Par où sort la fumée? «Là, non, là!», se murmurent les touristes massés sur la place Saint-Pierre de Rome. Le conclave, la très mystérieuse élection du chef de l'Eglise catholique, s'est ouvert mercredi 8 avril, faisant affluer des dizaines de milliers de pèlerins et de touristes au Vatican.
«Quand est-ce que la fumée monte?», se demande Armena, touriste albanaise venue avec son bébé de quatre mois, Azra, qu'elle tient dans les bras. «J'ai atterri là par hasard, mon train pour le sud a été supprimé.» Pour elle, il s'agit d'une formidable occasion de vivre ce moment historique avec sa fille.
Pas moins de 10'000 pèlerins sont attendus à Rome pour ce conclave. Environ 4000 policiers, pompiers et ambulanciers sont mobilisés. C'est deux fois moins qu'il y a deux semaines, lorsqu'il avait fallu organiser les funérailles du pape François. En l'absence de Donald Trump, Volodymyr Zelensky et consorts, le bruit des hélicoptères de la police volant au-dessus du Vatican se fait lui aussi beaucoup moins présent.
La vie quotidienne bat son plein
Le long des colonnades historiques du Vatican, des guides brandissent des drapeaux pour aiguiller des fidèles qui arpentent le site, écouteurs jetables sur les oreilles. Bref, la routine habituelle. A une exception près: la chapelle Sixtine est évidemment fermée aux visiteurs, conclave oblige.
Les cardinaux, eux, se sont retranchés derrière les hauts murs du Vatican. Coupés du monde, ceux qui éliront le nouveau pape vivent désormais en huit clos. Nul n’entre, nul ne sort. «Il n’y a rien à voir ici», glisse un garde suisse au journaliste posté à l’entrée.
Une drôle de numéro
Les soldats de la plus vieille armée du monde devaient célébrer cette semaine la prestation de serment des nouvelles recrues. Familles et amis devaient même faire le déplacement. Mais avec la mort du pape François, tout a été mis entre parenthèses.
En début d'après-midi, la messe marquant le début de conclave se termine. Les cardinaux se rendent alors à la Casa Santa Marta pour déjeuner et faire la sieste. Au même moment, un homme habillé en prêtre fait son apparition sur la place Saint-Pierre, des dizaines de clés à la main. Il attire immédiatement l'attention de nombreux journalistes.
«Je suis l'assistant du cardinal secrétaire d'Etat et j'organise le conclave», clame l'homme en soutane. Ce que de nombreux journalistes ignorent, c'est que ce soi-disant prêtre est en réalité Maximilian Schafroth, un comédien allemand. Il répond aux questions avec le plus grand sérieux et raconte à qui veut l'entendre que son rôle est de veiller à faire respecter l'ordre dans le conclave.
«Je veux faire rire les gens dans ce monde ecclésiastique sérieux», explique-t-il à Blick après la fin de son petit numéro. Tout le monde ne trouve pas la blague drôle, il l'a d'ailleurs lui-même ressenti. «Les carabiniers m'ont expulsé de la place mardi, car en Italie, seuls les prêtres ordonnés peuvent porter la soutane», explique-t-il le sourire aux lèvres, après avoir regagné la place Saint-Pierre, où d'innombrables plateaux de télévisions éphémères ont été installés à la hâte.
Depuis la mort du pape François, 4700 journalistes ont été accrédités auprès du bureau de presse du Vatican. Les journalistes, caméramen et photographes sont venus du monde entier. Depuis le décès du pape François, ils couvrent toute l'actualité de la cité-Etat.
Parmi eux, Paolo Villasan, caméraman originaire des Philippines, est assis à l'ombre de son parasol. Le fait que le cardinal philippin Lui Antonio Tagle, soit cité parmi les favoris le réjouit. «Bien sûr, ce serait génial d'avoir un compatriote comme pape», explique-t-il à Blick. Mais il n'est pas uniquement là pour ça. «En 2013, j'ai déjà couvert le conclave. En tant que catholique, le fait de revenir dans ce lieu chargé d'histoire est pour moi un immense privilège.»
Pour les fidèles, l'attente ne fait que commencer. Alors que le soleil se couche, Blick rencontre Vanessa Walker et son père Edgar, deux Suisses originaires d'Altdorf, dans le canton d'Uri. «Plus il fait sombre, plus le spectacle est beau», se réjouit Vanessa, qui sent tout de même la faim monter. «Nous voulons gentiment aller manger, mais pas question qu'on rate la fumée», dit-elle.
Il est un peu plus de 21 heures lorsque le couperet tombe: de la fumée noire sort de la cheminée de la chapelle Sixtine. A cet instant, les fidèles comprennent qu'il faudra attendre au minimum un jour de plus avant de connaître le prochain pape. Pas de quoi décevoir Vanessa et Edgar Walker. Tous deux resteront à Rome jusqu'à la fin de la semaine. D'ici là, ils espèrent bien voir une fumée de toute autre couleur s'échapper de la chapelle Sixtine.