La période de l'Avent ne rime pas avec cadeau pour les parlementaires. Les membres des Commissions de politique extérieure ont reçu une lettre du Conseil fédéral. Un courrier qui fait figure d'avertissement. Le mandat proposé pour les négociations tarifaires avec les Etats-Unis contient autant des améliorations que des concessions douloureuses.
Le coup le plus dur sera sans doute les «200 milliards de dollars américains au moins» que les entreprises suisses devront investir aux Etats-Unis durant les cinq prochaines années. Un tiers de cette somme, soit près de 67 milliards, devra être versé d'ici fin 2026.
En contrepartie, l'administration Trump devrait abaisser la plupart des droits de douane à 15% maximum. Les produits soumis à un taux supérieur à 15% avant le 2 avril 2025 seront à nouveau soumis à leur taux initial. Par exemple, le célèbre fromage Sbrinz, passera de 39 à 19%, au lieu d'être abaissé à 15%.
Pilatus et la pharma jubilent
Les grands gagnants sont notamment les avions de Pilatus et les médicaments génériques. Importés en masse par les Etats-Unis, ces produits sont exemptés des droits de douane supplémentaires. D'autres exceptions devraient affecter le secteur pharmaceutique, certains produits chimiques et l'or.
La Suisse devra encore faire d'autres concessions aux Etats-Unis: «Exemption de droits de douane sur tous les biens industriels américains, les fruits de mer américains et certains produits agricoles américains». S'y ajoutent des quotas: le conseiller fédéral UDC Guy Parmelin a annoncé que les Etats-Unis devraient pouvoir exporter 500 tonnes de viande de bœuf, 1500 tonnes de volaille et 1000 tonnes de viande de bison en Suisse sans que la Suisse n'impose de droits de douane.
Le mandat des négociations ne mentionne pas de chiffres concrets, mais le Conseil fédéral reste ferme: il ne lâchera du leste que si les Etats-Unis en font également. «Toute concession tarifaire supplémentaire de la part de la Suisse doit être compatible avec la politique agricole suisse», souligne le Conseil fédéral dans un communiqué de presse.
Poulet au chlore et neutralité
La question du poulet au chlore américain n'a pas été abordée dans les négociations. Néanmoins, Guy Parmelin devra s'exprimer sur ce sujet lors de la séance de questions au gouvernement. La conseillère nationale des Vert-e-s Sophie Michaud Gigon souhaite savoir s'il pourrait simplement lever l'interdiction du poulet au chlore en Suisse par voie d'ordonnance. Une partie du Parlement milite pour une interdiction législative de ce type d'importation.
Selon le mandat de négociation, la Suisse n'est pas tenue de reprendre automatiquement les sanctions américaines. Dans une note d'information, le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) assure que «la souveraineté et la neutralité de la Suisse seront préservées».
Supprimer les obstacles
Outre les droits de douane, d'autres obstacles au commerce seront supprimés. Par exemple, l'immatriculation des camions doit être simplifiée. Il est également question d'alléger la procédure d'homologation des dispositifs médicaux américains.
L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) prédit un rythme soutenu: «On peut s'attendre à ce que l'ordonnance soit mise en consultation dans le courant de l'année 2026», communique-t-il. A l'heure qu'il est, les pansements ou prothèses fabriqués en Suisse et homologués aux Etats-Unis ne peuvent pas être utilisé chez nous, un homologation distincte étant requise.
Un député PLR monte au front
Le conseiller aux Etats du Parti libéral-radical (PLR) Damian Müller a déposé avec succès une motion pour faire changer cela. Selon lui, tout dispositif jugé efficace pour les patients américains devrait également être autorisé en Suisse. Actuellement, les produits médicaux certifiés par la FDA américaine ne sont pas autorisés sur le marché suisse.
L'élu lucernois se bat depuis 2020 pour faire adopter ce changement. Il l'assure: les patients doivent pouvoir profiter d'une médecine innovante. La Grande-Bretagne a déjà autorisé les dispositifs médicaux certifiés par la FDA. «La Suisse est donc à nouveau en retard. L'OFSP traîne des pieds et n'a rien changé à ce jour», déclare le sénateur.
Un accord massivement rejeté
L'OFSP se défend et évoque la nécessité de procéder à certaines clarifications. «Il est élémentaire pour les patientes et les patients, mais aussi pour les médecins, de pouvoir se fier à des dispositifs médicaux sûrs, comme l'a montré un cas d'implants mammaires défectueux rendu public en 2010 dans l'UE», fait savoir l'office fédéral.
Les commissions de politique extérieure se pencheront sur le projet à la mi-décembre. Les débats risquent d'être houleux. En l'état actuel, une éventuelle votation sur l'accord douanier entre la Suisse et les Etats-Unis échouerait. 69% des personnes interrogées se sont prononcées «contre» ou «plutôt contre» le projet, comme le montre un sondage commandé par Blick.