Le soutien des Etats-Unis à l’Ukraine est redevenu, mercredi 30 avril, «vendable» à l’opinion publique américaine. Tel est en effet, depuis le début des discussions entre Washington et Kiev sur l’exploitation des terres rares ukrainiennes, le but principal de Donald Trump? Démontrer que son pays tire un avantage de sa coopération militaire et financière avec les autorités de Kiev.
Une opération politico-financière supervisée par celui qui, dans le chaos des 100 jours, s’emploie à rassurer les investisseurs et les marchés financiers: le secrétaire au Trésor Scott Bessent.Le rôle du grand argentier des Etats-Unis, milliardaire de Wall Street reconverti en bras droit de Donald Trump, est confirmé par le communiqué rendu public sur le fameux accord que Volodymyr Zelensky devait initialement signer le 28 février. Avant que sa réception à la Maison Blanche tourne au pugilat verbal avec le président américain et le vice-président JD Vance.
Fonds d’investissement
«Le 30 avril, les Etats-Unis et l’Ukraine ont signé un accord visant à établir un Fonds d’investissement pour la reconstruction. En reconnaissance du soutien financier et matériel important que le peuple des États-Unis a apporté à la défense de l’Ukraine depuis l’invasion massive de la Russie, ce partenariat économique permet à nos deux pays de travailler en collaboration et d’investir ensemble pour s’assurer que nos actifs, talents et capacités mutuels peuvent accélérer le redressement économique de l’Ukraine» énonce ce texte qui loue «les efforts inlassables du président Trump pour garantir une paix durable».
La date choisie, comme le fait que Scott Bessent soit aux manettes, ne doit rien au hasard. Contrairement à son homologue chargé du Commerce Howard Lutnick, pris dans la tourmente provoquée par les annonces du 2 avril sur les tarifs douaniers puis leur ajournement pour 90 jours, le ministre des Finances de Donald Trump a jusque-là réussi à rester à l’écart de l’orage politique et économique.
Engagement à long terme
L'homme est surtout, pour l’Ukraine, la garantie que l’accord sur les terres rares engage bien l’administration américaine. Ce que le communiqué détaille dans des termes destinés à envoyer un message à Moscou.
«Cet accord signale clairement à la Russie que l’administration Trump s’engage à long terme en faveur d’un processus de paix centré sur une Ukraine libre, souveraine et prospère. Le président Trump a envisagé ce partenariat entre le peuple américain et le peuple ukrainien pour montrer l’engagement des deux parties en faveur d’une paix et d’une prospérité durables en Ukraine. Et pour être clair, aucun Etat ni aucune personne ayant financé ou fourni la machine de guerre russe ne sera autorisé à bénéficier de la reconstruction de l’Ukraine».
L’autre atout dans la manche de Scott Bessent est qu’il est aussi, à Washington, l’homme des sanctions économiques contre la Russie. C’est d’ailleurs à ce titre qu’il avait été le premier membre de l’administration Trump à se rendre à Kiev, à la mi-février 2025, deux semaines avant que Zelensky soit pris pour cible dans le Bureau ovale.
Solide soutien au Congrès
Il dispose à ce propos d’un solide soutien au Congrès, y compris chez les sénateurs et représentants démocrates, pour avoir affirmé durant son audition préalable à sa nomination qu’il ne verrait pas d’objection à serrer encore plus l’étau des mesures financières punitives contre la Russie, si celle-ci persiste à refuser la paix.
En laissant son Secrétaire au Trésor prendre l’initiative de ce «deal» sur les minerais, Trump marque pour sa part trois points utiles, en plein questionnement sur sa stratégie vis-à-vis de Moscou.
Le premier est adressé aux Européens, qui seront sans doute les premiers bailleurs de fonds de la reconstruction, si une paix sérieuse survient. Le second est adressé aux institutions financières internationales, vers lesquelles Washington va bien sûr se tourner pour financer le futur fond. Le troisième, destiné à la Russie, consiste à montrer que ses obstructions diplomatiques peuvent lui coûter cher, car désormais, les Etats-Unis ont un intérêt sonnant et trébuchant à la paix en Ukraine.
Un bon casting
Bien joué? Oui, parce que le casting a aussi son importance à l’heure où Trump célèbre ses cent jours de pouvoir et promet à ses électeurs «qu’ils n’ont encore rien vu».
Ancien collaborateur du milliardaire Georges Soros, honni des ultra-conservateurs, Scott Bessent – dont la fortune est estimée à au moins 500 millions d’euros – a l’avantage de conserver des relais au-delà du camp républicain. Son homosexualité assumée et le fait qu’il soit marié avec un ancien procureur de New York avec lequel il a éduqué deux enfants, font aussi de lui une personnalité moins clivante que les autres «stars» de la galaxie «MAGA» (Make America Great Again).
Dernière carte dans sa poche: Bessent est sorti récemment vainqueur d’un affrontement verbal dans les couloirs de la Maison Blanche avec Elon Musk, au sujet de l’IRS, le fisc des Etats-Unis que le propriétaire de Tesla envisageait de réformer à la hussarde. Musk, qui avait tenté de s'opposer à sa nomination, a dû reculer. «Il ne s’agissait pas d’une lutte pour le bien ou le mal. C’était une question de contrôle» a confié un conseiller du président au média Axios. Voici désormais le Secrétaire au Trésor, de facto, en charge du contrôle de l’avenir de l’Ukraine.