Des messages racistes, sexistes, antisémites ou discriminatoires ont circulé entre policiers lausannois sur des groupes WhatsApp. La Municipalité, profondément choquée, a annoncé lundi des mesures avec notamment une première série de suspensions.
Ces groupes WhatsApp privés ont été mis à jour par le Ministère public vaudois, qui avait été saisi à la suite de la diffusion par la RTS d'une photo montrant un policier, le pouce levé devant un graffiti «RIP Mike», du nom du Nigérian décédé en 2018 après une intervention policière musclée.
Plus de 50 policiers impliqués
La Municipalité lausannoise a été informée le 15 août par le Parquet de l'existence de ces deux groupes WhatsApp. Fermés depuis 2023, ils comprenaient 6 et 48 membres qui ont tous appartenu, à un moment donné, à la police lausannoise.
Réuni au complet lors d'une conférence de presse, que nous avons suivi en direct, l'exécutif lausannois a montré lundi quelques-uns de ces messages. Entre «blagues» racistes et sexistes, propos homophobes, apologie du nazisme ou du KKK et autres moqueries contre les personnes handicapées, ces images ont provoqué «l'effroi et le choc», a reconnu Pierre-Antoine Hildbrand, municipal en charge de la police.
«Ces messages sont contraires à l'ensemble de nos valeurs. C'est extrêmement choquant», a renchéri Olivier Botteron, commandant de la police lausannoise.
Quatre policiers suspendus
Quatre policiers impliqués dans ces groupes ont d'ores et déjà été suspendus. D'autres devraient suivre ces prochains jours, a relevé Pierre-Antoine Hildbrand. Et de préciser que l'analyse des 2520 pages transmises par le Ministère public n'étant pas encore terminée.
Tous les membres des deux groupes n'ont certes pas eu la même implication sur WhatsApp. Reste qu'environ 10% du corps de police lausannois (501 policiers en tout) a vu passer ces messages, sans en avertir la hiérarchie.
Outre les suspensions, qui pourraient aboutir ensuite à des licenciements, la justice pourrait aussi prononcer des sanctions. L'enquête pénale du Ministère public, initiée suite à l’affaire dite du pouce, est toujours en cours.
Réforme structurelle en vue
La Municipalité ne souhaite pas uniquement punir, mais mener «une réforme en profondeur». Pour le syndic Grégoire Junod, «il y a un problème de discrimination systémique à traiter». Et de reconnaître que d'autres «éléments» que ces deux groupes WhatsApp pourraient un jour «ressortir», même s'il est encore «trop tôt» pour en dire davantage.
Pour mener à bien leur réforme policière, les autorités lausannoises ont fait appel à André Duvillard, ancien délégué du réseau national de sécurité et ancien commandant de la police neuchâteloise. Des experts extérieurs à la police seront aussi sollicités.
Il faut opérer «un changement de culture» pour éviter que de «telles dérives» ne se reproduisent», a affirmé Grégoire Junod. L'image de la police lausannoise a été «gravement entamée» et il faut rétablir la confiance avec la population. «C'est une tache sur l'uniforme qu'il faut nettoyer», a imagé Pierre-Antoine Hildbrand.
Dialogue et transparence
Pour mener à bien «ces travaux de longue haleine», la Municipalité juge «indispensable» l'adhésion de l'ensemble du corps de police. Elle souhaite ainsi avoir «un dialogue régulier» avec les cadres et le personnel.
Une rencontre «constructive» a aussi déjà été menée avec les syndicats. Une Association des fonctionnaires de police de Lausanne (AFPL) qui, prenant les devants, avait déjà communiqué dimanche en disant regretter avoir été «tenue à l'écart de certaines décisions et informations.»
Elle a mis en garde contre des mesures disciplinaires qui pourraient avoir été prises «de manière hâtive, voire arbitraire, avant même une analyse approfondie des différentes affaires.»
La Municipalité a expliqué qu'elle allait agir «en toute transparence» avec la police, mais aussi le public et les médias sur ses différentes démarches. «La police lausannoise traverse une grave crise, mais nous sommes déterminés à aller jusqu'au bout pour rétablir la confiance», a assuré Grégoire Junod.