«C'est la pénurie de logements qui m'a poussé à partir»
Ce nouveau conseiller national genevois a pris ses quartiers en France

Rudi Berli prêtera serment en tant que conseiller national des Vert-e-s lors de la session d’hiver. Maraîcher zurichois élu à Genève, mais résident en France, il essuie plusieurs critiques. Nous l'accompagnons dans son long voyage vers Berne.
Publié: 11:37 heures
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Le nouveau conseiller national Rudi Berli vit en France depuis 2019.
Photo: Raphaël Dupain
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Raphaël Dupain
Céline Zahno et Raphaël Dupain

Le trajet de Rudi Berli (Les Vert-e-s) vers Berne est long et débute juste après la frontière franco-suisse. Le nouveau conseiller national genevois réside en effet à Pougny, dans le département de l'Ain.

Après avoir grandi à Zurich, où il a exercé le métier de maraîcher, il a ensuite vécu de nombreuses années dans la Cité de Calvin. Dès décembre 2025, il sera député du canton de Genève au Conseil national, succédant ainsi à son confrère de parti Nicolas Walder.

A 8h35, Rudi Berli claque la porte de sa Dacia à la gare de La Plaine. Il fait le trajet en voiture depuis sa maison – environ dix minutes. Le reste du voyage, il le fait en train... durant trois heures. Blick l'a accompagné jusqu'au Palais fédéral pour sa première séance de groupe.

Poussé dehors par la pénurie de logements

Rudi Berli n'est que le quatrième membre du Parlement à résider à l'étranger. Avant lui, l'ancien ambassadeur Tim Guldimann, qui réside à Berlin, a été élu à la Chambre des cantons en 2015. Après deux ans, il a jeté l'éponge – le mandat à Berne n'était guère réalisable depuis l'étranger.

«Je ne vais pas mener une vie de jet-setteur», dit Rudi Berli. Ce soir-là aussi, il restera à Berne pour visiter un appartement. En plus de son mandat, l'élu vert souhaite continuer à travailler comme maraîcher. Comme plus de 100'000 frontaliers, il fait chaque jour la navette entre la France et son autre lieu de travail: une coopérative du canton de Genève.

«
Il y a en tout plus de 800'000 Suisses de l'étranger. Avec moi, ils ont désormais un représentant au Parlement. Etre frontalier fait partie de ma réalité
Rudi Berli, conseiller national genevois
»

Il s'est installé en France en 2019. «C'est la pénurie de logements qui m'a poussé à le faire, explique-t-il. Je voulais vivre à la campagne.» Un mode de vie devenu un luxe en Suisse, selon lui. Avec son budget, c'était tout bonnement impossible. «Finalement, j'ai trouvé ce que je cherchais en France.»

Rudi Berli veut aussi défendre les intérêts des frontaliers et des Suisses de l'étranger à Berne. «En premier lieu, je suis bien sûr conseiller national genevois. Mais il y a en tout plus de 800'000 Suisses de l'étranger. Avec moi, ils ont désormais un représentant au Parlement. Etre frontalier fait partie de ma réalité.»

Perspectives transfrontalières

A la gare de La Plaine, Rudi Berli est déjà confronté à l'un des problèmes politiques typiques de cette région frontalière. «Genève a un problème massif de mobilité, explique-t-il. Depuis Pougny, ma commune de résidence, il n'y a que 18 trains qui partent vers Genève par jour. La ville se retrouve donc inondée de voitures.» 

Selon lui, la mobilité comme la pénurie de logements doivent être pensées à l'échelle transfrontalière. C’est aussi dans cette optique qu'il souhaite mener son action politique à Berne.

Récemment, une décision concernant la région frontalière franco-suisse a fait la Une des médias internationaux. Même le président français Emmanuel Macron s'en est plaint auprès de la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter: en juin, le Conseil d'Etat genevois a annoncé que les enfants de frontaliers ne seraient plus scolarisés dans les écoles suisses à partir de l'été 2026. Près de 2500 enfants sont concernés, dont ceux de Rudi Berli.

«L'une de mes filles est actuellement en classe supérieure, explique-t-il. Elle devra changer d'école en France l'automne prochain, bien qu'elle ait fait toute sa scolarité en Suisse, que son environnement social soit ici et qu'elle voit aussi son avenir professionnel en Suisse.» Mais la politique de l'éducation est l'affaire du canton, pas du Conseil national.

Ecolos contre paysans?

9h12, bref arrêt à la gare de Genève. Rudi Berli se dépêche d'aller chercher un café et des pâtisseries. Il profite du trajet vers Berne pour étudier les documents de son parti, rangés dans une pochette rose avec un dessin d'enfant. 

Rudi Berli se hâte à la gare de Genève pour prendre café et viennoiseries.
Photo: Raphaël Dupain

Il se réjouit d'aller à Berne, confie-t-il. Depuis vingt ans, Rudi Berli est actif au sein de l'organisation paysanne Uniterre, qui s'engage pour une agriculture durable, rentable et solidaire. Durant cette période, il a accumulé un certain savoir-faire politique. On le remarque lorsqu'il parle de son dossier principal: la politique agricole. Il passe rapidement d'un sujet à l'autre et a de grandes visions pour l'avenir.

L'alliance de l'Union suisse des paysans, soutenue par de grandes organisations patronales, constitue une véritable épine dans son pied. A-t-il déjà l'intention d'affronter l’agriculteur Markus Ritter, qui a largement contribué à forger cette coalition? Le Vert reste diplomate. Il affirme vouloir «trouver avec Markus Ritter des réponses aux sacrifices demandés aux paysans par les grandes associations économiques au nom de la compétitivité de la Suisse.»

Le tourisme d'achat suisse suscite également sa colère. «Manger sainement des aliments de qualité ne devraient pas être réservés aux personnes aisées!» Selon lui, c'est précisément pour cette raison qu'il faut soutenir la demande en Suisse et y faire ses achats. «Si les prix et la demande sont bons, les paysannes et les paysans produiront aussi de manière plus durable.»

Critiques dans son propre canton

Lorsque Rudi Berli arrive enfin à Berne à 11h26, une fine couche de neige recouvre déjà les toits de la capitale. Son entrée sous la Coupole n'est toutefois pas passée inaperçue. 

La neige commencer à envelopper le paysage au terme du voyage de Rudi Berli.
Photo: Raphaël Dupain

Sur les réseaux sociaux, le député genevois Daniel Sormanni du Mouvement citoyen genevois (MCG) s'en est ouvertement pris à lui, l'accusant de ne pas être un «vrai travailleur frontalier», de par sa nationalité suisse. Il juge également étonnant d’être élu au Parlement tout en vivant à l’étranger. Mais, reconnaît-il, puisque cela est légal et conforme à la démocratie, il s'en accommode.

Des propos qui ne déstabilisent pas Rudi Berli. «Avec mon histoire et mes origines, je suis un représentant légitime du peuple». Ayant grandi à Zurich, ayant longtemps habité à Genève, il vit désormais la réalité de milliers de frontaliers suisses.

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