Ils ne sont pas réputés proches. Et pourtant, les cardinaux Luis Antonio Tagle et Jean-Marc Aveline ont, aux yeux de nombreux experts du Saint-Siège, des qualités similaires. L’un comme l’autre sont réputés proches du peuple et des fidèles. Et tous deux ont la réputation de vouloir mettre leurs pas dans ceux du pape François, décédé le 21 avril.
Le conclave des cardinaux qui s’ouvre ce mercredi à Rome est le cœur battant de l’Eglise catholique romaine. Enfermés dans la Chapelle Sixtine, sous les fresques peintes par Michel-Ange entre 1508 et 1512, les 133 cardinaux électeurs vont élire le prochain souverain pontife. Celui-ci régnera sur les 1,5 milliard de catholiques du monde entier jusqu’à sa mort. Sauf s’il devait décider de démissionner, comme le pape benoît XVI le fit à la surprise générale en 2013 après huit années de pontificat.
Pas parmi les favoris
Pourquoi porter le regard sur ces deux cardinaux? D’autres noms ont surgi ces dernières semaines, et en particulier depuis quelques jours à la faveur des congrégations générales qui réunissaient l’ensemble des prélats présents à Rome, y compris les cardinaux âgés de plus de 80 ans qui ne peuvent plus voter. Pour l’aile réputée conservatrice de l’Eglise catholique, le cardinal guinéen Robert Sarah est perçu comme un chef de file. Pour l’aile progressiste, le cardinal italien Matteo Zuppi, ancien aumônier de la communauté Sant-Egiddio très active dans les pays en conflit, est perçu comme le mieux placé.
Reste un principe de base à Rome: ne jamais croire aux pronostics et au pari, sur le nom qui sortira de la fumée blanche annonciatrice du nouveau pape. Or les cardinaux Luis Antonio Tagle, 67 ans, et Jean-Marc Aveline, 66 ans, peuvent faire la différence.
Mgr Tagle, cardinal «karaoké»
Le cardinal philippin, ancien Archevêque de Manille, puis dignitaire de la Curie romaine, a l’avantage de représenter un pays émergent du sud, comme le pape François qui venait d’Argentine. Les Philippines sont, en plus, le seul pays majoritairement catholique d’Asie, et la position géographique de l’archipel le place dans le collimateur de la puissante Chine, qui revendique des îlots disputés.
Mgr Luis Antonio Tagle, alias «Chito», considéré comme progressiste et humble, a été créé cardinal par Benoît XVI en 2012, ce qui le rapproche des conservateurs proches de l’ex-cardinal Josef Ratzinger. Son sens de l’humour lui vaut une réelle popularité dans les hautes sphères du clergé. Mais attention, ce bon vivant qui aime chanter a peut-être dépassé les bornes. «Il n’est pas le prêtre habituel et formel. Il chante. C’est un Philippin. C’est un prêtre karaoké» a déclaré à son sujet un de ses collègues. Sauf qu’il s’est retrouvé filmé devant un micro à chanter «Imagine» de John Lennon, la chanson qui démarre par «Imagine qu’il n’y a pas de paradis»…
Mgr Aveline, le Méditerranéen
Pourquoi, alors, ne pas choisir dans la même lignée de l’humilité et de l’attention aux pauvres tracée par le pape François celui qui préside aux destinées de la «Bonne mère», la fameuse basilique Notre-Dame de la Garde juchée sur la colline qui domine Marseille? Il y a plus de 650 ans que la France, fille aînée de l’Eglise catholique, n’a pas eu de pape. Le dernier, Grégoire XI (1329-1378) fut l’ultime souverain pontife basé à Avignon (Vaucluse). On sait aussi que la laïcité républicaine française est un obstacle. Beaucoup de cardinaux et de fidèles ne la comprennent pas.
Reste la personnalité bonhomme de Jean-Marc Aveline, crée cardinal en 2022, dont l’une des difficultés lors de ce conclave sera qu’il ne maîtrise pas parfaitement l’italien. Il est en revanche hispanophone. Il vient d’être élu en avril 2025 président de la Conférence des évêques de France. Il a beaucoup travaillé au dialogue avec l’islam, et perpétuerait l’héritage méditerranéen de François, qu’il avait reçu à Marseille en septembre 2023.
Scrutés de près
Deux cardinaux moins médiatiques que les favoris italiens. Deux cardinaux qui sont des pasteurs avant d’être des pontes de l’Eglise catholique romaine. Problème: l’un comme l’autre peuvent payer cher le prix d’être dans le sillage de leur prédécesseur. Dans ce conclave où 108 cardinaux ont été nommés par François, et où beaucoup ont fait connaissance ces derniers jours, débarqués de leurs pays d’origine parfois lointains, Mgr Luis Antonio Tagle et Jean-Marc Aveline seront, dans tous les cas, scrutés de près.