Le président américain Donald Trump irrite une nouvelle fois la communauté internationale. En graciant l’ancien président hondurien Juan Orlando Hernández, il laisse filer une figure politique condamnée aux Etats-Unis à 45 ans de prison pour un trafic de cocaïne d’une ampleur colossale.
Cette décision intervient précisément au moment où le gouvernement américain se met en scène de manière démonstrative comme une force intransigeante dans la lutte contre la drogue. La grâce de Trump soulève donc non seulement des questions politiques, mais aussi stratégiques. Blick explique ce qui se cache derrière.
Une lutte acharnée contre la drogue
Pendant des semaines, l’administration Trump s’est affichée comme intransigeante dans la lutte contre le narcotrafic: frappes aériennes contre des bateaux soupçonnés de contrebande dans les Caraïbes, menaces répétées contre le président vénézuélien Nicolás Maduro.
Dans ce contexte, la grâce accordée à Juan Orlando Hernández apparaît comme un brusque changement de cap. En février, la justice américaine le décrivait encore comme une figure centrale d’un «projet d’Etat de trafic de drogue». Les enquêteurs lui reprochaient d’avoir fait entrer au moins 400 tonnes de cocaïne aux Etats-Unis.
Un ancien agent de la DEA s’est dit, auprès du «Washington Post», abasourdi. Pour lui, il est «ridicule» de libérer un homme au bilan aussi accablant. Trump soutient, en revanche, que Juan Orlando Hernández aurait été injustement traité par l’administration Biden.
Des réseaux personnels privilégiés
Quiconque observe la politique étrangère de Donald Trump constate un schéma récurrent: les décisions reposent moins sur des processus institutionnels que sur les convictions personnelles du président et sur des contacts informels. La proximité directe avec Trump peut donc directement impacter les décisions de celui-ci.
C’est exactement ce qui s’est produit dans le cas Juan Orlando Hernández. Selon d’anciens collaborateurs, des élites honduriennes ont réussi à atteindre Trump par des canaux privés et à lui présenter l'ancien président hondurien comme la victime d'une véritable persécution politique. Roger Stone, fidèle conseiller de longue date, aurait joué un rôle central. Peu importe, semble-t-il, que les poursuites contre Juan Orlando Hernández aient été initiées pendant le premier mandat de Trump à la Maison Blanche.
Comme le résume un ancien diplomate américain dans le «Washington Post», quiconque veut aujourd’hui influencer la politique des Etats-Unis en Amérique latine s’adresse de moins en moins aux services officiels – et de plus en plus à ceux qui ont un accès personnel au président. Le cas de Juan Orlando Hernández illustre parfaitement ce constat: Trump n’a pas suivi les institutions, mais des recommandations personnelles.
Une intervention politique inopportune
Le 30 novembre, le Honduras a organisé une élection présidentielle, dont le résultat n'est toujours pas connu à ce jour. Le fait que Juan Orlando Hernández, gracié, et Nasry Asfura, le candidat actuel, appartiennent au même parti, accentue un peu plus la portée politique de la décision.
L’argumentaire de Roger Stone semble aller en ce sens: sur son blog, il écrivait qu’une «grâce bien placée» pourrait influencer le scrutin dans une direction favorable aux Etats-Unis. Il espérait ainsi une victoire du conservateur Nasry Asfura. En accordant son pardon, Trump pourrait renforcer son influence dans ce pays d’Amérique centrale et s’assurer un nouveau partenaire – au risque de fragiliser les processus démocratiques locaux.
Un problème de crédibilité
Mais la contradiction avec l'attitude du président américain dans le dossier vénézuélien n'en reste pas moins flagrante. Alors que Trump mène une guerre impitoyable contre le régime de Maduro, présenté comme un «narco-dictateur», la grâce accordée à l’un des trafiquants les plus importants d’Amérique centrale détonne.
Comme le note le «Wall Street Journal», même des électeurs républicains peinent à comprendre pourquoi Washington libère un trafiquant condamné tout en voulant renverser Maduro au nom de la lutte contre le narcotrafic. Même dans le camp républicain, plusieurs sénateurs critiquent ouvertement cette décision.
Cette grâce offre à Maduro et à d’autres adversaires de Washington une occasion idéale d’accuser les Etats-Unis d’hypocrisie et de dénoncer une politique motivée par des intérêts personnels. Difficile, dans ces conditions, de croire que la stratégie à double discours de Trump dans la guerre contre la drogue puisse réellement porter ses fruits.