A la question «c'est quoi, un PFAS?», il ne suffit plus de répondre «c'est le truc des poêles en Teflon». Car, hélas, le problème dépasse largement nos plaques de cuisson: il envahit nos placards, nos frigos, nos armoires, nos boîtes à jouets, nos trousses à maquillage et même nos organismes, qui peinent à s'en débarrasser et sont contraints de les laisser s'accumuler.
Surnommées «polluants éternels», ces substances chimiques sont relâchées dans l'environnement via certains procédés industriels, s'invitent dans la chaîne alimentaire et les sources d'eau. La recherche, faute de moyens financiers, tarde un peu, nous condamnant à avancer avec d'importantes lacunes quant aux effets à long terme de ces substances.
On attend le rapport d'Albert Rösti
En Suisse, la politique avance plus lentement que la contamination. Cet automne, l'OFSP choisissait de renoncer à financer une large étude nationale (et plutôt coûteuse) qui aurait pu éclairer les véritables risques des PFAS pour la santé des Suisses. Cette décision avait attisé la colère des Vert-e-s et de plusieurs élus, tandis que président du gouvernement valaisan Mathias Reynard qualifiait cette décision d'«insensée», selon «Le Temps».
Cette décision donnait un peu le sentiment que les autorités avaient abandonné la bataille, alors qu'elle n'avait pas encore réellement commencé. Et que, dans le labyrinthe infiniment compliqué des PFAS, les décideurs sont encore un peu perdus. N'est-ce qu'une impression? On peut l'espérer!
«Le Conseil fédéral devrait publier cette année encore son rapport sur le postulat Moser 'Plan d'action visant à réduire l'exposition de l'être humain et de l'environnement aux substances chimiques persistantes'», rappelle Dorine Kouyoumdjian, chargée d’information du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC). Le conseiller fédéral Albert Rösti avait promis, lors de la session d'automne, un large éventail de mesures destinées à lutter contre les PFAS.
Plusieurs substances sont déjà interdites
Et en attendant ce rapport, que fait-on? «Des restrictions légales concernant les PFAS sont également mises en place indépendamment de ce rapport, souligne notre interlocutrice. Le 29 octobre, le Conseil fédéral avait adopté des réglementations plus strictes pour l'acide perfluorohexanoïque (PFHxA) et ses précurseurs.» Suivant les lois européennes, la Suisse avait interdit la mise sur le marché de ce type de PFAS dans des applications comme les textiles et les farts de ski.
Ainsi que le précise Tiziana Boebner-Lombardo, porte-parole de l'Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), trois PFAS sont actuellement réglementés dans l'eau potable, en Suisse. Des taux maximums sont fixés à 0,3 microgrammes par litre (µg/l) pour le PFOS et pour le PFHxS, et à 0,5 µg/l pour le PFOA.
«Dans l’Union européenne, une valeur maximale de 0,1 µg/l s’applique à 20 PFAS sélectionnés, poursuit-elle. Sur cette base, et compte tenu des discussions politiques en Suisse, l'OSAV examine actuellement les valeurs maximales pour l'eau potable en Suisse et les adaptera si nécessaire.»
Certains PFAS sont limités dans les denrées alimentaires
Notons que l'eau du robinet n'est pas notre seule source d'exposition aux PFAS, puisque ceux-ci s'accumulent également dans la chaîne alimentaire, et particulièrement dans les gros poissons, comme le thon. L'année dernière, la Suisse a donc introduit, en coordination avec l’Union européenne, des teneurs maximales pour les principaux PFAS dans certains aliments d’origine animale, rappelle la porte-parole.
«En 2025, une analyse menée par l’Association des chimistes cantonaux sur près de 900 échantillons de viande, de poisson et d’œufs disponibles sur le marché suisse a montré la présence de PFAS dans toutes les catégories examinées, pointe Tiziana Boebner-Lombardo. Seuls 7 échantillons (0,8 %) dépassaient les valeurs maximales légales, ce qui indique des contaminations localisées plutôt qu’un problème généralisé.»
Le pays compte donc sur un autocontrôle des entreprises, ainsi que des contrôles officiels fondés sur le risque. «Parallèlement, l’OSAV a examiné des échantillons de lait et de produits laitiers, pour lesquels il n’existe pas encore de valeurs maximales pour les PFAS. Des traces de PFAS y ont été détectées et trois des 105 échantillons de lait et de yogourts dépassaient une valeur indicative pour le PFOS», déplore-t-elle. Or, d'après notre intervenante, ces résultats ne justifient pas de déconseiller la consommation de lait ou de produits laitiers.
«Des travaux visant à introduire des valeurs maximales supplémentaires, notamment pour le lait, se poursuivent en coordination étroite avec l’Union européenne», conclut-elle.
Beaucoup de travaux et d'analyses sont en cours
En effet, de nombreuses réflexions semblent être en cours. Des projets de restrictions et d'interdictions sont mentionnés autant au niveau suisse qu'européen, la Confédération paraissant encline à suivre les directives de l'UE, lorsque celles-ci seront décidées.
«L'Union européenne discute actuellement d'une restriction globale de tous les PFAS, assortie d'exceptions pour les utilisations essentielles, souligne Dorine Kouyoumdjian, chargée d'information du DETEC. La Suisse suit les discussions au sein de l'UE et examinera la possibilité d'adopter la réglementation européenne prévue une fois celle-ci finalisée.»
Le problème est que ces substances sont souvent analysées, puis limitées, une par une, rendant le processus très long: puisque la famille des PFAS contient des milliers de molécules différentes, il nous faudra des années pour toutes les considérer, à cette vitesse. Sans oublier que certains départements comptent sur les décisions d'autres départements pour agir, et ainsi de suite... Les discussions mentionnées pourraient donc s'avérer plutôt longues, elles aussi.
L'enjeu principal: prendre le problème à la source
Car ce qu'il faudrait vraiment, pour diminuer l'omniprésence des PFAS, est de diminuer leur relâchement dans l'environnement, et donc leur utilisation. En d'autres termes, il faudrait prévenir plutôt que guérir.
Christos Bräunle, porte-parole de la SVGW, l'Association suisse pour l'eau, le gaz et la chaleur, relève notamment une inquiétude grandissante auprès des distributeurs d'eau suisses. Plutôt que de devoir traiter une eau polluée aux PFAS, ceux-ci s'engagent pour que les eaux souterraines, nos principales sources d'eau, soient mieux protégées, à la base, contre les pollutions chimiques.
«La SVGW demande que les PFAS soient interdits le plus rapidement possible dans les applications non essentielles, poursuit-il. Là où leur utilisation est indispensable, il faut garantir que ces substances ne soient pas rejetées dans l’environnement. Les produits de substitution ne doivent pas, eux non plus, présenter de propriétés problématiques. Une interdiction de ce groupe de substances doit être mise en œuvre à l’échelle internationale, ou du moins européenne. Une mobilisation comparable à celle qui a conduit à l’interdiction des CFC (chlorofluorocarbures) est désormais nécessaire.»
Et sachant que les distributeurs d'eau sont aux premières loges pour vérifier et assurer que notre eau du robinet soit conforme aux législations, il vaudrait mieux les écouter. Et espérer que les discussions en cours aboutissent sur de véritables décisions, sans trop tarder. On garde un oeil dessus.
Des siècles pour nous en débarasser
Voilà le tableau, grossièrement résumé, d'une situation très compliquée qui nous concerne toutes et tous. Nos connaissances sur ces polluants sont encore limitées. Il existe des milliers de molécules différentes, dont certaines ont été reconnues cancérigènes et toxiques pour la reproduction. De nombreux PFAS sont présents dans les produits céréaliers, ainsi que l'eau du robinet.
Le problème est surveillé de près et les taux maximaux édictés par la loi sont respectés dans l'immense majorité des cas, mais ces molécules se dégradent tellement lentement qu'il nous faudrait des siècles pour en débarrasser nos corps et nos environnements. Donc, même avec une observation active et minutieuse, cela reste un risque. Surtout sans véritable recul quant aux effets à long terme.