Trump contre Maduro
Et si la guerre secrète au Venezuela cachait d'autres objectifs?

Que veut le président des Etats-Unis en mettant une pression militaire maximale sur le gouvernement de Caracas? Sans doute le déboulonner. Mais peut-être, aussi, viser d'autres objectifs.
1/5
L'araisonnement d'un pétrolier au large du Venzuela par les forces spéciales américaines marque une escalade dans le conflit.
Photo: imago/UPI Photo
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Une guerre secrète est en cours contre le Venezuela. Donald Trump ne s'en cache pas. Mieux: il augmente la pression. Dernier acte de guerre en date – car c'en est un: l'arraisonnement, dans les eaux internationales par les forces spéciales américaines, d’un pétrolier au large du Venezuela. Cette interception forcée fait suite à une série de frappes aériennes, par drones et missiles, contre plus de vingt embarcations dans les Caraïbes et l’océan Pacifique, que l’administration affirme être utilisées par des trafiquants de drogue.

Cette guerre qui ne dit pas son nom a été actée par le président des Etats-Unis lorsqu'il a confirmé, à la mi-octobre, avoir secrètement autorisé la C.I.A. à mener des actions clandestines dans le pays dirigé par le populiste Nicolás Maduro. La volonté de passer à l'action a aussi été illustrée par le déploiement, en mer des Caraïbes, au large des côtes vénézuéliennes, d'une véritable armada «Made in USA».

En ce début décembre 2025, le déploiement naval américain comprend le plus grand porte-avions des Etats-Unis, l'USS Gerald R. Ford, plusieurs destroyers et un sous-marin à propulsion nucléaire. Sur le seul porte-avions sont stationnés plusieurs milliers de Marines susceptibles de débarquer sous la protection des avions de combat.

Trafic de drogue

Quel est l'objectif? Le plus souvent cité est la lutte contre les trafiquants de drogue. Quatre-vingt-sept personnes ont déjà été tuées par des frappes américaines. L’administration soutient qu’elle est fondée à utiliser la force militaire contre ce qu’elle qualifie de narco-terroristes menaçant la sécurité nationale.

Mais le Venezuela n’est pas considéré comme une voie majeure du trafic de fentanyl vers les Etats-Unis. Selon CNN, les organisations de défense des droits humains alertent sur le fait que les attaques contre les bateaux bafouent le droit à une procédure équitable et sont, de facto, des exécutions extrajudiciaires. Le secrétaire à la Guerre, Pete Hegseth, se retrouve d'ailleurs à ce sujet dans le collimateur de la justice.

Deuxième objectif: chasser le président Maduro du pouvoir qu'il occupe depuis 2013. Une chute de son gouvernement populiste de gauche, allié de la Chine, de Cuba et de la Russie, renforcerait l'étreinte des États-Unis sur le continent et permettrait à Washington de contrôler les immenses ressources pétrolières du pays, considérées comme les premières au monde.

La coïncidence de la fuite rocambolesque en Norvège de l'opposante María Corina Machado, pour y recevoir son prix Nobel de la Paix 2025 (elle s'était empressée de saluer Donald Trump lorsqu'elle l'a reçu, le 10 octobre), pourrait signifier que la pression militaire américaine va augmenter et qu'une alternative politique en exil est en train de se mettre en place.

Brouillard de la guerre

Troisième objectif: noyer la politique intérieure américaine dans le brouillard de la guerre, alors que Donald Trump est de plus en plus impopulaire en raison de la baisse continue du pouvoir d'achat des classes populaires, c'est-à-dire de l'électorat MAGA (Make America Great Again). Le 3 décembre, le secrétaire d'Etat Marco Rubio a en quelque sorte internationalisé par avance le conflit, déclarant que le Venezuela était devenu un point d'appui pour l'Iran, le Corps des gardiens de la révolution et même le Hezbollah.

Le chef de la diplomatie américaine a affirmé qu'une des principales bases du mouvement chiite libanais se trouve sur le territoire vénézuélien. Les Etats-Unis, alliés d'Israël, seraient donc fondés à l'éradiquer. Ce faisant, l'excuse serait donnée pour mobiliser davantage l'armée et intensifier les expulsions d'immigrants clandestins présentés comme originaires du Venezuela et membres de gangs basés dans ce pays.

Pour la chaîne CNN, qui a consacré une longue enquête aux plans de Donald Trump vis-à-vis de ce pays d'Amérique centrale, l’administration Trump travaille sur des plans pour la suite au Venezuela, comme cela fut fait lors de la transition en Irak après l’invasion de 2003. Interrogée sur CNN pour savoir si les Etats-Unis étaient désormais plus proches d’une guerre avec le Venezuela, la représentante Chrissy Houlahan, membre de la commission des forces armées de la Chambre, a répondu: «Comment pourrions-nous ne pas être plus proches alors que nous faisons descendre en rappel des hommes et des femmes de nos forces armées depuis des hélicoptères sur des pétroliers civils battant pavillon étranger? C’est clairement une escalade; il n’y a pas d’autre manière de le dire.» S'il veut obtenir un changement de régime par la force militaire, le président des Etats-Unis doit toutefois constitutionnellement obtenir une autorisation du Congrès.

Articles les plus lus