Les images sont impressionnantes. Depuis la terrasse de la crèche des Jardins de Prélaz, à une dizaine de mètres du sol, des jeunes cagoulés balancent tout ce qu’ils trouvent sur la police: tôles, barres en métal et autres. Il est alors entre minuit et 1h du matin, en ce mardi 26 août, deuxième jour de débordements à l’ouest de Lausanne, à la suite de la mort de Marvin – cet ado de 17 ans à scooter dont la course-poursuite avec la police s'est finie en accident dimanche dernier.
Ce matin, le personnel de crèche s’est réveillé avec des dégâts. Des parasols en moins, un couvert à poussettes dont la toiture a été arrachée. Désormais, ne subsistent que les traces de marques au sol. Le sol coloré de la terrasse est vide de déchets. Autour des locaux dédiés aux tout petits, des tags s’en prennent à la police.
Si on fait le tour du bâtiment depuis le côté du bâtiment qui ne donne pas sur l’avenue de Morges, on s’aperçoit que la terrasse de la crèche est facilement accessible. Il suffit de sauter par-dessus une barrière. Les émeutiers tardifs ne semblent pas avoir dû faire preuve de prouesses d’escalade pour se réfugier dans leur tour d’ivoire. L’intérieur de la crèche est apparemment resté intact.
Pas un mot de la part de la crèche
Du côté de la directrice de crèche comme de ses employés, tous briefés, c’est silence radio. Aucun commentaire ne sera fait au sujet des évènements, aucune question – montant des dégâts, mesures de protection à l’avenir, choc du personnel ou conséquences pour les enfants? – ne trouvera réponse. A l’approche de midi, une seule priorité: le repas des enfants.
La crèche des Jardins de Prélaz fait partie du réseau lausannois de centres de vie enfantine municipaux et institutions privées subventionnées. Contactée, la Ville de Lausanne n’a pas encore répondu à nos interrogations. Vers 14h30, deux agents de police sont venus auprès de la direction de la crèche, visiblement pour répertorier les dégâts.
Un jeune du quartier clarifie
Voyant un journaliste de Blick tournicoter autour de la terrasse pour essayer de retracer les évènements, un jeune homme, casquette sur la tête, s’approche. Visiblement agacé, il s’exclame: «C’est pas de notre faute, ça. C’est des jeunes d’autres quartiers ou de la ville qui sont venus avec des cagoules et qui ont tout cassé pour rien. Ils sont venus juste pour jeter des trucs et ne connaissent même pas Marvin.»
A 19 ans, cet habitant du quartier – appelons-le Etienne* – connaît le défunt et sa famille. Concernant les émeutiers, le jeune adulte parle de «jeunes de 15 à 17 ans qui ont la rage, mais qui ne savent pas l’extérioriser». Il estime qu’au moins 90% des manifestants ne sont pas du quartier.
Les habitants appellent au calme
La communication autour des émeutes, c’est sur les réseaux que ça se passe, explique notre interlocuteur. «Ils ont vu les premières émeutes sur les réseaux, alors ils se sont donné rendez-vous entre eux pour le deuxième jour pour profiter de la zizanie.» Mais selon Etienne, l’heure est à l’appel au calme: «On a fait passer des messages sur Snapchat, pour que les choses se calment», dit-il en montrant la story d’un ami, qui dit à qui veut l’entendre qu’il ne sert à rien de venir une troisième fois.
Le jeune homme a surtout des éloges pour «les mamans et les papas du quartier», qui appellent au calme et ont aussi eu les yeux rouges après la répression au gaz lacrymogène. «Les habitants du quartier sont remontés, assure Etienne. Hier soir, les mamans ont attrapé des jeunes cagoulés pour les engueuler. Et les papas ont essayé d’éteindre les feux de poubelles.»
Il espère sincèrement que le deuil pourra s’exprimer autrement que par la casse. «Ils ont plus terrorisé les habitants du quartier qu’autre chose», conclut Etienne en montrant une autre initiative, plus constructive selon lui: une cagnotte destinée à la famille de Marvin.