Quelles garanties de sécurité donner à l’Ukraine pour la protéger de toute nouvelle attaque russe? De la réponse à cette question, dans les prochains jours, dépendra la possibilité de conclure ou non un accord de cessez-le-feu pour la période de Noël. Ces garanties, on le sait, doivent d’abord venir des Etats-Unis, dont les Européens exigent l’implication. Mais dans les faits, au quotidien, c’est justement aux Européens que va revenir le rôle de bouclier face à Moscou. Un bouclier qui devra être à toute épreuve, au risque que les Russes le testent au moins sur cinq plans.
Les Européens ont promis de déployer autour de l’Ukraine une force militaire de «réassurance», susceptible d’intervenir si la Russie agresse de nouveau son voisin. Mais quid du front? Qui va assurer la surveillance de la probable zone démilitarisée, qui ressemblera fort à celle qui coupe en deux la péninsule coréenne depuis 1953? Or le dérapage peut vite donner lieu à un engrenage. Quelles seront les conditions d’engagement et de riposte du contingent européen si des combats surviennent, mais s’il ne s’agit pas d’un assaut en bonne et due forme? Le risque est réel de voir l’armée russe tester les garanties de sécurité par des attaques locales, ciblées, par exemple à l’aide de drones. La Suisse, qui assurera en 2026 la présidence de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), devrait se retrouver directement impliquée dans l’élaboration d’un code de conduite dans cette zone démilitarisée de plus d’un millier de kilomètres.
La défense antiaérienne et la défense antidrones sont deux points clés de ces futures garanties de sécurité. C’est une différence essentielle avec ce qui s’est passé en 2014, au lendemain de l’annexion de la Crimée par la Russie. La guerre des drones n’était alors en rien comparable avec ce qu’elle est aujourd’hui. La guerre en Ukraine a en effet montré à quel point une poignée d’aéronefs télécommandés peuvent paralyser une ville entière. A contrario, la Russie dépend des frappes à longue portée contre les villes et les infrastructures. Quelles ripostes seront prévues par les Européens? Auront-ils la responsabilité de la police du ciel?
Les attaques contre des navires russes sont devenues une spécialité de la marine ukrainienne, qui maîtrise fort bien la technologie des drones navals. Or comment s’assurer que des opérations de ce type ne seront plus menées? Les garanties de sécurité ne peuvent pas se contenter, sans plus de précisions, d’évoquer un dispositif comparable à l’article 5 qui protège les pays membres de l’OTAN sur terre, dans les airs et en mer. L’avantage tactique, pour les Européens, est qu’il est possible de patrouiller en mer Noire. Y déploieront-ils des navires de guerre?
Le pire serait une formulation ambiguë de la future solidarité avec l’Ukraine en cas de nouvelles attaques. D’accord, les Européens seront déployés aux frontières de l’Ukraine. Mais qui commandera leur intervention si une offensive russe survient, avec les risques élevés de pertes humaines? Où s’arrêtera la limite possible d’intervention des troupes au sol, aux côtés de l’armée ukrainienne forte de 800'000 soldats (le nouveau seuil fixé dans les négociations)? L’interprétation de l’article 5 de l’OTAN est aussi sujette à caution. Il prévoit «qu’une attaque armée contre un pays membre de l’OTAN sera considérée comme une attaque dirigée contre tous, et que chaque membre est tenu de venir en aide au pays visé». «Etre tenu de riposter», cela ne dit pas comment on riposte…
Les Européens ont clairement exigé que les Etats-Unis apportent à l’Ukraine de solides garanties de sécurité. Ils semblent y être parvenus et le sujet sera sur la table lors du Conseil européen du 18 décembre à Bruxelles. Mais peut-on être sûr de la parole de Washington tant que Donald Trump est président? Si la Russie lançait une frappe aérienne, qui autoriserait une interception, et jusqu’où un pays contributeur serait-il prêt à aller pour engager des cibles hostiles? Les Ukrainiens ont besoin d’engagements fermes, juridiquement contraignants, capables de dissuader la Russie et assortis de conséquences militaires létales, surtout s’ils renoncent à adhérer à l’OTAN. Pour rappel, l’Ukraine avait, en 1994, renoncé aux armes nucléaires héritées de l’Union soviétique en échange d’assurances de la Russie, des Etats-Unis et du Royaume-Uni garantissant le respect de sa souveraineté et de ses frontières. C’était le «Mémorandum de Budapest». On connaît le résultat…