Le prochain pape aura fort à faire
Le passé trouble du Vatican qui le hante depuis plusieurs siècles

Le prochain pape devra poursuivre les efforts de réforme et de transparence initiés par François. Des prédateurs sexuels aux financiers véreux, le Vatican abrite non seulement des saints, mais aussi des démons.
Publié: 02.05.2025 à 09:10 heures
Partager
Écouter
Angelo Becciu a été inculpé pour détournement de fonds, abus de pouvoir et subordination. Il a été condamné en 2023.
Photo: keystone-sda.ch
Post carré.png
AFP Agence France-Presse

Prédateurs sexuels, financiers véreux, espions, et même quelques assassins: s'il est le jardin terrestre où l'Eglise catholique proclame ses saints, le Vatican compte aussi maints démons en ses murs. «L'Eglise est sainte, mais constituée de pécheurs», résume l'historien Martin Dumont en citant une homélie du pape Benoît XVI.

Au XXIème siècle, les violences sexuelles commises par des ecclésiastiques sur des mineurs et des religieuses sont les crimes les plus graves auxquels est confrontée l'Eglise catholique. Et le principal chantier du successeur du pape François, qui devra poursuivre le travail d'enquête, de vérité et de réparation largement mené sous son pontificat.

L'ombre d'Angelo Becciu

Le pontife argentin, reprenant le bâton de pèlerin de son prédécesseur allemand, s'était attaqué à d'autres formes de dépravation, en particulier les délits financiers. S'il est loin d'être le seul à être mis en cause, un homme symbolise aujourd'hui le grand nettoyage: le cardinal italien Angelo Becciu.

Plus haut ecclésiastique jamais condamné par le tribunal pénal du Vatican, cet ancien conseiller du pape François incarne le péché de vénalité et de prévarication qui fut des siècles durant la plaie du pouvoir central de l'Eglise, dont les coffres gorgés d'or échappaient à tout contrôle. Sous la pression de ses pairs, le cardinal a annoncé mardi qu'il renonçait à participer au conclave.

Pour le futur pape, beaucoup reste à accomplir. Face aux résistances qu'il ne manquera pas de rencontrer, il se souviendra peut-être de François disant que réformer le Vatican revenait à «nettoyer le Sphinx d'Egypte avec une brosse à dents»...

«Les papes de la Renaissance n'étaient pas de grands modèles»

Si le pape est un guide spirituel pour les plus de 1,4 milliard de fidèles dans le monde, lui-même et ses légions, de chair et de sang, ne sont pas infaillibles. Il n'est que de remonter au Xe siècle pour rencontrer Jean XII, qui, dit-on, transforma le palais du Latran à Rome en un harem. Cinq siècles plus tard, Alexandre VI Borgia organise une orgie pour les noces de sa fille.

Histoire ou légende, peu importe. «Les papes de la Renaissance n'étaient pas de grands modèles. Avant tout des guerriers, des gens qui défendaient un territoire», explique le haut prélat. Les dynasties papales – Médicis, Pamphili, Borgia... – étaient immensément riches, octroyaient à leurs proches prébendes et domaines.

«Le népotisme a été un des cancers de l'Église à cette époque» où l'on se souvient des pontifes comme des «papes-rois», poursuit le prélat romain. «La première chose que faisait un pape, quand il arrivait au pouvoir, était d'enrichir sa famille et d'appauvrir les autres, quand il ne les tuait pas.»

Le meurtre d'un commandant des gardes suisses

Encore quelques siècles plus tard et l'argent, toujours, se retrouve aux sources de l'affaire de la banque Ambrosiano, qui recyclait l'argent de la mafia. En 1982, cette filiale de l'Institut pour les oeuvres de religion (IOR), la banque du Vatican, fait faillite. Roberto Calvi, son directeur, est retrouvé pendu la même année sous le pont Blackfriars à Londres.

Un commandant des gardes suisses, Alois Estermann, connaîtra lui aussi un funeste destin. En 1998, il est abattu avec sa femme dans leur appartement du Vatican par un de ses hommes, qui se suicide ensuite. Acte désespéré d'un soldat brimé? Bavure d'un service d'espionnage étranger? Drame de l'infidélité? Le mystère reste entier.

De quelque ordre qu'elles soient, les turpitudes du pape et de sa cour entrent en collision avec le discours moral «exigeant» de l'Eglise, avec comme conséquence d'en «éloigner une partie» d'entre eux, note Martin Dumont. C'est ce qui s'est produit lorsque Martin Luther, dénonçant dans l'Eglise «une Babylone» affranchie de sa mission, provoqua le schisme qui devait voir naître le protestantisme au XVIe siècle.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la