Un homme règne sur Washington depuis l’investiture du 47e président des Etats-Unis. Et ce n’est pas Donald Trump. Cet homme est celui qui, dans les couloirs feutrés de la Maison Blanche, façonne l’agenda politique MAGA, l’acronyme du slogan «Make America Great Again» («Rendre à l’Amérique sa grandeur»).
Il se nomme Stephen Miller. Son but? faire de Trump bien plus qu’un chef d’Etat parmi tous les autres. Un «pape», à l’image du cliché de Trump en souverain pontife, que le président a lui-même fait circuler sur son réseau Truth Social.
Cette mécanique n’est en effet pas que politique. Elle est quasi-religieuse. Pour Stephen Miller, le second mandat de Donald Trump doit être basé sur la Bible qu’il a lui-même contribué à écrire: le projet 2025 de l’Heritage Foundation. Très commenté durant la campagne électorale, ce document liste ce que le président Trump doit faire pour reprendre tous les leviers du pouvoir et empêcher que les élites «libérales» s’opposent au mouvement MAGA.
Démarche messianique
«Il y a une démarche messianique dans ce projet. Trump est, pour ces gens-là, bien plus qu’un locataire du Bureau Ovale», note un ancien diplomate américain, familier de l’Europe. Or les 100 premiers jours, selon lui, montrent la voie de ce qui va continuer à se passer à Washington.
Acte 1: Ne surtout pas faire marche arrière. La contraction de l’économie américaine, ou les convulsions de la Bourse, doivent au contraire être présentées comme un «sacrifice nécessaire». Pour le «Washington Post», ces 100 jours sont un test indispensable pour consolider le mouvement MAGA. «Dans la tête des trumpistes purs et durs, comme Miller, les électeurs doivent souffrir avant d’être récompensés.» C’est ce que Donald Trump lui-même nomme «la période de transition».
Récompenser ses soutiens
Acte 2: Serrer les rangs et récompenser ceux qui ne cillent pas. C’est le but des dîners privés organisés par l’administration Trump. Dès qu’il le peut, Donald Trump reçoit à Mar-a-Lago ou à la Maison Blanche. Il pose avec ses plus zélés soutiens, si possible des célébrités comme le combattant de MMA Conor Mc Gregor. Elon Musk est souvent là, tel un grand prêtre numérique et technologique du mouvement. Un nouveau groupe de lobbyistes MAGA a été créé: l’American Growth Partnership. La cotisation de base va de 50'000 à 100'000 dollars. Il promet l’accès direct aux responsables de l’administration, à condition d’être un militant républicain «impeccable».
Acte 3: Impressionner l’électorat populaire et ne surtout pas écarter les visages connus de l’équipe Trump. Le soutien du président à son très controversé Secrétaire à la Défense Pete Hegseth s’explique, dit-on à Washington, largement par sa popularité due à ses années sur Fox News. Mike Waltz, le Conseiller à la sécurité nationale qui vient d’être nommé ambassadeur à l’ONU, est dans la même catégorie.
Miser sur des célébrités
Trump ne lui a pas pardonné l’affaire engendrée par le groupe de messagerie Signal sur lequel des plans militaires ont été partagés avec un journaliste intégré par ses soins. Mais Hegseth, comme Waltz, comme Miller, font partie des «cardinaux MAGA». Ils impressionnent. Ils sont impitoyables. Et ils sont très connus dans la sphère des blogs et autres podcasts réactionnaires...
Trump, bien plus qu’un président? L’activiste démocrate Ben Rhodes a collaboré avec le président Obama. Ce dernier aussi avait façonné une sorte de culte autour de lui, à l’opposé bien sûr de celui des partisans MAGA. Une différence toutefois selon cet intellectuel engagé contre l’actuel Chef de l’Etat? La corruption. «Trump récompense ses soutiens fidèles avec de l’argent. C’est une cash-machine. Il a été élu pour ça. Il a promis de rapporter à ceux qui ont voté pour lui ou l’ont financé. Les conflits d’intérêts sont légion. Sa famille continue de faire du business. Une Trump Tower va bientôt être construite à Jeddah, en Arabie saoudite. Ses émissaires sont autorisés à recevoir des cadeaux.» Le message: soutenir Trump contre vents et marées, c’est s’enrichir.
L’importance de la loyauté
Ces accusations sont balayées par les partisans du président. Pour eux, Trump doit s’entourer de fidèles loyaux, car la lutte contre les élites et «l’Etat profond» bat son plein. Logique, aussi, de récompenser ceux qui le soutiennent, ce que tous ses prédécesseurs ont fait.
Sauf que dans son cas, il ne s’agit pas seulement de nominations à des postes prestigieux et confortables d’ambassadeurs (chose habituelle aux Etats-Unis): «Le sujet le plus emblématique est celui des cryptomonnaies explique dans un article Steven Rattner, qui suivit longtemps la maison Blanche pour le 'New York Times'. Trump exhorte ses partisans à en acquérir. Et ainsi, il crée un lien financier direct avec sa communauté. Son église est une chapelle remplie de petits investisseurs qui croient en lui, qui misent sur lui. Et qui ont donc intérêt, s’il tient ses promesses, à ce qu’il reste longtemps au pouvoir.»