Lundi, les États-Unis prévoient de classer le «Cartel des Soleils» comme organisation terroriste étrangère, affirmant qu’il serait dirigé par le président vénézuélien Nicolás Maduro. Cette décision ajoute une pression supplémentaire sur Caracas, alors même que Washington continue d’appeler au dialogue.
C'est le département d'Etat dirigé par Marco Rubio – considéré comme un tenant de la ligne dure – qui gère cette liste FTO (Organisation terroriste étrangère) comprenant des groupes islamistes, séparatistes ou guérillas et, plus récemment, des gangs. Rubio compte y ajouter le «Cartel de los Soles», une organisation dont l'existence reste à démontrer selon de nombreux experts qui évoquent plutôt des réseaux de corruption permissifs envers les activités illicites.
Déjà 83 morts dans des frappes illégales
«Le Cartel des Soleils, ainsi que d'autres organisations terroristes désignées, y compris le Tren de Aragua (gang vénézuelien) et le Cartel de Sinaloa (mexicain), sont responsables de la violence terroriste dans tout notre hémisphère, ainsi que du trafic de drogue vers les Etats-Unis et l'Europe», a déclaré Marco Rubio.
Cette désignation comme FTO intervient alors que les Etats-Unis ont déployé dans les Caraïbes le plus grand porte-avions du monde, accompagné d'une flottille de navires de guerre officiellement pour des opérations antidrogue. Caracas estime qu'il s'agit d'une opération visant à évincer Maduro du pouvoir et s'emparer du pétrole du pays. «Cela ouvre un éventail de possibilités, tant militaires que de sanctions, à l'administration Trump pour continuer à exercer des pressions», explique à l'AFP Juan Manuel Trak, universitaire au Mexique.
Le président Donald Trump a affirmé que les jours de Maduro étaient «comptés» et a autorisé des opérations clandestines de la CIA au Venezuela tout en évoquant également la possibilité de négocier avec Maduro. L'armée de l'air américaine a annoncé un exercice de bombardement avec des avions B-52 dans les Caraïbes. L'autorité aéronautique américaine a appelé l'aviation civile à «redoubler de précautions» en raison de «de l'augmentation de l'activité militaire au Venezuela et dans ses environs».
Les opérations américaines dans les Caraïbes et le Pacifique ont déjà fait 83 morts dans une vingtaine de frappes aériennes sur des bateaux présentés comme opérés par des narco-trafiquants. «Cette augmentation de la pression génère la perception qu'une sorte d'attaque est presque imminente», considère Juan Manuel Trak. Jugées «inacceptables» par le chef des droits de l'homme de l'ONU, ces frappes prétendument liés au trafic de drogue violent le droit international relatif aux droits humains.
Alexis Alzuru, docteur en sciences politiques, envisage des attaques contre «certaines pistes (aviation) liées au trafic de drogue» loin des centres urbains. «Ce serait l'intervention maximale» que pourrait mener Donald Trump, selon lui.
Un Coup économique
Le Venezuela fait déjà l'objet de sanctions américaines depuis 2019, avec notamment un embargo pétrolier qui oblige Caracas à vendre son pétrole au noir avec des rabais. Les Etats-Unis interdisent de fournir «un soutien matériel ou des ressources» à toute organisation figurant sur la liste FTO.
Certains économistes s'accordent à dire que la déclaration pourrait encore asphyxier davantage une économie, à nouveau proche de l'hyperinflation. Des secteurs qui n'étaient pas touchés par les sanctions pourraient souffrir de la crainte d'opérateurs internationaux d'être sanctionnés s'ils continuent à travailler avec le Venezuela. Pour l'instant, Washington semble fermer les yeux sur le pétrole: il laisse Caracas exporter son pétrole au noir et n'a pas touché à la licence (autorisation de travailler malgré les sanctions) de Chevron.
La flotte américaine «n'a pas encore saisi un navire, mais disons que cela (classement FTO) pourrait légalement leur ouvrir cette possibilité», estime l'expert pétrolier Francisco Monaldi. «Si cela arrivait, non seulement cela pourrait entraver le flux et obligerait évidemment aussi à augmenter les rabais» aux acheteurs, ajoute-t-il.
Une visée sur les ressources du Vénézuela
Nicolas Maduro dansait vendredi devant les cameras lors d'une rencontre avec des étudiants. «Je vais faire la fête! Personne ne m'arrête! Musique!», a lancé le président, voulant sans doute donner une image de sérénité.
Le gouvernement organise régulièrement des exercices militaires avec des déclarations répétées de loyauté absolue. Des responsables de tous les secteurs affirment fréquemment leur soutien. «Si ce réseau ne se fracture pas et n'oblige pas Maduro à négocier», explique Alexis Alzuru, «la probabilité de négociation avec les Etats-Unis est pratiquement nulle.»
Nicolas Maduro a déclaré être prêt à parler «face à face» avec Donald Trump, qui a dit qu'il parlerait avec le dirigeant «à un moment donné». Rien n'est prévu pour l'instant.
«Trump pourrait envisager de demander un accès aux ressources vénézuéliennes (pétrole et minerais), en échange de réduire la pression et ensuite (tenter) de mettre en place une sorte de transition interne au Venezuela», indique-t-il. L'universitaire Juan Manuel Trak considère, lui, qu'il est «très peu probable» d'assister à une chute de Nicolas Maduro ou que l'opposition, avec Maria Corina Machado, prix Nobel de la paix, arrive au pouvoir.