Haut-lieu du deal lausannois
Rue de Genève 85: le propriétaire de l'immeuble arrêté devant ses locataires!

Le propriétaire de l'immeuble «Genève 85» à Lausanne a été arrêté fin août, a appris Blick. Suspecté de blanchiment d'argent et de s'enrichir sur des séjours illégaux, il risque une lourde peine. Son arrestation pourrait marquer un tournant pour le quartier.
Publié: 16:34 heures
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Dernière mise à jour: il y a 22 minutes
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Ici à l'extérieur de son immeuble tristement célèbre, le propriétaire de «rue de Genève 85» a été arrêté par la police judiciaire.
Photo: DR
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Léo MichoudJournaliste Blick

C’est une information qui pourrait tout changer dans un dossier sans fin qui pèse sur Lausanne. Selon les informations de Blick, le propriétaire de l’immeuble situé à la rue de Genève 85 a été arrêté et incarcéré le 27 août dernier.

Ce logement d’une dizaine d’étages, l’un des plus densément peuplés du chef-lieu vaudois, est tristement célèbre en tant que base arrière du deal dans le canton de Vaud. Pour rappel, notre enquête sur la situation du quartier avait mis le doigt sur deux problèmes: le deal, qui pourrit depuis longtemps la vie des habitants du quartier, et le droit au logement, étant donné le nombre de personnes précaires et sans papiers qui vivent dans l’immeuble.

Ce mercredi matin de fin août dernier, beaucoup d’entre eux ont été témoins d’une énième descente de police, cette fois au domicile de l’homme à la tête de sa propre régie, qui habite l’immeuble. «C’était hyper impressionnant, nous confie un voisin. Sous les yeux de tout le monde, notamment de ses propres locataires mis dehors le temps de l’intervention, les policiers ont mis le gars dans une voiture banalisée avec plein d’affaires et sont partis. Cette fois-ci, à ma plus grande surprise, ce n’était pas un habitant, mais le propriétaire!»

La justice confirme et détaille les motifs

Contacté, le Ministère public vaudois confirme «avoir ordonné l’interpellation du propriétaire de l’immeuble de la rue de Genève 85». Une intervention menée par la police judiciaire de Lausanne. L’homme a été auditionné «par le procureur qui dirige cette instruction», puis placé en détention provisoire.

Cette mesure d’incarcération dure deux mois, voire trois si une prolongation est jugée nécessaire. Pendant ce temps, la justice évalue le risque de fuite, récidive et, plus important dans ce cas-là, de collusion. En somme, il est question de savoir si l’homme risque de contacter son réseau ou ses proches pour éviter à d’autres de tomber.

Séjours illégaux et blanchiment d’argent?

Les faits qui lui sont reprochés sont graves. Il est suspecté d'«incitation à l’entrée, à la sortie ou au séjour illégaux dans le but de se procurer un enrichissement illégitime», c’est-à-dire d’avoir loué des appartements à des personnes qu’il savait être en situation illégale. Selon l’art. 116 de la Loi fédérale sur les étrangers et l’immigration, cette infraction est punie d’un an au plus de réclusion ou d’une peine pécuniaire.

Mais il est aussi placé en détention provisoire pour blanchiment d’argent «en raison de la provenance criminelle d’une partie des loyers encaissés», ajoute le Ministère public. Là, ce pourrait être encore plus lourd. Selon l’art. 305bis du Code pénal, une personne coupable de blanchiment d’argent risque «une peine privative de liberté de trois ans au plus» ou une peine pécuniaire.

Et s’il est avéré que la personne fait partie d’un groupe criminel ou a fait métier de ses actes de blanchiment, cela peut être considéré comme un «cas grave». L’incarcération peut alors monter jusqu’à cinq ans et la peine pécuniaire peut atteindre des sommes importantes. Il est toutefois rappelé que «le prévenu bénéficie à ce stade de la présomption d’innocence».

Le collectif d’habitants a de l’espoir

Depuis deux semaines, plusieurs éléments laissaient entendre que quelque chose avait changé dans le quartier. La boîte aux lettres du propriétaire a été vue débordant de lettres. Et le plus important, le Collectif Sévelin-Sébeillon – qui représente les habitants du quartier – a indiqué à ses membres avoir été informé qu'une personne se présentait comme le nouveau gérant de l’immeuble. Une rencontre a eu lieu avec un de ses «employés du terrain», mais sans pouvoir en savoir plus sur la régie qui l’emploie ou sur son rôle exact. Le site internet de l’ancienne régie n’existe plus, mais une nouvelle page intitulée «geneve85» indique être «en construction».

«
C'est un tournant attendu depuis plus de vingt ans!
Thomas, porte-parole du collectif qui représente le voisinage
»

Contacté, le porte-parole du collectif, Thomas, prend acte de cette arrestation et voit en cette décision une marque de courage et «un tournant attendu depuis plus de vingt ans!» En effet, le sexagénaire incarcéré est propriétaire de l’immeuble depuis 2002. «La gestion passée a instauré un climat délétère propice à la prostitution, au trafic et aux incivilités», dit celui qui se réjouit de voir «enfin la prise au sérieux» du combat de son collectif.

De hautes attentes pour la suite

Le représentant du collectif d’habitants, qui coordonne ses actions, attend de la justice qu’elle «fasse la lumière sur les responsabilités du propriétaire, sur la collaboration passée avec l’ancienne gérance, et sur la gestion actuelle». Mais pour Thomas, cette arrestation n’est pas une fin en soi. «Le risque est clair: voir revenir les mêmes logiques, avec du bricolage au strict minimum dès que les autorités s’en mêlent, tandis que les problèmes de fond persistent.»

«
Le 85 ne doit plus être considéré comme la dernière Cour des miracles de Lausanne
Thomas, porte-parole du collectif qui représente le voisinage
»

Une «refonte complète de la gestion» de l’immeuble et un «changement structurel» sont espérés, et non «un simple replâtrage». Le voisin engagé continue: «Nous demandons que la Municipalité assume ses responsabilités, soutienne durablement le quartier et écoute enfin les habitants.»

Pour rappel, il n’est pas envisageable d’exproprier un propriétaire immobilier, même si celui-ci est emprisonné, nous ont fait comprendre les autorités – en l’occurrence le syndic de Lausanne, Grégoire Junod, et le municipal chargé de la sécurité, Pierre-Antoine Hildbrand. Et Thomas de conclure: «Le 85 ne doit plus être considéré comme la dernière Cour des miracles de Lausanne.»

Réactions de la classe politique lausannoise

Appelé à réagir, l'élu PLR Pierre-Antoine Hildbrand est tout sourire: «La police judiciaire lausannoise a agi sous la conduite du Ministère public, qui a pris en main cette enquête et auquel il s'agit de se référer», se contente-t-il de confirmer.

Marlyse Audergon et Ilias Panchard, tous deux élus au Conseil communal pour les Vert-e-s, ont déposé ensemble trois postulats quant à la situation dans le quartier Sévelin-Sébeillon-rue de Genève en juin dernier. «La justice se saisit enfin sérieusement de ces pratiques de marchand de sommeil et d'abus face à des personnes précarisées», commentent les deux élus locaux. Leurs préoccupations se tournent aussi vers les habitants de l'immeuble: «Nous demandons aussi une protection des personnes locataires qui n'ont pas à subir les conséquences de ces pratiques inacceptables.» Selon les deux écologistes, il est «nécessaire que la Commission de salubrité de la Ville intervienne rapidement sur ce dossier».

Deux autres élus lausannois engagés auprès des habitants ont également réagi. «La situation autour de l'immeuble de la rue de Genève 85 connaît un tournant. Je forme le vœux que cela participe à l'amélioration de la qualité de vie des riverains et des habitants», nous dit Olivier Bloch, élu PLR au Conseil communal. 

«L'UDC est satisfait que les choses avancent enfin, après des années de laxisme. Il faut maintenant une véritable politique migratoire contrôlée et de tolérance zéro, sans quoi on ne fait que déplacer le problème», estime pour sa part Patrizia Mori, représente locale du parti agrarien.

Appelé à réagir, l'élu PLR Pierre-Antoine Hildbrand est tout sourire: «La police judiciaire lausannoise a agi sous la conduite du Ministère public, qui a pris en main cette enquête et auquel il s'agit de se référer», se contente-t-il de confirmer.

Marlyse Audergon et Ilias Panchard, tous deux élus au Conseil communal pour les Vert-e-s, ont déposé ensemble trois postulats quant à la situation dans le quartier Sévelin-Sébeillon-rue de Genève en juin dernier. «La justice se saisit enfin sérieusement de ces pratiques de marchand de sommeil et d'abus face à des personnes précarisées», commentent les deux élus locaux. Leurs préoccupations se tournent aussi vers les habitants de l'immeuble: «Nous demandons aussi une protection des personnes locataires qui n'ont pas à subir les conséquences de ces pratiques inacceptables.» Selon les deux écologistes, il est «nécessaire que la Commission de salubrité de la Ville intervienne rapidement sur ce dossier».

Deux autres élus lausannois engagés auprès des habitants ont également réagi. «La situation autour de l'immeuble de la rue de Genève 85 connaît un tournant. Je forme le vœux que cela participe à l'amélioration de la qualité de vie des riverains et des habitants», nous dit Olivier Bloch, élu PLR au Conseil communal. 

«L'UDC est satisfait que les choses avancent enfin, après des années de laxisme. Il faut maintenant une véritable politique migratoire contrôlée et de tolérance zéro, sans quoi on ne fait que déplacer le problème», estime pour sa part Patrizia Mori, représente locale du parti agrarien.

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