Journée cruciale à l'ONU
Reconnaître la Palestine, ça va changer quoi à l'horreur de Gaza?

Emmanuel Macron et le prince héritier d'Arabie saoudite coprésident ce lundi 22 septembre à l'ONU une conférence sur la reconnaissance de l'Etat palestinien. Celle-ci peut-elle convaincre l'armée israélienne de cesser sa destruction systématique de Gaza? Peu probable.
Publié: 22.09.2025 à 17:59 heures
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Dernière mise à jour: 22.09.2025 à 22:28 heures
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La ville de Gaza, au centre de l'enclave palestinienne, est soumise depuis bientôt deux ans aux assauts de l'armée israélienne.
Photo: IMAGO/NurPhoto
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Richard WerlyJournaliste Blick

Un Etat Palestinien désormais reconnu par 157 pays dans le monde, dont deux membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Tel sera le résultat de la conférence franco saoudienne organisée ce lundi 22 septembre en marge de l’assemblée générale de l’ONU par Emmanuel Macron et le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane. Après les annonces du Portugal, de l’Australie, du Canada et du Royaume-Uni ce dimanche, cinq pays ont à leur tour décidé de reconnaître l’Etat de Palestine: la France, la Belgique, Malte, le Luxembourg et Saint-Marin.

La Suisse continue en revanche de ne pas reconnaitre l'Etat de Palestine, malgré l'appel lançé par 250 ambassadeurs helvétiques à la retraite à la fin août. Un appel qui a conduit Ignazio Cassis a rappeler aux signataires leur «devoir de loyauté».

Cette reconnaissance est une incontestable victoire diplomatique pour l’autorité palestinienne (AP), au moment où l’armée israélienne procède à une destruction systématique de Gaza et à la déportation de sa population vers le sud de l’enclave. Mais quels changements cela va-t-il apporter? Preuve de l'impasse géopolitique actuelle, le président de l’AP, Mahmoud Abbas, n’a pas pu se rendre à New York pour ce moment historique, faute de visa américain, en violation flagrante des règles de l’ONU. Il s’est exprimé par vidéo.

Pour l’heure, cinq conséquences majeures sont à attendre pour les deux millions de Palestiniens de Gaza, plus que jamais sous les bombes et sous les obus de Tsahal, lancée dans une traque finale au Hamas que le premier ministre Benjamin Netanyahu a promis d’éradiquer «jusqu’à la racine». «Jamais l'Etat palestinien n'existera» a poursuivi ce dernier, qui rendra visite la semaine prochaine à Donald Trump aux Etats-Unis. Le président américain parlera mardi à la tribune de l'ONU.

A Gaza, la rage israélienne

C’est la triste leçon en provenance de l'enclave palestinienne, après cette reconnaissance de l’Etat palestinien dénoncée par Benjamin Netanyahu et son gouvernement dominé par l’extrême droite. Pour les autorités de l’Etat hébreu, la date du 22 septembre est d'autant plus insupportable qu’elle est le jour de «Roch Hachana», le nouvel an juif. Le Premier ministre israélien juge, lui, cette initiative diplomatique comme une provocation. Les sièges de l'Etat d'Israël dans la grande salle du siège de l'ONU sont d'ailleurs restés vides pour le discours d'Emmanuel Macron lorsqu'il a déclaré reconnaitre l'Etat de Palestine, suivi par des applaudissements plutôt timides des délégations présentes.

L’Assemblée générale de l’ONU avait adopté le 12 septembre à une large majorité un texte visant à donner un nouveau souffle à la solution à deux États, israélien et palestinien, qui exclut pour la première fois sans équivoque le Hamas. Le Président français est allé plus loin affirmant soutenir «une administration de transition intégrant l’Autorité palestinienne, la jeunesse palestinienne, accompagnée de forces de sécurité dont nous accélérons la formation, aura le monopole de la sécurité à Gaza. Elle mettra en œuvre le démantèlement et le désarmement du Hamas, avec le soutien des partenaires internationaux et les moyens qui seront nécessaires à cette mission difficile.»

Pour Netanyahu en revanche, il s’agit d’un outrage et d’une concession mortelle faite au groupe terroriste responsable de l’assaut du 7 octobre 2023. Lequel détient encore une cinquantaine d’otages israéliens, dont 27 seraient vivants. Sa réponse? Frapper Gaza encore plus fort pour atteindre l’objectif qu’il s’est officiellement assigné: empêcher la création d’un Etat palestinien et chasser la population de Gaza en dehors de l’enclave.

En Cisjordanie, une colonisation folle

Même constat du côté des colons de Cisjordanie. A Ramallah, le calme prévalait alors qu'Emmanuel Macron s'exprimait à New York. Plus de 800'000 Israéliens sont désormais illégalement installés sur ces terres normalement sous le contrôle de l’Autorité palestinienne. Or la reconnaissance de l’Etat de Palestine par des pays aussi influents que la France ou le Royaume-Uni risque d'entraîner une accélération des violences et des tentatives pour couper en deux ce territoire même si, dans son discours, le Président français a fait savoir que son pays pourra « décider d’établir une ambassade auprès de l’Etat de Palestine, dès lors que tous les otages détenus à Gaza auront été libérés et qu’un cessez-le-feu aura été établi».

L’Elysée a pour sa part fait savoir que «l’annexion de la Cisjordanie occupée par Israël est une ligne rouge claire». Mais comment l’empêcher, au vu du rapport de force sur le terrain? « La paix est beaucoup plus exigeante, beaucoup plus difficile que toutes les guerres. Mais le temps est venu» a affirmé Emmanuel Macron. Vraiment?

En Europe, la plaie des divisions

En réponse à la tragédie de Gaza, la Commission européenne a proposé le 17 septembre aux 27 Etats membres de «suspendre certaines dispositions de l’accord d’association entre l’UE et Israël liées au commerce» et de prendre des mesures à l’encontre du Hamas, des ministres extrémistes et des colons violents. L’exécutif communautaire propose aussi de suspendre son soutien bilatéral à Israël, à l’exception du soutien à la société civile et à Yad Vashem.

Problème: plusieurs pays européens ne veulent pas entendre parler de telles sanctions, et la reconnaissance de l’Etat de Palestine va encore plus compliquer la donne. L’Allemagne, pour des raisons historiques évidentes, mais aussi l’Italie, font face à la France. La plaie des divisions resurgit, exploitée par Donald Trump et Benjamin Netanyahu, unis dans leur projet d’en finir coûte que coûte avec le Hamas, donc avec Gaza.

En Palestine, l'impasse politique

Quelle coalition internationale pour soutenir cet Etat de Palestine? «La France est prête à contribuer à une mission internationale de stabilisation et à soutenir, avec ses partenaires européens, la formation et l’équipement des forces de sécurité palestiniennes » a détaillé Emmanuel Macron. Avant de préciser. «Il reviendra aussi à l’Etat de Palestine (…) d’offrir à son peuple un cadre d’expression démocratique renouvelé et sécurisé. » Problème: seuls les mots sont au rendez-vous. Le Hamas conserve à Gaza environ 8000 combattants. Et la reconnaissance de l'Etat Palestinien par la France et les autres pays cités, risque dans l'immédiat d'être au contraire synonyme de souffrances accrues pour les civils de l'enclave et la population de Cisjordanie.

«La solution à deux Etats, sur la base de frontières d’avant 1967 – avec Jérusalem comme capitale de ces deux Etats –, est la seule issue à ce cauchemar », a plaidé pour sa part Antonio Guterres, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies.

Dans le monde, des juifs outragés

Dans une interview à la télévision israélienne, le président français avait estimé que l'offensive à Gaza « détruisait totalement la « crédibilité » d'Israël. «Reconnaître un Etat palestinien, c'est simplement décider de dire que la perspective légitime du peuple palestinien, et ce qu'il endure aujourd'hui, n'a rien à voir avec le Hamas» avait-t-il poursuivi. Problème: très peu de juifs dans le monde croient aujourd'hui à ce scénario, convaincus que l'Etat d'Israël demeure en danger de mort, comme l'a prouvé l'assaut terroriste du 7 octobre 2023 et son millier de victimes israéliennes. «J’attends aussi de nos partenaires arabes et musulmans qui ne l’ont pas encore fait, qu’ils tiennent leurs engagements de reconnaître l’Etat d’Israël et d’avoir avec lui des relations normales» a plaidé le président français. Sans succès jusque-là.

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