Gros contrat pour Siemens
Après avoir lâché Stadler, le boss des CFF victime de menaces de mort

Les CFF attribuent un gros contrat à Siemens plutôt qu'à Stadler Rail. Le CEO des chemins de fer fédéraux, Vincent Ducrot, a reçu des menaces de mort... et a besoin de gardes du corps.
Publié: 06:06 heures
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Le CEO des CFF Vincent Ducrot est publiquement attaqué et reçoit même des menaces de mort.
Photo: keystone-sda.ch
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Raphael Rauch

L’attribution d’un contrat de 2 milliards par les CFF suscite de vives réactions... au point de déboucher sur des intimidations criminelles. Selon les informations de Blick, le patron des CFF, Vincent Ducrot, a reçu des menaces de mort. Des auteurs anonymes l’accusent de trahison. En cause? Le choix de Siemens AG plutôt que du constructeur thurgovien Stadler pour ce marché majeur.

Vincent Ducrot a dû être placé sous protection rapprochée durant plusieurs jours. Les CFF restent discrets sur les détails. «La fonction de CEO est exposée, comme celle d’autres dirigeants économiques ou politiques. Lors de décisions controversées, certaines réactions doivent être prises au sérieux, indique l’entreprise. Nous ne souhaitons pas faire d’autres commentaires.»

Qu’un CEO des CFF doive recourir à une protection personnelle reste exceptionnel. La dernière fois remonte à 2008: le prédécesseur de Vincent Ducrot, Andreas Meyer, avait alors dû bénéficier de gardes du corps après son projet de dissoudre les ateliers de CFF Cargo à Bellinzone (TI). Une décision qui avait déclenché une révolte de 430 ouvriers et une grève de plusieurs semaines. Lui aussi avait reçu des menaces de mort.

Stadler et les CFF veulent une solution

Fedpol ne souhaite pas commenter les récents événements. «En cas de menaces, les mesures de protection sont adaptées à la situation et mises en œuvre avec les autorités cantonales compétentes, précise l’Office. Pour des raisons de sécurité, nous ne communiquons aucune information sur ces dispositifs.» 

Dans le même temps, Stadler Rail et les CFF tentent de calmer le jeu. Jeudi, lors d’un entretien avec des représentants de Stadler, les CFF ont expliqué pourquoi l’entreprise thurgovienne n’avait pas obtenu le contrat. «Comme dans tout appel d’offres, nous informons chaque soumissionnaire de manière transparente sur l’évaluation de son offre, indiquent les CFF. Ces échanges relèvent de la procédure normale et ne sont pas liés à la couverture médiatique.»

Les CFF sont protégés

Les CFF réfutent également les rumeurs selon lesquelles Thomas Ahlburg, membre de leur conseil d’administration, aurait œuvré contre Stadler. CEO de Stadler entre 2018 et mai 2020, Thomas Ahlburg avait quitté l’entreprise après des divergences avec Peter Spuhler. «Le conseil d’administration n’intervient pas dans l’attribution», assurent les CFF. Il a seulement été informé du résultat.

L’adjudication a été réalisée conformément au droit des marchés publics. «Une centaine de spécialistes ont évalué les critères de manière objective et indépendante. Le score obtenu a été déterminant.» Il n’y aurait pas eu de duel serré entre Siemens et Stadler: «La décision s’est clairement portée sur Siemens Mobility», précisent les CFF. 

Ils démentent aussi l’idée que Siemens aurait profité du faible euro ou que les CFF seraient exposés à un risque de change. «Lorsqu’un contrat est conclu en Europe, nous couvrons systématiquement le risque monétaire.»

Les parlementaires reprennent l'affaire

Stadler analyse actuellement la matrice d’évaluation remise par les CFF. «Si nous concluons qu’un organisme indépendant doit réexaminer cette évaluation, nous prendrons les mesures juridiques nécessaires», indique l’entreprise.

L’affaire préoccupe désormais aussi le monde politique. Le conseiller aux Etats thurgovien UDC Jakob Stark attend de voir si Stadler déposera un recours. «Selon l’évolution d’une éventuelle procédure, j’agirai aussi au Parlement si cela s’avère pertinent», annonce-t-il. Il estime que la mise en œuvre de la procédure d’acquisition par les CFF pourrait devenir un sujet aussi important qu’un débat de fond sur le droit des marchés publics.

Au Conseil national, son collègue UDC Pascal Schmid envisage une interpellation. «Le Conseil fédéral doit renforcer son influence afin qu’une entreprise suisse exemplaire comme Stadler Rail ne soit pas écartée et qu’un contrat d’une telle ampleur ne parte pas à l’étranger, car cela affaiblit notre pays et notre économie.»

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