L'Alaska sans résultats
Trump face à Poutine: les 5 leçons d'un sommet lunaire

Donald Trump et Vladimir Poutine se sont séparés vendredi 15 août sans accord ni calendrier pour une prochaine rencontre. Rien sur l'Ukraine. Rien sur la reprise de la coopération économique entre leurs deux pays. Sauf de vagues promesses. Lunaire.
Publié: 05:38 heures
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Dernière mise à jour: 07:56 heures
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Cette poignée de mains à Anchorage permet à Vladimir Poutine de redevenir un interlocuteur des Etats-Unis.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump n’a pas fait plier Vladimir Poutine. Il n’y aura pas, à court terme, de cessez-le-feu en Ukraine. Rien, en tout cas, ne le laisse penser après le sommet lunaire de trois heures en Alaska, entre le président des Etats-Unis et Vladimir Poutine. Pourquoi lunaire? Parce que rien ne s’est passé comme prévu. Ces 5 leçons le prouvent.

Leçon N° 1: Trump n’a pas dompté Poutine

Le président des Etats-Unis repart bredouille du sommet qu’il voulait avec Vladimir Poutine, organisé dans une base militaire en Alaska, sur le territoire américain. En langage clair: c’est un échec diplomatique pour Trump, puisque le président russe n’a rien cédé. Attention toutefois: le locataire de la Maison-Blanche n’a pas abandonné l’Ukraine ou lâché ses alliés européens, avec lesquels il va échanger au téléphone dès ce samedi. «C'est à Volodymyr Zelensky de conclure maintenant un accord», a complété Trump dans un entretien donné à Fox News dans son avion Air Force One. Changement inquiétant: ce serait aux Européens, maintenant, d'organiser le sommet tripartite, sans garanties d'y parvenir. En résumé: le locataire de la Maison Blanche n’a pas obtenu le cessez-le-feu qu’il espérait, mais le pire (pour l’Ukraine) a été évité: les sanctions américaines en place demeurent, et les livraisons d’armes payées par les Européens vont se poursuivre. Pour le moment...

Leçon N° 2: La guerre continue

Donald Trump l’a de nouveau déploré lors de la conférence de presse durant laquelle les deux présidents n'ont pas répondu aux questions des journalistes. Les combats vont donc se poursuivre en Ukraine, sans doute jusqu'à l'automne. Va-t-on vers des négociations ultérieures, au niveau des délégations? Le second sommet à trois entre Trump-Poutine et Zelensky aura-t-il lieu? Impossible à dire à ce stade, compte tenu du manque d’informations. Pour l’heure, «there is no deal until there is a deal», a expliqué le président américain. Traduction: «Pas d’accord tant que nous ne sommes pas d’accord.» Les deux hommes ont indiqué qu’ils allaient poursuivre leur dialogue. Trump a évoqué une entente sur plusieurs points, sauf un. Vladimir Poutine a, pour sa part, mis en garde les Européens, sans en dire plus.

Leçon N° 3: L’économie attendra

L’obsession de Trump est connue: reprendre des relations économiques les plus normales possibles avec la Russie. La présence dans sa délégation du patron du Trésor, Scott Bessent, et du négociateur commercial Howard Lutnick, n’a donc cette fois servi à rien. Idem côté russe, puisque le ministre des Finances, le patron du fonds souverain russe et la patronne de la banque centrale avaient fait le déplacement à Anchorage. Poutine a juste salué la volonté de Trump de défendre l’économie de son pays, évoquant des pistes de coopération future dans l'Arctique, dans les technologies ou dans le spatial. Problème: rien n'a été acté ou signé. A cause de l'absence d'accord sur l'Ukraine? Sans doute. Cela voudrait dire que Trump en a fait un préalable. D'où l'absence, à ce stade, d'une levée même partielle des sanctions américaines. Trump n'a en revanche pas sorti son bazooka commercial: des taxes allant de 100 à 500% sur les produits importés aux Etats-Unis par les pays qui achètent du pétrole russe sous embargo. Traduction: la prochaine fois, les deux présidents parleront business.

Leçon N° 4: Poutine sort renforcé

Le président russe est réhabilité aux yeux du monde entier. Il a été reçu par son homologue américain en grande pompe, avec un protocole millimétré, sous la bannière «Pursuing Peace» (Poursuivre la paix). Trump l'a même applaudi sur le tapis rouge déployé sur le tarmac, avant que le tandem lève les yeux, survolé par un bombardier B2 américain. Poutine a aussi vanté l’amitié russo-américaine devant les caméras, et il a invité son homologue à Moscou. Lequel a répondu que c'est une bonne idée et «que cela pourrait arriver». La force du maitre du Kremlin est qu’il est en position de force sur le dossier ukrainien. Pile en ce moment, l’armée russe vient de réussir des percées sur le front en Ukraine. Le chef de guerre n’a pas laissé place à l’homme de paix.

Leçon N°5: Les Européens restent dans le jeu

C’est peut-être la meilleure nouvelle de la journée en Alaska. Trump n’a pas pris de décisions publiques qui embarrassent les Européens, avec lesquels il doit échanger au téléphone ce samedi. Les dirigeants de l’UE et de l’OTAN ne se retrouvent pas devant le fait accompli. Problème: la question du cessez-le-feu en Ukraine demeure et c'est eux qui vont devoir maintenant s'en charger. Le fardeau de la guerre pèse dès lors plus que jamais sur leurs épaules, car Trump exige d'être payé pour les armes américaines livrées à Kiev. Jusqu'où est prêt à aller, maintenant, le président américain qui a affirmé, sans préciser, être tombé d'accord avec Poutine sur plusieurs points, «sauf un»? La question est centrale, car Donald Trump reste aujourd'hui le mieux placé pour obtenir un arrêt des hostilités. Ce qu'il n'a pas arraché à Anchorage, en Alaska. Va-t-il persister en «faiseur de paix» obstiné? Ou va-t-il maintenant parler «affaires» avec Poutine? Seule concession verbale de ce dernier: «La sécurité de l'Ukraine doit être garantie. Nous sommes d'accord pour en discuter». Sans aucune précision. 

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