Elon Musk l’a précédé. Avant que Donald Trump atterrisse au Royaume-Uni, ce mardi 16 septembre, les propos incendiaires du milliardaire américain en soutien de la manifestation anti-immigration du week-end dernier à Londres ont monopolisé l’attention des médias.
Va-t-on assister, de la part du président des Etats-Unis, à un semblant de réconciliation avec le Premier ministre travailliste Keir Starmer, honni par Musk et les idéologues du mouvement MAGA (Make America Great Again)? Ou va-t-on voir au contraire ce dernier défendre la droite nationale populiste britannique et ses deux leaders, Nigel Farage et Tommy Robinson?
Vague réactionnaire
Cette révolution MAGA est en route au Royaume-Uni. Donald Trump et les siens en sont convaincus. Bientôt dix ans après le référendum du 23 juin 2016 sur le Brexit, le Royaume-Uni est, pour les ténors de cette vague réactionnaire, mûr pour basculer à son tour.
Motif? Un rejet massif de l’immigration et des bateaux de migrants qui continuent d’accoster, après avoir traversé la Manche. Et une économie traditionnellement dépendante du grand frère américain. «Des actifs aux entreprises, des rues commerçantes à Internet, les investisseurs américains ont la mainmise sur l’économie britannique» écrivait, avant l’élection présidentielle américaine de novembre 2024, l’éditorialiste Will Dunn du magazine de gauche New Statesman.
La preuve selon ce journaliste? «Nulle part ailleurs les Etats-Unis n’ont affirmé leur domination économique aussi fortement qu’en Grande-Bretagne, où environ deux millions de personnes travaillent aujourd’hui pour des entreprises américaines. Des dizaines de milliards de dollars par an sont transférés outre-Atlantique sous forme de dividendes versés sur les bénéfices générés par le travail britannique, effectué pour le compte de propriétaires américains.»
L’Oncle Sam, ce parrain
Résultat: le royaume de Charles III est aujourd’hui le pays européen, sans doute le plus dépendant de l’Oncle Sam, même si son gouvernement travailliste en place depuis les législatives de juillet 2024 est dans le viseur de la droite nationale-populiste américaine. Plus grave: les ténors MAGA comme Elon Musk, l’activiste Steve Bannon ou le chef adjoint du cabinet de Trump à la Maison-Blanche Stephen Miller, entendent bien exploiter les fractures d’un pays où la droite radicale antieuropéenne a le vent en poupe.
Un an après sa première élection à la Chambre des communes (où il représente la circonscription de Clacton, dans l’Essex), l’homme-orchestre du Brexit Nigel Farage, chantre de la droite nationale populiste, est crédité dans les sondages de 37% d’opinions favorables, contre 27% pour Keir Starmer. Tommy Robinson, lui, surfe sur le succès de sa manifestation du 14 septembre, qui a réuni plus de 100 000 personnes à Londres. «L’anglophilie du mouvement MAGA s’est pleinement manifestée cet été, lorsque Trump a déclaré que l’Angleterre est au bord d’une «guerre civile» jugeait ce mardi le quotidien «The Times».
Un royaume ébranlé
La force du président des Etats-Unis, connu pour son admiration de la famille royale et du culte populaire qui l’entoure, est de débarquer dans un royaume ébranlé, politiquement fragilisé. «La promesse du Premier ministre de centre-gauche de mettre fin au chaos politique après 14 ans de règne conservateur a perdu de son éclat à la suite de décisions économiques impopulaires et du départ successif d’alliés clés depuis début septembre», note le média «Politico». «Keir Starmer est de plus en plus considéré comme un perdant politique, avec l’un des taux de popularité les plus bas parmi les dirigeants occidentaux.»
S’y ajoute le volet britannique de l’affaire Epstein. Un débat de trois heures a eu lieu ce mardi 16 septembre à la Chambre des communes sur les liens entre l’ambassadeur britannique aux Etats-Unis Peter Mandelson, récemment limogé, et le milliardaire Jeffrey Epstein, pourvoyeur de jeunes filles à des personnalités, parmi lesquelles le Prince Andrew, frère cadet du monarque.
Starmer, la chute
En bref, Keir Starmer ne ressemble plus au vainqueur qui, en février, s’était lié d’amitié avec Trump autour de leurs victoires électorales écrasantes respectives en 2024. Ses députés et ses ministres remettent en question en privé le jugement politique de leur chef.
La vice-Première ministre britannique Angela Rayner vient de démissionner pour ne pas avoir respecté les normes éthiques lors de l’achat récent d’une maison. La défense forcenée de l’Ukraine face à la Russie est un sujet qui divise dans l’establishment, autrefois accro à l’argent des oligarques russes du «Londongrad». Autant de fractures en forme de boulevard pour les thèses trumpistes, reprises à son compte par le parti Reform UK de Nigel Farage…
La force de Trump est qu’il va pouvoir, durant sa visite d’Etat centrée autour du palais de Windsor et de Chequers – la résidence secondaire du Premier ministre – jouer sur plusieurs leviers. Le premier est la traditionnelle dépendance militaire de Londres envers Washington, doublé d’une dépendance commerciale appréciée par le locataire de la Maison Blanche. Le Royaume-Uni, contrairement à l’Union européenne ou à des pays comme l’Allemagne et la France, accuse un déficit commercial annuel d’environ 7 milliards de dollars, ce qui lui a valu d’être mieux traitée que l’UE en matière de tarifs douaniers (10% contre 15%).
«Make Britain Great Again»
Second levier: les liens désormais personnels entre Elon Musk et Stephen Yaxley-Lennon, le vrai nom de l’activiste d’extrême-droite Tommy Robinson. Troisième levier enfin: la colère suscitée dans l’opinion britannique par une série de scandales impliquant des ressortissants d’origine pakistanaise, propice à l’aggravation des tensions communautaires.
Au récent congrès du parti Reform UK, les 5 et 6 septembre, l’influence américaine était indéniable. Casquettes «Make Britain Great Again», pin’s représentant l’éléphant du Parti républicain ou battes de de baseball avec un aigle et le slogan «Guns, God and Trump» (Armes, Dieu et Trump)…