La nouvelle stratégie de sécurité de l'administration Trump fait déjà du bruit. Le président américain explique: «Notre objectif devrait être d'aider l'Europe à corriger sa trajectoire actuelle.» Mais qu'est-ce que cela signifie réellement? Trump fait l'éloge des partis d'extrême droite, prône la limitation de l'immigration et encourage les Européens blancs à se reproduire.
Trump envoie les premiers signaux qui montrent qu'il veut appliquer son plan «Make America Great Again» à l'Europe. Son influence devrait donc se poursuivre, avec des conséquences douloureuses pour l'Europe.
Dans cette stratégie de sécurité nationale publiée la semaine dernière, l'administration américaine se réjouit de la montée en puissance des partis de droite radicale en Europe. «L'influence croissante des partis patriotiques européens incite en effet à l'optimisme», peut-on lire.
L'AfD est couverte de louanges
Si aucun nom de parti n'est clairement cité, il ne fait aucun doute de savoir à quels partis fait référence la Maison Blanche. Il s'agit tout d'abord de l'Alternative für Deutschland (AfD), que le vice-président américain J. D. Vance qualifie de sauveur de l'Allemagne. L'AfD est devenu le premier parti d'Allemagne dans les sondages, avec 26% des votes. Le député européen de l'AfD, Petr Bystron, jubile face aux éloges de Washington: «C'est une reconnaissance directe de notre travail.»
L'Office allemand de protection de la Constitution classe le parti comme un «cas suspect» d'extrême droite en raison de «son caractère extrémiste qui méprise la dignité humaine». Les quelque 10 millions d'électeurs de l'AfD ne se reconnaissent pas nécessairement à la mouvance d'extrême droite. Mais des recherches menées par la radio bavaroise montrent que l'AfD emploie plus de 100 personnes issues des milieux d'extrême droite parmi ses 500 collaborateurs au Bundestag.
Outre l'AfD, Trump fait probablement référence, en parlant de «partis patriotiques», au FPÖ autrichien, au Rassemblement national français, au PVV néerlandais ou encore au Fidesz hongrois. Ce sont tous des partis qui évoluent à l'extrême droite. Et la liste pourrait encore s'allonger.
Un plan antidémocratique
Norbert Röttgen, spécialiste de la politique étrangère de la CDU, qualifie le document de Trump de «deuxième tournant pour l'Europe», le premier faisant référence à la guerre en Ukraine. Et d'ajouter: «La stratégie se retourne contre les démocraties européennes, dont la structure interne se voit activement modifiée par la politique étrangère américaine.»
Une chose est sûre: il y aura des changements. La question est de savoir jusqu'où ils iront et à quel point ils seront radicaux. Trois phases sont plausibles. La première phase de bouleversement a déjà commencé. C'est celle durant laquelle la montée en puissance des partis d'extrême droite met les gouvernements européens en difficulté, ou les divise.
Une Europe divisée
Dans la deuxième phase, les divergences au sein de l'UE pourraient s'accentuer fortement. D'un côté, il y aurait un noyau dur européen, de l'autre, des Etats un peu à part – comme ceux qui soutiennent la Russie. C'est le cas de la Hongrie et de la Slovaquie, mais le vent pourrait également tourner en République tchèque, en Roumanie, en Bulgarie et en Pologne. L'aide à l'Ukraine serait donc menacée.
Ce changement pourrait déboucher sur une troisième phase. Celle-ci, guidée par le modèle autoritaire de Trump, conduirait à un démantèlement des normes de l'Etat de droit et finirait par diviser profondément l'UE. Les lois et les tribunaux européens, la libre circulation des personnes, les sanctions contre les criminels de guerre – tout deviendrait caduc.
Trump prend déjà les choses au sérieux
Trump exige de l'Europe, entre autres, la limitation de l'immigration et l'ouverture du marché aux produits américains. Si ses exigences sont ignorées, le président américain menace de se détourner de l'Europe et de coopérer encore plus intensément avec la Russie.
Trump entend montrer qu’il ne bluffe pas lorsque son plan est contrarié. Il a lancé une action en justice de plusieurs milliards de dollars contre la BBC à Londres et a sanctionné des juges de la Cour pénale internationale à La Haye pour avoir voulu s’en prendre à des groupes technologiques américains.
Si dans son document Trump parle gentiment d'«aider l'Europe à corriger sa trajectoire actuelle», le milliardaire de la tech, Elon Musk, ne prend pas les mêmes pincettes. Après sa réconciliation avec le président américain, le patron de Tesla relaie ouvertement ce qui se dit sur l'UE dans l'entourage de Trump. En raison d'une amende contre X, il a écrit sur sa plateforme: «L'UE devrait être abolie.»
Mais quel que soit le ton employé par les Américains, une chose semble se confirmer: l'Europe s'apprête à vivre une période compliquée et forte en rebondissements.