Elle apparaît entre le chanteur Bad Bunny, une tripotée de designers et Rosalía. Michelle Obama figure parmi les 25 personnalités qui se sont le mieux habillées cette année, selon le magazine «Vogue», qui salue ses «costumes audacieux», ses «lignes claires» et notamment sur le port d’un tailleur Chanel motif pied-de-poule, que l’ex-Première dame américaine arborait lors de la promotion de son dernier livre, «The Look». Livre qui parle précisément… de mode et de style.
Mais au-delà de ses vêtements, Michelle Obama semble avoir su conserver une aura non négligeable pour une «femme de» dont l’époux n’est plus aux affaires depuis désormais près de neuf ans. Et ce n’est pas terminé: entre l’ouverture d’un centre culturel avec Barack Obama en plein coeur de Chicago, prévue au printemps prochain, une série d’événements pour les 250 ans de l’indépendance des États-Unis, et un podcast hebdomadaire, «IMO», dans lequel elle reçoit des célébrités, l’ex-Première dame ne chôme pas. Plus encore, elle s’affirme comme une icône progressiste, dans une Amérique qui n’en compte plus tant que cela.
La Première dame cool
Dans sa première interview post-Maison-Blanche, pourtant, Michelle Obama confiait à la présentatrice Ellen DeGeneres ne «pas faire grand-chose». «Je vis dans une maison normale, avec une sonnette, et j’ouvre la porte moi-même», plaisante-t-elle à l’époque, en 2018.
Le tout, sous des applaudissements nourris, et avec une maîtrise assez parfaite du timing comique de ce genre d’émissions, entièrement scriptées mais qui doivent paraître naturelles. Devant une caméra, Michelle Obama ne fait aucun faux pas. Mieux, elle incarne le cool.
Et cela ne date pas de sa libération du poste très codifié de Première dame. Toujours chez Ellen DeGeneres, Michelle Obama vient dès 2015 pour une chorégraphie disco et une interview détendue, dans laquelle elle raconte ne pas avoir pu rouler en voiture la fenêtre ouverte depuis sept ans.
En 2013, c’est dans le late show de Jimmy Fallon qu’elle se déhanche pour promouvoir l’une de ses actions, la campagne «Let’s Move!», encourageant les Américains à ne pas rester sédentaires.
Un mari accessible et simple
L’émission «Carpool Karaoke», dans laquelle des célébrités s’assoient dans une voiture pour pousser la chansonnette, est aussi l’occasion pour elle, en 2016, de démontrer sa passion pour Stevie Wonder et sa maîtrise des paroles comme de la chorégraphie de «Single Ladies», de Beyonce.
Michelle Obama s’est finalement alignée sur l’aura de son mari, qui n’a cessé d’apparaître publiquement sur des terrains de basket ou dans des fast-foods pour se façonner une image d’homme accessible et simple. «Elle est cool, tout simplement», analyse pour l’AFP Jennifer Lawless, spécialiste des femmes en politique à l’American University, lors de la campagne de réélection de Barack Obama. «Elle est à l’aise dans n’importe quel cadre.»
Et contrairement à son époux, souvent critiqué dans son propre camp pour préférer la forme au fond, et dont les mandats sont souvent réévalués à la baisse, notamment en matière de politique internationale, depuis qu’ils sont terminés, Michelle Obama n’est pas et n’a jamais été aux affaires. Elle est donc inattaquable et peut profiter pleinement de cette image cool qui lui colle à la peau.
Le mythe de la self-made woman
Ce dont elle profite toujours aussi, c’est du storytelling de son parcours. Contrairement à beaucoup de celles qui l’ont précédée à ce poste, la Première dame ne s’est pas positionnée en «femme de», mais en self-made-woman. Un portrait dont l’Amérique raffole tant il lui confirme que sur ses terres, tout est possible à qui le veut vraiment et rêve suffisamment grand.
Cette fille d’une secrétaire devenue mère au foyer pour élever ses enfants et d’un employé municipal s’est élevée socialement à la force de son travail. Du quartier de South Side, l’un des plus criminogènes de Chicago, où elle est née en 1964, elle passe à l’université de Princeton, puis celle de Harvard, deux des plus prestigieuses des États-Unis. C’est en prenant un poste au sein du cabinet d’avocat Sidley Austin qu’elle rencontre Barack Obama.
Il n’est que stagiaire, elle est chargée de s’en occuper et le trimballe partout dans l’entreprise. Ils sont les deux seuls Afro-américains de leur service. Et lui flashe immédiatement sur elle, comme il le racontera des années plus tard. «Il m’a invitée à sortir avec lui et je me suis montrée très réticente», explique-t-elle en 1996, dans une interview jamais publiée avant d’être exhumée par «Le Monde» en 2009. «Mais mes hésitations n’ont pas duré longtemps.»
De sa femme, Barack Obama a l’habitude de dire le plus grand bien. Et cela fait partie du storytelling. «Elle est intelligente, drôle et globalement charmante…», écrit-il dans son livre «L’audace d’espérer» (2006). «Si je devais me retrouver à faire campagne contre elle pour une élection, elle me battrait sans grande difficulté.» Certains, d’ailleurs, ont vivement espéré que Michelle Obama se lance, guettant dans chacun de ses discours quelque indice d’une ambition politique.
Une voix démocrate
Des discours notables, Michelle Obama en donne beaucoup. Et ce sont eux, aussi, qui participent à façonner la figure iconique qu’elle reste encore aujourd’hui. Discrète lors de la première campagne de son époux, en 2007, comme craintive de faire un faux pas, elle trouve peu à peu sa voix.
En 2016, celle qui voit la fin de son séjour à la Maison-Blanche approcher s’exprime lors de la Convention démocrate avec des trémolos dans la voix. «Lorsque quelqu’un se montre cruel, ou se comporte comme un tyran, on ne s’abaisse pas à son niveau. Non. Notre mantra, c’est que lorsqu’ils s’abaissent, nous nous élevons.» Cette expression, «when they go low, we go high» en anglais, devient le cri de ralliement des démocrates. Et fait évidemment allusion à Donald Trump, alors concurrent de Hillary Clinton.
«Ils ne sont ni dérangés, ni fous»
À plusieurs reprises, Michelle Obama crucifie publiquement le Républicain, alors empêtré dans des affaires de misogynie et d’agressions sexuelles, notamment lorsqu’il déclare que les femmes doivent être «attrapées par la chatte». «Je n’arrive pas à croire qu’un candidat à la présidence des États-Unis se vante d’agresser sexuellement les femmes», déclare-t-elle en octobre 2016. «Je n’arrive pas à arrêter d’y penser. Cela m’a remuée dans mes tripes d’une façon que je n’avais pas anticipée. On ne peut pas ignorer cela. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut mettre simplement sous le tapis comme un autre détail gênant dans une période électorale triste.»
Aujourd’hui encore, alors que l’opposition à Donald Trump semble de plus en plus faible, Michelle Obama ne se tait pas. Après la mort brutale du réalisateur Rob Reiner, assassiné avec sa femme, le président américain a tenu des propos violents à l’encontre de celui qui était un fervent démocrate, estimant qu’il était mort parce qu’il était anti-Trump, ce qui s’apparente selon lui à une «maladie mentale».
«Contrairement à certains, Rob et Michele Reiner font partie des personnes les plus intègres et courageuses que vous puissiez rencontrer», a répliqué Michelle Obama à la télévision américaine. «Ils ne sont ni dérangés, ni fous.»
La «petite fille noire du South Side»
Mais Michelle Obama n’est pas seulement une bonne opposante. C’est aussi une bonne avocate. Pendant et après les mandats de son mari, la quinquagénaire parle d’elle, la «petite fille noire du South Side» qui découvre un autre monde en arrivant à l’université. Un monde dans lequel les Afro-américains n’existent pas, ou si peu.
Dans lequel ses camarades à peine majeurs roulent dans des voitures de luxe. Dans lequel les parents de sa colocataire dans sa chambre étudiante demandent si leur fille peut en changer, pour ne pas se retrouver avec une Noire. Elle n’est pas uniquement une Première dame engagée. C’est aussi la première afro-américaine à ce poste.
Curtis Sittenfeld, autrice du livre «American Wife» basée sur la vie de Laura Bush, analyse cette position très particulière dès 2008 dans le «Financial Times». «Le fait d’être toujours sur-analysée, d’avoir des gens qui regardent chacune de vos attitudes comme très symbolique, est probablement quelque chose que [Michelle Obama] a expérimenté toute sa vie… et qu’elle subit plus que les Premières dames blanches.» L’obsession du public et des médias pour ses tenues vestimentaires en est l’une des manifestations. Et l’épouse de Barack Obama le comprend vite.
Des tresses et autant de symboles
Le soir de l’investiture de son époux, en 2009, elle arbore une robe asymétrique signée Jason Wu, styliste canadien d’origine taïwanaise, inconnu à l’époque, et dont la carrière connaît un essor incroyable. Peu à peu, Michelle Obama s’affiche avec les robes de créateurs et créatrices souvent jeunes et racisés.
Aujourd’hui, neuf ans après avoir quitté la Maison-Blanche, elle adopte un look plus décontracté mais tout aussi parlant. «Vogue» le met d’ailleurs en avant: l’ex-Première dame ne lisse plus ses cheveux crépus et a adopté les tresses. «Pour moi, c’est la liberté», explique-t-elle à «People». «Mais je comprends aussi la valeur symbolique du port des tresses. [Si je ne l’ai pas fait lorsque j’étais à la Maison-Blanche], c’est que je n’étais pas sûre que le pays soit prêt. Je ne voulais pas que mes cheveux deviennent une distraction.»
Ce qui peut sembler un détail n’en est pas un dans un pays où les discriminations capillaires sont telles qu’une loi a même été proposée pour les interdire. Ce «CROWN act», adopté par la Chambre des représentants en 2022, n’a jamais passé le cap du Sénat.
Populaire, sans politique
Aujourd’hui, Michelle Obama assume donc jusqu’au bout d’offrir une représentation toujours rare: celle d’une femme noire active autrefois au plus haut niveau du pouvoir. Celle d’une femme qui vieillit aussi – elle en a parlé notamment avec Jane Fonda dans un épisode de son podcast, IMO.
Ce n’est toujours pas si courant, et cela paie. En juillet 2024, un sondage de l’institut Ipsos pour Reuters révélait qu’elle était la seule démocrate en position de battre Donald Trump, avec 50% des votes contre 39% pour celui qui a finalement été largement réélu face à Kamala Harris. Quelques mois plus tôt, cependant, ses équipes avaient officiellement annoncé qu’il n’était pas question de compter sur sa candidature. Ne jamais se lancer en politique est aussi un bon moyen de rester populaire.