Entre espoir et inquiétude
La paix à Gaza va-t-elle vraiment durer?

Donald Trump promet une «paix durable» à Gaza. Mais alors que les caméras sont braquées sur lui, la situation demeure explosive. Cet accord marque-t-il un véritable tournant – ou n’est-il qu’une illusion? Trois raisons d’être optimiste… et trois raisons de douter.
Publié: 06:17 heures
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Deux ans de guerre ont laissé Gaza en ruines. Des millions de personnes aspirent désormais à un véritable nouveau départ.
Photo: AFP
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Chiara Schlenz

La fin officielle de la guerre de Gaza doit être solennellement signée lundi. Le gouvernement égyptien attend les chefs d’Etat et de gouvernement de plus de vingt pays pour un grand sommet de paix. La rencontre, organisée conjointement par le président américain Donald Trump et le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi, se tiendra dans la station balnéaire de Charm El-Cheikh. C’est là que doit être scellé le plan de paix qu’Israël et le Hamas ont accepté.

Mais cette paix tiendra-t-elle? Dans la bande de Gaza, la lassitude est totale, en Israël, c’est le scepticisme qui domine. Trop de plans de paix ont échoué dans le passé. Pourtant, rarement la pression pour parvenir à une issue durable n’a été aussi forte qu’aujourd’hui. Voici trois signes qui suscitent l’espoir – et trois autres qui font craindre le contraire.

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Tout le monde est épuisé par la guerre

Après deux ans de destructions, les deux camps sont à bout. Plus de 67'000 morts, des centaines de milliers de blessés, des millions de sans-abri: le prix payé est depuis longtemps trop élevé pour les deux camps. Même sur le plan militaire, il n’y a plus rien à gagner. Le Hamas est affaibli et isolé, tandis qu’Israël subit une pression internationale croissante. L’accord de paix offre aux deux parties une porte de sortie pour mettre enfin un terme à l’effusion de sang.

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Donald Trump se met en avant à Charm el-Cheikh comme faiseur de paix, mais rien ne garantit que son accord tiendra réellement.
Photo: imago/UPI Photo
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Une coalition politique qui tient bon

Le fait que le cabinet de sécurité israélien ait approuvé l’accord était tout sauf évident. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu sait qu’il dépend du soutien de Donald Trump – et qu’il le perdrait s’il faisait échouer le «grand plan de paix». Sur le plan intérieur, la pression était immense: il fallait convaincre les partenaires de coalition d’extrême droite que l’accord ne compromettait pas la sécurité d’Israël. Les Etats-Unis ont joué ici un rôle clé. Washington garantit un appui militaire et a laissé entendre qu’en cas de menace grave, des troupes américaines pourraient intervenir directement en Israël.

Sur la scène internationale, Donald Trump a réussi ce qui paraissait longtemps impossible: l’Egypte, le Qatar et la Turquie avancent désormais ensemble. L’Iran, affaibli, n’a plus la capacité de perturber cette dynamique. Cette combinaison de pression américaine, de dépendance israélienne et d’unité régionale pourrait, cette fois, donner une chance réelle au cessez-le-feu.

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La question des otages comme levier de confiance

Après des mois d’incertitude, les derniers otages israéliens doivent être libérés, tandis que plus de 2000 prisonniers palestiniens doivent recouvrer la liberté. Ces gestes rares ont un effet puissant: les retrouvailles de familles, les images d’espoir, les émotions partagées créent une pression politique forte pour que la paix ne soit pas immédiatement brisée.

Mais s'il existe de bonnes raisons d'espérer, plusieurs facteurs font également planer le doute. En voici trois:

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Une région toujours au bord de l’explosion

Les armes se taisent peut-être, mais la méfiance reste vive. Gaza est en ruines, la situation en Cisjordanie demeure explosive, le Hezbollah guette à la frontière nord d’Israël et les rebelles Houthi au Yémen recommencent à se montrer agressifs. Une seule attaque ou provocation pourrait suffire à faire s’effondrer ce fragile équilibre. Tant que le Hamas ne sera pas entièrement désarmé et que des troupes israéliennes resteront présentes dans certaines zones de Gaza, le conflit ne sera que gelé, pas résolu.

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Des marges de manœuvre floues

Selon le plan de Donald Trump, Israël doit retirer ses troupes «progressivement», tandis que le Hamas doit déposes ses armes «sous surveillance». Dans la réalité, ces formulations laissent une grande marge d’interprétation. Benjamin Netanyahu parle de maintenir des soldats à Gaza «jusqu’à ce que le Hamas soit complètement désarmé», sans préciser de délai. De son côté, le Hamas veut conserver ses armes légères. Autrement dit, chacun dispose d’une marge de manœuvre suffisante pour modeler l’accord à son avantage – un risque majeur pour sa survie.

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Les grandes questions restent sans réponse

Qui gouvernera Gaza si le Hamas se retire? Qui contrôlera les frontières? Qui garantira la sécurité? Et surtout, la solution à deux Etats verra-t-elle enfin le jour? Le plan de Donald Trump prévoit une «administration internationale de transition», peut-être sous la direction de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair – mais ni Israël ni le Hamas n’ont encore donné leur accord. Sans structure politique claire, Gaza risque de sombrer dans un vide institutionnel: pas de gouvernement, pas de police, pas de perspectives. La reconstruction demeure elle aussi incertaine: sans sécurité, pas d’investissements, sans argent, pas de reconstruction. Si la crise humanitaire se poursuit, un nouveau soulèvement n’est qu’une question de temps.

Un espoir sans garantie

Oui, cette paix représente plus qu’un simple feu de paille. Pour la première fois depuis des années, les deux camps ont quelque chose à perdre si l'accord échoue. Les habitants de Gaza aspirent au calme, les Israéliens à la sécurité – et Donald Trump à une place dans les livres d’histoire. Mais tant que les grandes questions du désarmement, de la gouvernance et de la sécurité ne seront pas tranchées, la paix restera plus fragile que les signatures censées la garantir.

Donald Trump, fidèle à lui-même, s’est montré confiant: «Je crois que cet accord conduira à une paix durable.» Reste à savoir s’il a raison ou si son triomphe annoncé n’entrera dans l’histoire que comme un nouvel espoir brisé.

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