Mort d'une légende
Robert Redford, l'homme qui défiait Trump sur grand écran

L'acteur américain décédé mardi à 89 ans avait toujours incarné des personnages rebelles et libres. Sa détestation de Donald Trump et de son agenda ultra-conservateur était pourtant aussi publique que politique.
Publié: 05:04 heures
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Robert Redford incarnait des contestataires et des cow-boys épris de liberté, comme ici dans Butch Cassidy and the Sundance Kind.
Photo: imago images/Cinema Publishers Collection
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Richard WerlyJournaliste Blick

Il n’en reste plus que deux. Deux autres légendes du cinéma, disposées à continuer le combat politique et cinématographique contre Donald Trump. Après la disparition, mardi 16 septembre, de Robert Redford, seuls Robert de Niro et Dustin Hoffman peuvent reprendre le flambeau du combat libéral et progressiste, face à la vague ultra-conservatrice MAGA (Make America Great Again). Mais ni l’un ni l’autre ne laisseront derrière eux, à coup sûr, ce même héritage cinématographique du rêve américain, fait de liberté, de grands espaces et de rébellion, intellectuelle ou criminelle.

Un héros américain

Robert Redford était, avec Paul Newman, son complice dans «Butch Cassidy et le kid» (1969), disparu en 2008, la quintessence de l’Américain séduisant et révolté. Tous ses films, de «L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux» (1998) à «Out of Africa» (1985) ou «Les hommes du président» (1976), le présentaient sous le jour du héros que rien n’arrête, parfois jusqu’à la mort. Rien à voir, en la matière, avec les guerres de revanche menées dans la jungle du Vietnam par un «Rambo» (1982) joué par Sylvester Stallone, aujourd’hui supporter zélé de Trump.

Robert Redford combattait soit pour la justice, soit pour un idéal, soit pour une quête effrénée d’absolu. «Brûlons la chandelle par les deux bouts. Elle peut bien fondre et brûler vite, pourvu qu’elle éclaire bien» lâche-t-il dans «Au milieu coule une rivière» (1992), ce film tourné dans le Montana avec un jeune espoir nommé Brad Pitt.

Bataille politique

Redford vs Trump. Ce duel-là n’était pas aussi frontal que la bataille politique menée, mois après mois, par Robert de Niro. Normal. L’acteur new-yorkais, pur produit de Manhattan, ne supporte pas l’ancien promoteur immobilier du Queen’s, contre lequel il se bat ouvertement. 

Robert Redford, décédé à 89 ans dans son ranch au bord de la rivière Provo, à la frontière entre l’Utah et le Nevada, au sud de Salt Lake City, ressemblait au festival de cinéma qu’il avait créé à Sundance, une localité proche: il croyait à l’audace d’un cinéma indépendant, capable de s’émanciper des magnats de Hollywood et des mafieux qui les entourent souvent. Le pouvoir qu’il incarnait à l’écran n’était pas celui d’un système qui domine et écrase, mais celui de l’homme qui le défie. 

Le pouvoir, souvent, d’un solitaire le dos au mur, acculé par la raison d’un Etat aveugle et prédateur comme dans «Les trois jours du Condor» (1975) dans lequel il joue un agent de la CIA traqué par ses pairs. Un rôle repris ensuite dans «Spy Game» (2001), le fil d’espionnage où il jouait Nathan Mui, l’agent vétéran qui, contre l’avis de sa hiérarchie à la CIA, vient au secours de son fils spirituel Tom Bishop (Brad Pitt), capturé, torturé et emprisonné par les Chinois.

Géant du cinéma

Donald Trump n’a guère commenté la disparition de ce géant du cinéma, Oscar du second rôle pour «Out of Africa», puis comme réalisateur en 1981 pour «Des gens comme les autres», et enfin récompensé par une statuette d’honneur en 2002. De Robert Redford, l’actuel président des Etats-Unis a juste reconnu qu’il avait fait des films formidables et qu’il avait été au top et le plus sexy «pendant toute une période», sans citer aucun film.

On pense pourtant, dans les convulsions de l’Amérique d’aujourd’hui, aux leçons des «Hommes du président», ce récit des investigations menées par les journalistes Bob Woodward et Carl Bernstein sur le scandale du Watergate qui fit tomber Richard Nixon, l’obligeant à démissionner en 1974. «Si tu veux le faire, fais-le bien. Si tu veux en faire la promotion, fais-le en t’appuyant sur des faits» lâche, devant la caméra, Robert Redford face à Dustin Hoffman. 

Une phrase qui pourrait être son épitaphe, à l’heure où les «fake news» n’ont jamais autant proliféré. Et n’ont jamais été autant exploitées par un certain Donald J. Trump.

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