Donald Trump n’est plus le seul héros de l’Amérique MAGA. Le président des Etats-Unis, chantre du mouvement «Make America Great Again» qui l’a de nouveau porté à la Maison-Blanche le 5 novembre 2024, partage désormais la vedette avec un martyr: le défunt activiste Charlie Kirk, assassiné à 31 ans le 10 septembre sur un campus universitaire de l’Utah, dont les obsèques auront lieu ce dimanche à Glendale, en Arizona. Lors de la campagne présidentielle de 2024, cet Etat clé (swing state) avait basculé pour Trump en partie grâce à l'offensive populaire du jeune orateur.
Ce meurtre politique, après l’attentat raté contre Donald Trump à Butler, en Pennsylvanie, le 13 juillet 2024, est peut-être en train de changer la donne politique aux Etats-Unis. Erigé en martyr, victime selon ses partisans de l’extrémisme de la gauche radicale – même si le CV du tueur présumé, Tyler Robinson, 22 ans, reste très confus sur son background politique et ses motivations – Charlie Kirk apporte au locataire de la Maison-Blanche ce qui lui manquait pour consolider son emprise sur le pays: un argument pour traquer les activistes libéraux sur les campus, pour s’en prendre aux médias qui le défient, et pour présenter son mouvement comme une croisade morale investie d'une mission quasi-divine de défense des valeurs américaines et de la liberté d'expression. Et ce, pile un an avant l’échéance cruciale des élections législatives de mi-mandat, en novembre 2026.
Jeunesse américaine
Charlie Kirk avait le profil idéal pour incarner l’avenir, cette mission si compliquée pour un président âgé de 79 ans depuis le 14 juin. Le jeune prêcheur MAGA, spécialisé dans la défense des valeurs ultra-conservatrices lors de débats trés suivis dans les campus universitaires, mais aussi influenceur très écouté grâce à son podcast «The Charlie Kirk Show» et à son mouvement «Turning Point USA», s’adressait d’abord à la jeunesse américaine. Son épouse Erika Kirk, ancienne Miss Arizona 2021, apportait en plus à son mari une touche féminine et populaire, qui lui vaut aujourd’hui de reprendre le flambeau de son mouvement. Mieux: Charlie Kirk avait réuni sur son nom d’importants soutiens financiers de riches donateurs conservateurs, après avoir fustigé les géants de la tech et de la Silicon Valley, souvent acquis au parti Démocrate. Une manne indispensable, en vue de la prochaine bataille électorale des «mid terms».
Caméras du monde entier.
Dans le State Farm Stadium de Glendale en Arizona, où Donald Trump sera présent et interviendra devant une foule estimée (à l’intérieur et à l’extérieur) à environ 100'000 personnes ce dimanche, c’est aussi l’histoire américaine qui aura rendez-vous devant les caméras du monde entier.
Jusque-là, les personnalités politiques assassinées, aux Etats-Unis, étaient presque tous des libéraux en butte, soit à la sécession du pays et à l’esclavage comme le président Abraham Lincoln (15 avril 1865), soit à un complot jamais élucidé comme John F. Kennedy (22 novembre 1963), soit au racisme comme Martin Luther King (4 avril 1968), soit à une campagne de haine comme Robert Kennedy (6 juin 1968). Le président républicain Ronald Reagan, premier défenseur du slogan Make America Great Again, avait lui échappé aux balles de son agresseur, le 30 mars 1981. La droite américaine, favorable à la libre circulation des armes à feu, n’avait donc pas de «martyr». C'est ce rôle mémorial que joue Charlie Kirk, avec la force des images puisque son meurtre a été filmé en direct, alors qu'il s'exprimait dans l'enceinte de l'Utah Valley University.
Jimmy Kimmel limogé
Le plus important est surtout ce que ce martyr offre comme plate-forme à Trump et à ses partisans: l'occasion inespérée de se présenter comme les défenseurs de la liberté d'expression et du premier amendement de la Constitution américaine qui la défend. Tout en formulant un avertissement à tous ceux qui dénoncent ou mentionnent les déclarations problématiques de Charlie Kirk (sur les Noirs, sur les homosexuels...): s'en prendre à un martyr est inacceptable. C'est ce qui vient d'entrainer, par exemple, le limogeage de l'animateur de télévision Jimmy Kimmel par le réseau de la chaine ABC qui diffusait son talk-show du soir depuis 2003.