Lorsqu'elle se retrouve sans argent, Simonetta Cimmino vient de perdre son mari. Cette femme de 71 ans habite sur les rives du lac de Zurich, plus précisément à Küsnacht, l'une des communes les plus riches de Suisse.
Pourtant, lorsqu'elle demande des prestations complémentaires pour son AVS, elle ne reçoit rien pendant plus de cinq ans. «J'ai été touchée en plein cœur par la manière dont Küsnacht m'a traitée», confie Simonetta Cimmino. Aujourd'hui, la retraitée a remporté tous ses combats contre sa commune. Mais même lorsque le Tribunal fédéral a statué en sa faveur au mois de janvier, celle-ci ne lui a versé aucun sou.
Simonetta Cimmino a donc déposé une plainte auprès de l'office cantonal des affaires sociales et a fait valoir un déni de justice devant le tribunal des assurances sociales du canton de Zurich. Mais, vous vous en doutez, ce genre de choses prend du temps.
Perte de sa maison et poursuites
La retraitée a finalement décidé de s'adresser au «Beobachter». Lorsque ce dernier a confronté Susanna Schubiger, conseillère municipale de Küsnacht, à l'affaire, tout s'est accéléré: trois jours plus tard, les autorités de Küsnacht ont promis de verser immédiatement une partie de l'argent.
Au final, l'argent a donc été versé 63 mois après que Simonetta Cimmino a déposé sa demande de prestations complémentaires (PC). Celle-ci a été déposée en janvier 2020. Ce n'est qu'en avril 2022 qu'elle a reçu pour la première fois une réponse et, de surcroit, négative.
Sauf qu'il y a manquement: selon la loi, les retraités doivent être informés «dans un délai de 90 jours du droit et du montant de la prestation» lorsqu'ils demandent des prestations complémentaires. Entretemps, Simonetta Cimmino a perdu son logement, car elle ne pouvait plus payer son loyer. Elle a même été poursuivie. «Des amies m'ont prêté des dizaines de milliers de francs, que je suis maintenant en train de rembourser», dit-elle. Par nécessité, elle a recommencé à travailler comme psychothérapeute, bien qu'elle ait atteint l'âge de la retraite depuis longtemps.
Un mari «malheureusement» riche
Cette Italienne d'origine vivait depuis 1996 avec un psychothérapeute de Küsnacht issu d'une famille riche. Paradoxalement, cela allait devenir un problème pour Simonetta Cimmino. En 2016, elle épouse son compagnon, dont l'état de santé s'est progressivement dégradé. Elle s'est occupée de lui jusqu'à ce qu'il décède en 2020, ne laissant derrière lui que des dettes, comme le prouvent plusieurs documents.
Mais lorsque Simonetta Cimmino a déposé une demande de prestations complémentaires à l'AVS auprès de la commune de Küsnacht, celle-ci a argumenté que son mari avait probablement renoncé volontairement à des parts d'héritage avant de l'épouser.
La commune a donc facturé à Simonetta Cimmino une «diminution de fortune non prouvée» de 116'000 francs par son mari avant le mariage et a décidé qu'elle recevrait 0 franc de prestations complémentaires pour cette raison.
Complice de la dilapidation de l'argent?
En réalité, l'Etat n'a pas à soutenir quelqu'un qui fait d'abord cadeau de quantités d'argent ou les dilapide et qui demande de l'aide par la suite. En outre, depuis 2021, si une personne a plus de 100'000 francs de fortune et en dépense plus de 10% par année, ces dépenses sont traitées comme si elles n'avaient jamais eu lieu. Sur le papier, l'argent reste disponible en tant que fortune, bien qu'il soit parti depuis longtemps.
Si deux personnes sont mariées, l'Etat peut les considérer comme une seule et même personne, car la fortune appartient aux deux. Une femme ne peut pas être tenue pour responsable si son mari décédé a renoncé à des parts d'héritage avant son mariage. C'est également l'argumentation du Tribunal fédéral dans le cas de Simonetta Cimmino: l'épouse survivante ne peut «exercer aucune influence sur un acte de renonciation prénuptial». Le tribunal des assurances sociales du canton de Zurich était déjà arrivé à la même conclusion.
«Küsnacht a tout simplement harcelé ma cliente», déclare l'avocat Felix Frey. Il est spécialisé dans les assurances sociales et connaît très bien les rouages du canton de Zurich. «Cette commune a retardé la première décision pendant deux ans en posant sans cesse de nouvelles questions et en procédant à des clarifications, ce qui est contraire à la loi!»
Le recours au Tribunal fédéral n'aurait en outre pas été nécessaire, tant le jugement de première instance était clair, affirme l'avocat. Le fait que la commune ait entamé de nouvelles investigations après l'arrêt du Tribunal fédéral est choquant et équivaut, selon lui, à un déni de justice.
La conseillère municipale s'en lave les mains
La conseillère communale de Küsnacht, Susanna Schubiger, conteste ce reproche. Elle prétend n'avoir jamais harcelé Simonetta Cimmino, mais «conseillé et soutenu au mieux». La première décision n'a été rendue qu'au bout de deux ans parce que la requérante aurait remis les documents nécessaires trop tard.
Le fait que Simonetta Cimmino n'ait pas reçu d'argent de janvier à avril, malgré le jugement du Tribunal fédéral, n'est pas une erreur de la commune: l'autorité compétente a «entrepris les démarches nécessaires pour l'examen définitif et le calcul du droit».
Pour le versement des PC pendant les 42 mois restants, durant lesquels Simonetta Cimmino a vécu à Küsnacht, il faudra d'abord compléter les dossiers. La commune y est tenue par la loi. Le recours de Cimmino auprès du canton est infondé. La question de savoir si c'est le cas doit encore être tranchée par le service social cantonal.