Les dérives américaines
5 raisons d'accuser Trump de fascisme (et 5 qui le dédouanent)

Le président des Etats-Unis revendique de traquer les médias et les journalistes qui s'opposent à son administration. Il sera dimanche en Arizona pour les obsèques de Charlie Kirk. Un tournant?
Publié: 19:21 heures
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Dernière mise à jour: 19:46 heures
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Le président des Etats-Unis s'est félicité de l'éviction de l'animateur Jimmy Kimmel par la chaine ABC.
Photo: Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump est-il un apprenti dictateur? Le président des Etats-Unis, qui revendique son populisme, est-il en train d’organiser un mouvement fasciste à sa gloire? De nombreux intellectuels, journalistes et universitaires américains dénoncent cette dérive autoritaire, illustrée par la traque contre les médias libéraux, et dopée par l’émotion postérieure à l’assassinat de l’activiste ultra-conservateur Charlie Kirk le 10 septembre dans l’Utah.

La vision opposée des Etats-Unis de 2025 consiste à dire que Trump, élu le 5 novembre 2024, ne fait que tenir ses promesses et de mener une contre-offensive indispensable contre la censure imposée par le multiculturalisme et le «wokisme». Qui dit vrai? Voici 5 raisons de croire que Trump est un fasciste. Et cinq raisons de penser (encore) le contraire.

Oui: Trump insulte le 1er amendement

«Le Congrès n’adoptera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice; ou pour limiter la liberté d’expression, ou celle de la presse; ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d’adresser au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparations des torts subis.» Ainsi est libellé le premier amendement de la Constitution américaine. Or Donald Trump, garant de cette loi fondamentale, demande aujourd’hui à la Commission fédérale de la communication de «retirer les licences de diffusion» aux médias qui s’en prennent à lui. L’assassinat de Charlie Kirk a donné un nouveau prétexte: critiquer le défunt est presque un crime. De quoi inquiéter.

Non: Trump ne légifère pas

Il y a une grande différence entre les pressions exercées par un président élu, problématiques mais opposables, et des lois liberticides qui muselleraient les médias et le débat d’opinion. Les partisans de Trump ont donc beau jeu de disqualifier ceux qui l’accusent de fascisme. La liberté d’expression demeure aux Etats-Unis. Attention toutefois: quiconque critique l’activiste ultra-conservateur défunt Charlie Kirk est aujourd’hui ciblé par l’administration pour discours de haine. La pente est très glissante.

Oui: Trump vilipende la justice

Un président autoritaire a deux ennemis: une presse libre et une justice indépendante. Or sur ces deux fronts, Donald Trump est en guerre. Son administration prend sans cesse des décisions qui sont ensuite contestées sur le plan judiciaire. Ce qui amène le président des Etats-Unis à conspuer des juges, et à exiger leur limogeage. 17 magistrats en charge des questions d’immigration ont été limogés depuis le début septembre. Le chef de l’exécutif a aussi demandé à la Cour suprême de valider la révocation de Lisa Cook, l’une des membres du conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale, l’autorité monétaire indépendante.

Non: Trump a l’appui de la Cour Suprême

Comment traiter Trump de fasciste alors que ses actes sont validés par la plus haute juridiction des Etats-Unis, à savoir la Cour suprême? Là aussi, l’argument est imparable sur le papier. Jusque-là, les neuf «justice», les magistrats nommés à vie par le président qui composent la Cour, ont avalisé plusieurs décisions controversées de Trump. Celle-ci a confirmé la légalité du licenciement de 1400 enseignants. Elle a autorisé le département de l’immigration à poursuivre ses opérations de déportation des migrants illégaux. Pour rappel: six des neuf «Justice» ont été nommés par des présidents Républicains, dont trois par Donald Trump.

Oui: Trump déploie l’armée aux Etats-Unis

Les images disent la volonté du président des Etats-Unis de prendre militairement le contrôle des grandes métropoles qui lui sont hostiles, et des États contrôlés par des gouverneurs démocrates élus. Ces images montrent les soldats armés de la garde nationale en train de patrouiller à Los Angeles et à Washington DC, la capitale fédérale qui n’est pas un Etat, mais une juridiction dépendante du Congrès pour son budget. La cause invoquée par Trump, qui parle de déployer des troupes à Chicago (Illinois) et à Memphis (Tennessee), est la criminalité dans ces villes. Sauf que les gouverneurs contestent cette décision.

Non: Trump veut ramener l’ordre

C’est toujours l’argument des leaders autoritaires, désireux d’évincer leurs opposants et la liberté, pour mieux contrôler la population: le maintien de l’ordre et la sécurité. Dans le cas du déploiement de la Garde nationale, le président des Etats-Unis a le droit de l’ordonner, mais les gouverneurs peuvent s’y opposer. En outre, si un futur président s’appuyait sur cette interprétation de la loi pour demander aux gouverneurs d’envoyer des membres de la Garde nationale non fédéralisés dans un État non consentant (par opposition à une juridiction non étatique comme le district de Columbia), ce déploiement serait contraire à la Constitution.

Oui: Trump fait des procès politiques

Cette méthode a fait ses preuves dans plusieurs Etats autoritaires, comme par exemple Singapour. Dans cette île-Etat d’Asie du Sud-Est, le gouvernement lance des procédures pour diffamation contre tous ceux qui le contestent, pour ruiner ses détracteurs. Donald Trump vient de le faire en déposant plainte contre le New York Times, auquel il demande 15 milliards de dollars de dommages et intérêts, invoquant plusieurs articles diffamatoires. Echec pour le moment. Vendredi 19 septembre, le juge fédéral Steven Merryday a déclaré que Trump avait enfreint une règle fédérale exigeant que les requérants exposent dans une «déclaration concise et claire» les raisons pour lesquelles ils méritent d’obtenir réparation. Trump a 28 jours pour modifier sa plainte.

Non: Trump a le droit de se défendre

Donald Trump est le premier président condamné par la justice de son pays. Il l’a été le 30 mai 2024 par un tribunal de Manhattan pour «félonie», après avoir été reconnu coupable de paiements illicites à une ex-star du porno, dans le but de la faire taire après une relation. Même s’il bénéficie de l’immunité présidentielle, le chef de l’exécutif reste poursuivi dans au moins quatre affaires: falsification de comptes (New York), dissimulation de documents publics (Floride), tentative de renverser l’élection présidentielle de 2020 (Washington DC) et tentative de falsifier les résultats électoraux (Géorgie). La réponse de ses partisans? Toutes ses accusations sont fausses. Toutes sont des complots politiques. «Leur» président est une victime.

Oui: Trump traque opposants et migrants

Un homme est la cible de tous ceux qui se battent politiquement contre Donald Trump: le patron du FBI Kash Patel. De plus en plus, ce juriste ultra-conservateur, connu pour ses attaques verbales contre des membres démocrates du Congrès, est accusé de répliquer les abus de son agence lors de la grande vague anticommuniste du Maccarthysme, au début des années 50. Dans les campus, les recteurs ordonnent à leurs professeurs de surveiller leurs courriels. Les universités prestigieuses de Harvard et Columbia ont été directement attaquées par Trump. L’autre volet de l’appareil répressif trumpiste dénoncé par ses adversaires porte sur les pratiques illégales de ICE, le département de l’immigration. Rafles, arrestations arbitraires, détentions sans avocat, déportations. ICE est le cauchemar opaque du Trumpisme.

Non: Trump applique son programme

Tout était écrit, annoncé, répété, promis. Donald Trump n’a cessé d’affirmer, durant sa campagne présidentielle, qu’il arrêterait les migrants illégaux en masse, et que son administration organiserait des déportations de masse vers des pays d’accueil rémunérés pour ça, comme le Salvador. Des contacts officiels ont été pris, depuis un an par l’administration américaine avec le Soudan du Sud, l’Ethiopie et le Rwanda en vue d’y expulser des migrants venus de pays latino-américains. Cette politique s’accompagne du déploiement de l’armée et de la garde nationale à la frontière avec le Mexique. Deux zones militaires spéciales ont été créées: l’un au Nouveau-Mexique, l’autre au Texas.

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