Le cardinal guatémaltèque prend la parole
«J'espère vivement que le nouveau pape poursuivra la voie tracée par François»

Álvaro Ramazzini, du Guatemala, fait partie des plus de 130 cardinaux qui éliront le nouveau représentant de Dieu sur terre. Il veut s'engager personnellement pour que les réformes de François se poursuivent. Rencontre.
Publié: 29.04.2025 à 15:50 heures
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Álvaro Ramazzini est évêque au Guatemala.
Photo: keystone-sda.ch
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Raphael Rauch

Le cardinal Álvaro Ramazzini, originaire du Guatemala, est un évêque dans la même ligne que celle que suivait le pape François. Sans prétention, proche des gens, il nous reçoit à Rome en simple polo, sans croix pectorale (insigne religieux porté par le clergé). 

L'homme est très engagé auprès de la population pauvre et rurale du Guatemala, il a été menacé de mort dans le cadre de ses activités, et a parfois dû se faire protéger par la police.

Eminence, que restera-t-il du pape François?
Le pape François a convaincu non seulement par ses paroles, mais surtout par ses actes. Son premier voyage l’a conduit à Lampedusa pour attirer l’attention sur le sort des réfugiés. Il s’est consacré intensément à la protection du climat et aux peuples autochtones menacés. Il a dénoncé les guerres, notamment à Gaza, au Myanmar et au Congo. Il a nommé des femmes à des postes élevés et a fait avancer les réformes de la Curie romaine. La banque du Vatican était entachée de scandales, et le pape a eu le courage d’engager des poursuites judiciaires contre de hauts représentants de l’Église.

Une phrase célèbre du pape François était: «Cette économie tue!» Que voulait-il dire par là?
La justice sociale tenait très à cœur au pape. On lui a parfois reproché de mal comprendre le capitalisme, mais dans des pays comme l’Argentine et le Guatemala, on peut observer quotidiennement comment celui-ci rend les riches plus riches et les pauvres plus pauvres. Ces expériences ont profondément marqué le pape.

Pourquoi avez-vous été temporairement placé sous protection policière?
Il y a environ huit ans, j'ai reçu des menaces de mort parce que je m'engageais contre l'exploitation des travailleurs dans les mines, contre la pauvreté et la corruption. Un tueur à gages a été engagé et le président de l'époque a ordonné une protection personnelle. Cela a duré deux ans, jusqu'à ce que la situation se calme. Depuis, je n'ai plus reçu de menaces de mort, même si je n'ai pas changé d'avis.

De nombreux Guatémaltèques vivent aux Etats-Unis ou veulent y travailler. Quel est votre opinion sur la politique anti-migratoire de Trump?
La politique de Trump inquiète beaucoup les Guatémaltèques. Aux Etats-Unis, 1,2 million de Guatémaltèques vivent sans papiers. L'annonce d'arrestations massives et d'expulsions est un facteur de stress important. Donald Trump joue un double jeu et le pape François l'avait vivement critiqué, à juste titre.

Qu'entendez-vous par double jeu?
D'un côté, les Etats-Unis vivent de la main-d'œuvre bon marché d'Amérique latine, de l'autre, Trump attise l'hostilité contre eux. Il célèbre son investiture dans une église, mais en même temps, sa politique est profondément contraire à l'Evangile. Une évêque a tenté de le sensibilisé sur cette ambivalence: elle a expliqué que les Etats-Unis profitaient des étrangers qui travaillent dans leur agriculture et nettoient leurs bâtiments. Mais au lieu de s’inspirer de ses paroles, Trump l’a insultée.

«
Nous avons besoin d'une Eglise bienveillante dans le monde d'aujourd'hui
Álvaro Ramazzini, cardinal guatémaltèque
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Comment voyez-vous l'avenir de l'Eglise?
J'espère vivement que le nouveau pape poursuivra la voie tracée par François et qu'il fera avancer les réformes qu'il a initiées. Nous avons besoin d'une Eglise bienveillante dans le monde d'aujourd'hui.

Que répondez-vous aux catholiques qui s'inquiètent d'un éventuel retour de balancier pour le mouvement conservateur?
Un retour en arrière est possible, mais le conclave compte de nombreux cardinaux qui sont profondément convaincus par l'enseignement et la pratique du pape François. Nous les défendrons et les ferons progresser. Je considère que c'est aussi ma responsabilité personnelle.

Comment allez-vous construire des ponts avec les traditionalistes?
Il est important de construire des ponts, mais toutes les parties doivent être prêtes à le faire. Conformément à l'Évangile, le pape François a indiqué le chemin que nous devons suivre, et cela vaut pour tous.

Autrefois, les évêques devaient trembler devant Rome, mais sous le pape François, le climat de peur a cessé. Comment l'avez-vous vécu personnellement?
Le pape François a créé une Eglise aux portes ouvertes. Il a dit un jour que l’Eglise devait être comme un hôpital de campagne. Il entendait par là qu'elle ne devait pas se contenter de beaux discours ou de jugements, mais convaincre par des actes d’amour et s’occuper des besoins concrets, des souffrances et des détresses des gens. C’est cela l’essentiel. Et non une Eglise tournée vers elle-même.

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