Rumeurs de délocalisation
Epargne, crédit: UBS lâchera-t-elle ses clients suisses?

Les clients suisses d'UBS doivent-ils se faire du souci? Le CEO d'UBS, Sergio Ermotti, menace de déplacer le siège de la banque aux Etats-Unis, car il refuse de se conformer aux exigences de capital que lui impose Karin Keller-Sutter. Que se passerait-il si UBS partait?
Publié: 17:15 heures
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Dernière mise à jour: 18:03 heures
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Sergio Ermotti laisse planer le doute quant à l'avenir du siège suisse d'UBS.
Photo: KEYSTONE
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Myret ZakiJournaliste Blick

Qu'adviendra-t-il de nos comptes épargne, de nos hypotphèques, ou de nos crédits d'entreprises, si UBS décidait de mener à bien sa menace, et de déplacer son siège aux Etats-Unis? 

On vient d'apprendre en effet que les dirigeants d'UBS auraient rencontré en cachette l'administration Trump pour envisager de se délocaliser aux Etats-Unis. Objectif: échapper au durcissement de la réglementation suisse, exigé par la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter. Les rumeurs de déménagement d'UBS flottent depuis ce début d'année. Ce 14 septembre, les fuites sont sorties dans le «New York Post».

Si la banque déménage son siège, «il est clair qu'elle délaisserait encore plus les clients suisses, craint Samuel Bendahan, député au Conseil national (PS). Cela montre qu'avoir une banque de cette taille, sans concurrence dans certains domaines, n'est vraiment pas dans l'intérêt de la population.»

Qu'en est-il d'un scénario de vente de l'entité suisse d'UBS? Aucun analyste en actions bancaires n'a souhaité se prononcer sur cette éventualité. Celle-ci avait été abondamment évoquée en 2008, quand UBS avait perdu 50 milliards de dollars sur le marché américain des subprime. La perspective d'un spin-off (scission) de la banque universelle suisse, qui inclut la banque de détail, pouvait alors sembler séduisante car les activités suisses sont sûres et stables.

La Suisse a son mot à dire

Pour UBS, toutefois, il a jusqu'ici toujours été avantageux de conserver en son sein la banque universelle, car c'est en partie grâce aux dépôts de millions de petits clients qu'elle bénéficie de la garantie «too big to fail».

Pour John Plassard, associé chez Cité Gestion à Genève, théoriquement tous les scénarios seraient possibles, y compris celui de la scission de l'entité suisse, en cas de fusion d'UBS avec une banque américaine et d'un simple déménagement hors de Suisse. Dans ce scénario hypothétique, la partie suisse de la banque pourrait être cotée en bourse séparément, et poursuivrait son activité avec un siège suisse et une réglementation helvétique. Cela ne mettrait pas en danger les avoirs de la clientèle suisse. 

Mais John Plassard n'y croit pas: «En cas de fusion d'UBS avec une banque américaine, ou de simple déménagement aux USA, le gouvernement suisse aurait son mot à dire. De même, imaginer un spin-off de l'entité suisse ou son rachat par un autre acteur du marché suisse provoquerait un séisme, probablement plus important que lors de la chute de Credit Suisse.» Un scénario très peu probable, selon le stratège.

Sans compter qu'il n'y a pas d'acheteur évident sur le marché suisse, estime John Plassard. «A qui UBS vendrait-elle ces activités? A Julius Baer? Cette dernière fait l'objet de plusieurs procédures et sanctions de la part de l'autorité suisse de surveillance des marchés financiers (Finma). En outre, les activités suisses de banque universelle d'UBS sont à faibles marges.»

De l'eau dans le gaz

En revanche, si UBS conserve ses activités suisses et qu'elle déménage aux Etats-Unis, John Plassard en convient: «On pourrait craindre que le marché suisse ne soit pas prioritaire, même si cette activité appartient toujours à UBS.»

Depuis plusieurs mois, rien ne va plus entre KKS et le patron d'UBS, Sergio Ermotti. Le CEO de la grande banque refuse catégoriquement d'ajouter 25 milliards de francs de capital supplémentaire pour sécuriser le bilan du groupe contre les risques des marchés. Il estime qu'UBS serait fortement désavantagée par rapport à ses concurrentes internationales. Face à la position ferme de Karin Keller-Sutter, il a tour à tour qualifié ces exigences réglementaires de «propagande», de «provocation», et de «mesure extrême».

De son côté, Berne estime qu'UBS a reçu en cadeau Credit Suisse, pour la somme dérisoire de 3 milliards, réalisant un gain comptable de 29 milliards au passage., et que la moindre des choses serait à présent de se conformer aux règles prudentielles helvétiques.

D'autant que le géant formé par la fusion des deux grandes banques suisses en 2023 fait planer un risque pour la place financière. En cas de crise, la BNS devrait sauver une entité deux fois plus grande qu’elle: le bilan de la BNS, à mi-2025, s'élevait à 856 milliards de francs, contre plus du double, ou 1670 milliards, pour le bilan d'UBS

Un simple bluff?

Les risques de marché ne sont en effet jamais très loin, et peuvent affecter les clients d'UBS, comme ce fut le cas dans le secteur des produits structurés: des investisseurs en produits UBS ont perdu beaucoup d'argent ce printemps, suite à la secousse des marchés provoquée par le choc des droits de douane de Donald Trump. 

UBS a déjà supprimé 20'000 postes (au niveau du groupe) depuis le rachat de Credit Suisse en 2023, et 10'000 postes pourraient être encore supprimés d'ici 2026. 

Pour Samuel Bendahan, «cette situation résulte du poids disproportionné qu'a pris UBS, à présent qu'elle a le monopole sur certaines activités de financement. Car la Suisse a besoin des prestations fournies par l'UBS, et l'absorption de Crédit Suisse ne donne pas vraiment d'alternative aux clients», regrette le conseiller national PS. 

UBS bluffe-t-elle? Samuel Bendahan n'est pas loin de le penser: «La Suisse reste très avantageuse pour UBS. Une délocalisation ou un déménagement serait une mauvaise stratégie pour la banque, et je pense qu'elle instrumentalise ces menaces pour faire peur à la droite dure du pays, qu'elle finance au demeurant massivement.» Déménager le siège à l'étranger s'avérerait coûteux pour la grande banque, selon des experts cités par la NZZ am Sonntag. La banque devrait notamment payer un impôt anticipé (prélevé à la source suisse) sur les bénéfices non distribués, et serait soumise à la réglementation américaine, avec tous les aléas que cela comporte. 

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