La politique est une affaire de récit. Convaincre les électeurs suppose, dans nos démocraties, de déployer à la fois un lien direct avec eux, une capacité à s’emparer de leurs problèmes et une force de conviction.
C’est ce que faisait avec talent l’activiste Charlie Kirk, assassiné à 31 ans le 10 septembre sur un campus universitaire de l’Utah, alors qu’il donnait une conférence suivie par des centaines de jeunes. Et c’est ce que la droite radicale européenne réussit de plus en plus à faire, comme en témoigne la progression de ses résultats électoraux, ou de ses scores dans les sondages.
Vedettariat politique
Un élément toutefois diffère encore des deux côtés de l’Atlantique: l’aventure individuelle. Le vedettariat politique, hors du cénacle des personnalités élues. Le show-business du débat public, version jeune générations. Avec talent, et d’une façon entrepreneuriale typiquement américaine, Charlie Kirk incarnait cela avec son mouvement Turning Point USA. Il se voulait le porte-parole d’une lame de fond idéologique, destinée selon lui à bouleverser nos sociétés bien au-delà des institutions.
Charlie Kirk, pour faire bref, était un croisé des valeurs ultra-conservatrices. Il avait, sur son nom, réuni ce qui fait le succès d’une entreprise politique: des sponsors fortunés, une notoriété cultivée sur les réseaux sociaux, et une dimension polémique assurée de faire le «buzz».
Jeunesse populaire
La droite nationale populiste européenne, rétrospectivement, ne peut que s’inspirer de cet exemple. D’autant que tous les sondages prouvent l’augmentation de sa part de marché politique au sein d’une jeunesse pas seulement populaire, inquiète, désireuse de retrouver des valeurs et, pour une part, pressée d’en découdre avec la gauche.
En France, Jordan Bardella incarne sur le plan politique cette jeunesse droitière. En Italie, Giorgia Meloni, aujourd’hui au pouvoir, a longtemps joué ce rôle d’égérie au sein de son parti «Fratelli d’Italia». Mais pour le reste, les jeunes talents manquent. Tommy Robinson, le nouveau chantre de l’extrême droite britannique, a 41 ans. Gert Wilders, le flamboyant chef du parti néerlandais de la liberté, a 62 ans. L’Espagnol Santiago Abascal, du parti Vox, a 49 ans. Alice Weidel, la patronne de l’AFD allemande, a 46 ans. Où sont les leaders étudiants? Où sont les stars des campus? Où sont, pour résumer, les Greta Thunberg de la droite dure?
Déferlante réactionnaire
Ces questions sont cruciales pour le paysage politique européen. Car si Charlie Kirk fait des émules, la déferlante réactionnaire venue des Etats-Unis sera encore plus difficile à contrer. Tous les adversaires de cette mouvance doivent donc s’y préparer. Le combat politique décisif de demain sera celui que les moins de 30 ans vont mener dans les années à venir. On les dit, en Europe, peu intéressés par la politique, désabusés, éloignés des urnes.
L’exemple de Charlie Kirk montre que ce n’est pas fatal. Bien au contraire. La droite radicale européenne, et tous ceux qui luttent pour éviter qu’elle n’accède au pouvoir, doivent d’emblée décortiquer le parcours de ce talent politique dont les obsèques quasi nationales, au pays de Donald Trump, seront célébrées le 21 septembre en Arizona.