Créée par un adolescent, une simulation de jardinage bat des records de fréquentation au sein de la plateforme américaine de jeu vidéo «Roblox», réunissant jusqu'à plus de 21 millions de joueurs en simultané. Des chiffres rarement observés dans l'industrie, qui traduisent la place prépondérante prise par certaines plateformes.
«Vous n'avez sans doute jamais entendu parler de 'Grow a Garden' ('Faites pousser un jardin') et c'est pourtant le plus gros jeu vidéo du moment», résume pour l'AFP Dom Tait, analyste du cabinet britannique spécialisé Omdia.
Avec plus de 21 millions de joueurs connectés en même temps le 21 juin, il a battu le record détenu par son concurrent «Fortnite», et ses 15 millions de joueurs en simultané fin 2020, lors d'un événement mettant en scène des personnages de l'univers Marvel.
«C'est un nombre énorme», reconnait Dom Tait, même si certains succès comme «Honor of Kings», très populaire en Chine, communiquent peu à ce sujet. Prisé par les enfants et les adolescents, «Roblox», sorti en 2005 et désormais disponible sur quasiment toutes les consoles et sur mobile, s'est depuis transformé en une plateforme en ligne où les joueurs peuvent créer leurs propres jeux et essayer ceux des autres.
Un petit prodige à l'origine
Gratuit, son modèle économique est soutenu par les achats d'objets et d'éléments cosmétiques à l'intérieur du titre. C'est dans ce terreau fertile qu'est arrivé fin mars «Grow a Garden», petit jeu initialement développé par un adolescent – dont on sait peu de choses – et qui invite les joueurs à se procurer puis planter des graines virtuelles, parfois payantes.
«Il a littéralement créé le jeu en trois jours», a confié au site spécialisé Game File Janzen Madsen, à la tête du studio Splitting Point, qui a rapidement mis la main sur «Grow a Garden» pour le gérer et le développer. Contactés par l'AFP, Janzen Madsen et Splitting Point n'ont pas donné suite.
Pour Dom Tait, le succès de ce jeu aux graphismes sommaires et aux mécaniques basiques s'explique par son aspect chaleureux et réconfortant. «Il y a ni danger, ni menace. On se contente de faire des choses dans son jardin et vivre une expérience agréable», assure l'analyste, pointant également la satisfaction que procure l'évolution du jardin, même lorsque le joueur n'est pas connecté.
Cette proposition rappelle celle de «Animal Crossing», simulation de vie dans un village peuplé d'animaux mignons et titre refuge de nombreux joueurs lors du premier confinement en 2020.
Le site spécialisé Gamediscover souligne également la facilité de la prise en main, sur une plateforme où les moins de 13 ans représentent près de 40% des utilisateurs en 2024, selon Roblox Corporation.
S'il est difficile de savoir combien «Grow a Garden» a rapporté à ses développeurs, Dom Tait rappelle que les créateurs les plus populaires «reçoivent environ 70% de l'argent dépensé (par les joueurs), Roblox prenant le reste».
Sur son site, l'entreprise américaine affirme avoir versé à l'ensemble des créateurs 923 millions de dollars (795 millions d'euros) en 2024. Ces sommes très conséquentes démontrent le poids qu'ont pris les mastodontes comme «Roblox» et «Fortnite», respectivement 350 et 100 millions de joueurs mensuels, dans l'industrie du jeu vidéo.
«Ces deux plateformes offrent une audience massive, aussi importante que celle d'une console, et de formidables opportunités aux créateurs», a souligné Tim Sweeney, le PDG d'Epic Games – l'éditeur de «Fortnite» –, dans une récente interview au site The Game Business.
Pour Dom Tait, «on sent clairement un peu de nervosité dans l'industrie à l'idée que 'Roblox' puisse accaparer un public qui aurait normalement dépensé des centaines d'euros dans une nouvelle console ou de nouveaux jeux».
Au-delà de son succès, cette plateforme essuie aussi régulièrement des critiques. Fin 2024, la société américaine de recherche en investissements Hindenburg Research avait ainsi publié un rapport l'accusant de gonfler ses chiffres de fréquentation et de ne pas suffisamment protéger ses utilisateurs des prédateurs sexuels. En réponse, Roblox avait dénoncé des «allégations trompeuses» et assuré disposer «d'un ensemble solide de mesures de sécurité» pour «détecter et prévenir les activités malveillantes ou nuisibles».