Objectif: la paix par la force
Jusqu'où peut aller Trump, le surpuissant président MAGA?

Le président des Etats-Unis a fait cette nuit l'étalage de la surpuissance militaire de son pays. Les frappes contre les sites nucléaires iraniens ne règlent pas toutefois une question: la force peut-elle accoucher de la paix?
Publié: 11:39 heures
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Dernière mise à jour: 16:48 heures
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A Tel Aviv, les remerciements à Donald Trump de la population israélienne s'affichent en grand format.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le 47e président des Etats-Unis vient de démontrer que son pays est bien la première puissance militaire mondiale. En lançant cette nuit contre les bases nucléaires iraniennes ses bombardiers B52 et B2 Spirit, armés des bombes GBU-57 de 13 tonnes capables de s’enfoncer jusqu’à 60 mètres de profondeur, Donald Trump a fait étalage d’une force incomparable.

Partis du Missouri, à dix-huit heures de vol de Téhéran, ravitaillés en vol puis repartis de l’espace aérien iranien sans dommage, ces appareils aux performances inégalées, appuyés par des sous-marins confirment que Washington a des moyens incomparables. Au total, 75 missiles de précisions et 14 bombes anti bunker, «utilisées pour la première fois de manière opérationnelle» ont été larguées selon le Pentagone. Ce qui constitue, de facto, un avertissement de taille aux pays considérés comme un danger immédiat par l’administration américaine.

MAGA dans la «situation room»

La question, maintenant, est de savoir jusqu’où peut aller le surpuissant locataire de la Maison Blanche, qui arborait cette nuit dans la «situation room» sa fameuse casquette rouge flanquée du slogan MAGA, pour «Make America Great Again» (Rendre à l’Amérique sa grandeur). Va-t-il, si le régime iranien ne capitule pas au moins sur la poursuite de son programme atomique, relancer des bombardements sur d’autres cibles comme il a menacé de le faire?

Va-t-il doter l’aviation israélienne des fameuses bombes GBU-57 qui lui permettrait, seule, de poursuivre la guerre dans un ciel iranien complètement sous son contrôle pour s’assurer que Téhéran n’aura jamais l’arme atomique? Ou bien va-t-il, en cas de concession de Téhéran, se transformer en architecte d’une nouvelle «pax americana» dont on peine à voir les contours, tant elle semble à ce stade écarter la possibilité pour les ayatollahs de demeurer au pouvoir?

Réponse pragmatique

La réponse, comme toujours avec Trump, sera pragmatique et décidée en fonction de ce que chaque scénario peut lui apporter. On sait que le président des Etats-Unis a remporté son élection le 5 novembre 2024 en promettant d’en finir avec les guerres, en Ukraine comme à Gaza. Promesses abandonnées depuis… On sait aussi qu’il s’est investi, avec succès, dans deux négociations destinées à stopper un engrenage d’hostilités, entre le Pakistan et l’Inde d’une part, et entre la RD Congo et le Rwanda d’autre part.

L’intéressé est enfin parfaitement conscient que sa base électorale MAGA, cet électorat populaire avant tout pressé de retrouver une économie prospère et de débarrasser les Etats-Unis des immigrants illégaux, est résolument isolationniste. D’accord, peut-être, pour tenter d’accaparer les ressources minières du Groenland ou le Canada. Mais pas question de redevenir, avec les risques que cela entraîne, le gendarme du monde, façon Afghanistan ou Irak des années 2000.

Les bons scénarios

Quels sont, dès lors, les bons scénarios pour ce président MAGA qui, après avoir abandonné l’idée de restaurer la paix en Ukraine, doit maintenant réussir à faire basculer le Moyen-Orient dans une nouvelle ère? Il n’y en a en fait qu’un seul, très improbable à ce stade, au vu des tirs de missiles matinaux de Téhéran contre Israël ce dimanche matin: celui qui verrait le Guide suprême iranien Ali Khamenei demander une négociation directe avec Washington.

Trump pourrait alors revêtir son costume de pacificateur qu’il avait promis d’endosser. Il pourrait aussi en profiter pour relancer l’idée d’une rencontre avec Vladimir Poutine, ultime allié de Téhéran. L’Arabie saoudite voisine ou le Qatar, puissances sunnites qui détestent l’Iran chiite mais ne veulent pas voir une victoire totale de l’Etat hébreu, pourraient offrir leurs «bons offices». Un remodelage de la région deviendrait possible, sous le signe d’un Israël invulnérable et du dollar roi. Ce qui est difficile à croire aujourd’hui…

Feu vert total à Netanyahu

Tous les autres scénarios, à l’inverse, risquent de mettre Donald Trump en difficulté, soit en l’obligeant à s’engager plus avant dans le conflit, soit en accordant un feu vert total à Netanyahu plus chef de guerre que jamais. Riposte iranienne contre les bases militaires américaines dans la région, attentat naval dans le détroit d’Ormuz, refus obstiné des ayatollahs de céder leur droit à un programme nucléaire… Toutes ces options, si elles devaient se matérialiser, apparaîtraient comme un affront à la volonté de Trump. Plus grave: s’il avérait que son annonce de la destruction totale des sites nucléaires iraniens n’est pas conforme à la réalité, sa crédibilité serait en cause. Le président qui croyait ramasser la mise avec ces bombardiers B2 se trouverait alors dans l’obligation de renchérir et de prendre encore plus de risques.

Le scénario Saddam Hussein

Jusqu’où peut aller Donald Trump? Sa tentation naturelle, vu le silence actuel des pays arabes, sera sans doute, comme à Gaza, de laisser Israël faire le «sale boulot» jusqu’au moment où le régime iranien sera considéré comme durablement affaibli, voire brisé. C’est exactement ce que les Etats-Unis avaient fait en 1991 avec l’Irak de Saddam Hussein, lors de la première guerre du Golfe, suite à son invasion du Koweït. Le dictateur avait été mis sous isolement complet et désarmé. Son espace aérien était quadrillé. Jusqu’à ce que George W. Bush, en 2003, décide d’en finir sous des prétextes fallacieux. Et si cette histoire, funeste et en violation totale du droit internationale, était en train de se répéter sous nos yeux?

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