Une experte en négociation parle du sommet en Alaska
«Trump s’est placé dans une position lui permettant de décider pour tout le monde»

Donald Trump et Vladimir Poutine s'apprêtent à négocier sur l'Ukraine à Anchorage. Les experts scrutent leurs tactiques, mais l'issue du sommet reste imprévisible. Le tête-à-tête initial pourrait être décisif.
Publié: 18:55 heures
|
Dernière mise à jour: 19:10 heures
Partager
Écouter
1/6
Vendredi soir, le président américain Donald Trump (à gauche) négocie avec le président russe Vladimir Poutine.
Photo: AFP
RMS_Portrait_AUTOR_250.JPG
Marian Nadler

Est-ce la percée tant attendue dans les efforts de paix en Ukraine? Ou simplement une nouvelle rencontre sans résultat, alors que l’agression russe se poursuit?

Vendredi, le président américain Donald Trump et le chef du Kremlin Vladimir Poutine se retrouveront à Anchorage, dans l’Etat américain de l’Alaska. Une chose est sûre: les deux dirigeants seront assis face à face à la table des négociations. Ce qui en ressortira, en revanche, reste très incertain.

Pour comprendre comment se déroulent ce type d’échanges, Blick a interrogé Katharina Weber, conseillère en négociation et directrice du Negotiation Advisory Group GmbH, basé à Mannheim (Allemagne), où elle dirige une équipe de 40 experts.

«Trump formule des demandes exorbitantes»

«En fin de compte, les deux parties n’acceptent de négocier que si cela leur apporte quelque chose», explique Katharina Weber. Selon elle, la question centrale est: «Que veut obtenir Donald Trump de cette rencontre? Il ne voudra la paix que s’il en tire un avantage concret.»

L’experte estime que la stratégie de Donald Trump consiste à formuler une demande exorbitante et à attendre de voir qui cédera le premier. «Cela pourrait conduire Trump à décider seul, vendredi, sans l'Ukraine ni ses alliés occidentaux. Nous avons déjà vu cette posture lors des négociations sur les droits de douane», rappelle-t-elle. «Il s’est placé dans une position lui permettant de décider pour tout le monde quant à l’issue de la guerre en Ukraine.»

Face à cette tactique, la seule riposte possible est de tenir fermement sa position. Katharina Weber cite l’exemple de la Chine, qui n’a pas cédé lors du conflit commercial avec Washington.

«Trump a de très bonnes cartes»

Katharina Weber ne pense pas que Donald Trump puisse sortir perdant d'un combat de coqs face à Vladimir Poutine. «L’objectif de cette stratégie est de placer le centre des négociations vers soi, pour amener l’autre partie à venir avec ses propres propositions», explique-t-elle. Selon la Maison Blanche, c’est Vladimir Poutine qui a demandé cette rencontre, ce qui, pour l’experte, donne un avantage à Donald Trump.

Le choix du lieu est également révélateur: «Le lieu d’une rencontre est toujours une question de pouvoir. Si vous obtenez que l’autre fasse déjà un pas vers vous, vous prenez l’ascendant.» Mais Donald Trump doit garder à l’esprit que Vladimir Poutine ne veut pas perdre la face dans ce conflit. «La question qu’il doit se poser est: comment faire en sorte que Poutine ne ressorte pas humilié?»

«Avec un compromis, Trump a déjà atteint son premier objectif»

Pour Katharina Weber, Donald Trump reste fidèle à son approche: «Il vise toujours un accord. Avec un compromis, il atteint déjà un premier objectif: rapprocher le centre des négociations vers lui, pour faire passer davantage de ses positions.»

Mais tout dépendra aussi de la réaction de Vladimir Poutine. «Si ce dernier comprend la tactique et l’applique à son tour, Donald Trump devra accepter un compromis plus équilibré, voire favorable à Poutine», estime l’experte.

Un tête-à-tête qui pourrait tout changer

Pour Vladimir Poutine, le moment clé du sommet pourrait être la rencontre en tête-à-tête prévue dès le début et annoncée par la Russie. «Si on commence par une réunion à huis clos, c’est qu’une information ne doit pas être rendue publique», explique Katharina Weber.

Deux options, selon elle: soit Vladimir Poutine formule une menace, soit il propose un accord secret. Dans ce cas, la réunion élargie des délégations perdrait beaucoup de son importance.

Pas d’accord économique sans progrès en Ukraine

A la veille de la rencontre, Donald Trump a surpris en déclarant au «Financial Times» qu’il ne négocierait aucun accord économique avec Vladimir Poutine tant qu’il ne constaterait pas de «progrès» vers la fin de la guerre. «J’ai remarqué qu’il amène beaucoup d’hommes d’affaires de Russie, et c’est une bonne chose. Cela me plaît parce qu’ils veulent faire des affaires, mais il n’y en aura pas tant que la guerre ne sera pas réglée», a-t-il affirmé.

L’issue de cette rencontre devrait commencer à se dessiner à partir de 21h30, heure suisse, lorsque commenceront les grandes négociations.

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la
Articles les plus lus
    Articles les plus lus