Ce vendredi 5 septembre, les funérailles de Marvin ont pris des dimensions rarement vues à Lausanne. Entre 1300 et 1500 personnes, famille, proches, amis, cercle élargi, en majorité issus de la communauté africaine, mais aussi des camarades, voisins de quartier, connaissances, se sont bousculés au Centre funéraire de Montoie pour commémorer le défunt, Marvin Shalom Manzila, 17 ans, décédé à scooter le 24 août lors d’une course poursuite de la police.
«Nous n’avons jamais eu autant de monde ici, témoigne le chapelain sur place. La communauté africaine se déplace en grand nombre en général, mais cela ne dépasse pas les 400 à 500 personnes, d’habitude.»
Des jeunes très émus
La cérémonie s’est centrée sur Dieu et la foi, touchant autant les aînés que les centaines de jeunes, réunis pour Marvin et souvent très émus pendant les discours et lors de la mise en terre.
A travers les hommages, Marvin a sans cesse été décrit, notamment par sa sœur aînée et par son cousin, comme un être «lumineux», «solaire», «qui ne vous laissait jamais tomber». Un artiste aussi, qui avait fondé un groupe de musique, et dont «la voix et l’œuvre lui survivront».
Sur le chemin du cimetière, Amina*, qui s’était occupée de Marvin à la garderie lorsqu’il avait 3 ans, raconte avec émotion: «quand mon fils de 18 ans m’a dit qu’un 'Marvin voleur de scooter' est mort, je n’ai pas du tout pensé à ce Marvin là. Aujourd’hui, on sait que ce n’est pas lui qui l’a volé et qu’il n’avait rien à voir avec le délinquant initialement décrit. On voit aujourd’hui combien ce garçon rassemblait de monde autour de lui, était intégré dans sa communauté et aimé de tous. Sa mort endommage des milliers de liens qu’il avait tissés autour de lui». Amina pleurera à chaudes larmes pendant la mise en terre.
Au moment des chants religieux dans la chapelle, les invité(e)s de partout dans la salle comble ont entonnée les airs, à deux voix, ou trois voix, créant des chœurs de gospel improvisés, aux harmonies vocales féériques. «Mon âme bénit le Seigneur; Même dans le tombeau Jésus est Seigneur», disait l'un des chants.
«Tout ce que Dieu fait est bon»
Le père de Marvin s'est adressé à Dieu, lui demandant «la force pour ceux qui vivent dans ce vide qu'il a laissé». «La famille de Marvin est une famille de Dieu. Tout au long de cette cérémonie, nous ne parlerons que de Dieu», a-t-il déclaré, signalant que l’épreuve ne fait que renforcer sa foi.
Se tenant aux côtés du cercueil blanc, de photos de Marvin et de bouquets de fleurs, il a souligné: «Tout ce que Dieu fait est bon. Bénis l'Eternel pour tout ce que tu vis».
La foi s’est aussi invitée dans tous les discours qui ont suivi, ceux de l’oncle, des pasteurs, de la sœur ainée et du cousin. Rappelant que «la vie est courte», le père de Marvin a eu une pensée pour Camila, décédée à scooter quelques jours avant Marvin.
Avant de terminer par une puissante ovation pour «notre fils», salle debout, acclamant et célébrant Dieu et l’âme de Marvin, comme le veut la tradition congolaise.
Deux chapelles combles et un live sur YouTube
En raison de l’affluence, deux chapelles ont dû être ouvertes. Dans la première, remplie de fond en comble, une bonne partie de l'assemblée a dû se tenir debout. Dans l'autre, les présents ont pu suivre sur écran le déroulement de la cérémonie, par ailleurs diffusée en live sur Youtube. La vidéo affiche près de 2700 vues.
L’oncle de Marvin s’est dit «surpris par l’engouement suscité par le décès de Marvin, par les innombrables condoléances reçues. «Nous sommes une très grande famille, et c’est un très grand geste d'amour que vous nous faites d’être si nombreux aujourd’hui. Marvin en serait honoré».
Tout au long, les citations chargées de force et de courage face à l’épreuve de la perte de Marvin ont fusé: «Aimons-nous vivants», «nous sommes face à l’œuvre de Dieu», et «à tout moment notre âme peut nous être redemandée».
Enterré près de sa grand-mère
Lors de la mise en terre, qui s’est déroulée non loin de la chapelle, l’émotion est encore plus palpable. L’essentiel de la foule a suivi le cortège à pied, et une queue immense attend pour jeter des fleurs sur le cercueil. Une cousine de Marvin perd connaissance au moment où son cercueil est descendu, et doit être réanimée.
La mise en terre s’est faite tout près de là où, il y a quelques années, la grand-mère de Marvin avait été enterrée. «Nous rendons à la terre ce qui lui appartient», dit le pasteur.
«Ce garçon solaire, lumineux, est une semence qui entre maintenant en terre, et celle-ci portera des fruits». Au moment de se séparer de Marvin, on a pu également entendre: «Nous n'avons rien apporté à ce monde et nous n’emporterons rien de ce monde.»
«Donner de l'amour à chaque personne présente»
Des chants et ovations ont aussi permis de clore ce moment difficile. En tout, près de 4 heures de cérémonie, lors de laquelle des jeunes, habituellement considérés comme étant peu religieux, se sont montrés particulièrement touchés par les paroles de foi dispensées par les parents et pasteurs de la communauté de Marvin.
«Nous avons voulu donner de l’amour à chaque personne présente, lors de cette cérémonie, malgré l’épreuve que nous traversons», nous a dit la tante de Marvin, Solange, à l’heure de la réception, ou «bain de consolation», qui a suivi les funérailles. Une sacrée leçon de spiritualité.
*Prénom d'emprunt.