui, le libre-échange n’est équitable que s’il repose sur la réciprocité. Aujourd’hui, les Etats-Unis sont présentés comme les méchants de l’histoire. En réalité, et contrairement à la Suisse, de nombreux pays ont abusé de l’Amérique pendant des décennies. Le président s’était déjà attaqué à ce problème lors de son premier mandat: c'est là est un bon indicateur de ce qu’il compte faire à l’avenir. La Suisse occupe une position à part: avec ses 9 millions d’habitants, elle est passée du huitième au sixième rang des investisseurs étrangers aux Etats-Unis durant le premier mandat de Donald. Ce grand succès, j'en suis particulièrement fier.
Lors de son fameux «Jour de la libération» le 2 avril dernier, Donald Trump a présenté une liste qui mentionnait la Suisse comme un pays traitant les Etats-Unis de manière injuste. Etait-ce un malentendu?
Je pense qu’il faut tourner la page concernant cette liste. Comme je l’ai déjà dit le jour de sa présentation, ces chiffres m’ont étonné. Les données étaient clairement discutables. Heureusement, plusieurs pays mentionnés dans la liste ont pu faire comprendre à la Maison Blanche quelles étaient les véritables données.
Pourtant, de nombreux économistes s’inquiètent de ces droits de douane. Le FMI a même brandi la menace d'un choc négatif majeur pour l’économie mondiale. Cela ne vous préoccupe pas?
Pas du tout. Lorsque j’étais au service du président durant son premier mandat, les mêmes voix pessimistes tenaient exactement les mêmes discours. Mais nous avons un dirigeant attentif, un homme d’affaires solide, qui entend rebâtir une économie comme il l’a fait il y a huit ans, c'est-à-dire une économie sans égal depuis des décennies. Le FMI et les sceptiques de Wall Street se trompent aujourd’hui, comme ils se sont trompés hier.
Et concernant la Chine?
Je me souviens de la rencontre remarquable entre les présidents Xi et Trump en 2017. Ils avaient réussi à établir une relation directe, au point qu'ils s’appelaient parfois spontanément. La crise du Covid a tout remis à 0 et a provoqué de fortes tensions. Mais j'ai confiance dans le fait que nous retrouverons une relation solide avec Pékin. Les Chinois ont besoin du marché américain, et les Etats-Unis dépendent aussi fortement de la Chine.
Ne craignez-vous pas un risque d’escalade militaire avec Pékin?
Pas du tout. Ce que je sais de Donald Trump, c’est que la paix est une priorité de son administration. Le président fera toujours en sorte de garantir la sécurité de l’Occident et des Etats-Unis. S'agissant de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, il a cherché une voie pacifique en affirmant clairement qu’il n’était pas question que ce conflit dure encore 50 ans. Le coût humain et financier est insensé. Il faut trouver une solution.
Si les deux camps sont mécontents, cela signifie qu’aucun compromis n'a été trouvé, non?
Pendant la campagne, le président Trump a promis de mettre fin rapidement à la guerre. Aujourd’hui, certains estiment qu’il s’impatiente. Je ne crois pas. Nous avons un président extrêmement patient. Son objectif, dans le dossier russo-ukrainien, est d’aboutir rapidement à un accord de paix. Cela ne fait même pas quatre mois que nous sommes au pouvoir et Donald Trump a déjà réuni les deux parties autour de la table.
En Europe, on craint les conséquences d’un accord qui permettrait à la Russie de conserver des territoires conquis par la force.
Je ne participe pas aux négociations. Beaucoup de gens débattent encore de la question de la Crimée: doit-elle rester ukrainienne ou passer sous contrôle russe? A l’avenir, il faudra trouver une voie vers la paix et la prospérité. Je suis très confiant. Je pense que nous aurons une résolution d’ici à la fin de l’année.
Cela fait 100 jours que Donald Trump est revenu à la Maison Blanche. Quel bilan dressez-vous jusqu’ici?
En peu de temps, le président a accompli des changements spectaculaires. L’une des plus grandes menaces pour les Etats-Unis était la crise migratoire: chaque mois, environ 250'000 personnes, dont des détenus, des criminels et d'autres profils préoccupants, franchissaient la frontière. Ce flux a été stoppé. Le mois dernier, seules 7000 personnes sont entrées sur le territoire. C’est ça, le leadership. C’est pour cela qu’il a été élu. Une autre priorité était de remettre de l’ordre dans l’économie. L’administration précédente avait provoqué une forte inflation, faisant grimper les coûts de la vie et baisser la qualité de vie. Il faudra plus de trois mois pour réparer les dégâts, mais nous sommes sur la bonne voie.
Certains craignent que l’administration outrepasse ses pouvoirs, notamment en matière d’expulsions ou avec l’idée de limoger le président de la banque centrale américaine. Ces craintes sont-elles infondées?
Ce sont surtout de bons titres accrocheurs, mais cela ne reflète pas la réalité. Prenez l’exemple de cet homme expulsé vers le Salvador: c’est un meurtrier. Il essaie désormais de se faire passer pour un père de famille dans la presse. Personne n’est dupe. Les tribunaux confirmeront que le président a agi dans le cadre de ses compétences. Notre Constitution lui confère une large marge de manœuvre pour protéger le peuple américain.
La cote de popularité de Donald Trump tourne autour de 40% dans les sondages, ce qui est relativement bas à ce stade de sa présidence, vous ne trouvez pas?
Je dirais plutôt l’inverse. Sur les grands enjeux, son soutien est solide. Il y a certes davantage de clivages, mais il conserve une base forte, avec au moins 50% d’approbation sur la plupart des sujets clés. Partout où je vais, j’entends la même chose: «Heureusement que nous avons un président qui redonne vie aux Etats-Unis. Le monde sait que l’Amérique est de retour.» Il faudra certes une période d'adaptation. Mais les années Trump seront très bénéfiques pour la Suisse, pour l’Europe, et pour le monde en général. Pas seulement pour les Etats-Unis.