Donald Trump a donc pris tous les risques. D’abord celui d’annoncer la destruction totale des sites nucléaires iraniens visés par les bombardiers furtifs B2 de l’US Air Force, après les frappes nocturnes sur les installations de Fordo, Natanz et Ispahan. Ensuite, celui d’obtenir, ni plus ni moins, une reddition consécutive du régime Iranien qui reste menacé par de nouvelles attaques.
«Soit la paix règne, soit la tragédie pour l’Iran sera bien plus grave que celle que nous avons connue ces huit derniers jours a-t-il déclaré cette nuit. N’oubliez pas qu’il reste de nombreuses cibles. Celle de ce soir était de loin la plus difficile et peut-être la plus meurtrière. Mais si la paix n’est pas rapidement atteinte, nous nous attaquerons à ces autres cibles avec précision, rapidité et habileté», a déclaré Trump lors de son premier discours officiel après les attaques.
Ces deux risques mettent non seulement l’Iran, mais toute la région et surtout Israël à l’épreuve. Donald Trump, en frappant les sites nucléaires, impose aussi sa loi au Moyen-Orient et démontre aux Européens que leurs velléités de négociation avec Téhéran ne valent rien pour la Maison Blanche. Alors, dans quel monde nous réveillons-nous ce dimanche 22 juin? Dans un monde qui ressemble à cela.
L'Iran, condamné à capituler
La logique des frappes décidées par Donald Trump est implacable: le régime de Téhéran doit maintenant capituler. Sous quelle forme et comment? Difficile à dire. Dans sa brève allocution, le président des Etats-Unis a exigé que «la paix règne», sinon il déclenchera de nouvelles attaques. Cela signifie-t-il qu’il attend du Guide suprême iranien Ali Khamenei une déclaration officielle d’abandon du programme nucléaire? Cela veut-il dire que l’Iran doit s’engager à faire la paix avec Israël? Pour l’heure, ces deux objectifs semblent inatteignables à court terme. A l’inverse, si l’Iran riposte comme il le promet, un redoutable engrenage se mettra en place. Redoutable, parce que rien ne permet de prédire aujourd’hui un changement de régime pacifique dans le pays.
Israël, vainqueur fragile
La victoire israélienne est paradoxalement à la fois totale et très fragile. Totale, parce que Benjamin Netanyahu a obtenu ce qu’il a voulu réaliser toute sa vie: le démantèlement durable du programme nucléaire iranien, réalisé avec le soutien militaire sans faille des Etats-Unis. Fragile, parce qu’Israël se retrouve dans la position du pays qui viole impunément le droit international, en s’arrogeant le droit de déclencher une guerre préventive. Jusque-là, les voisins arabes de l’Iran ont laissé faire. Mais le temps ne joue pas en faveur de l’Etat hébreu, en guerre sur plusieurs fronts, et aux prises avec une colère mondiale qui pourrait, partout, mettre en danger ses ressortissants.
Donald Trump, chef de guerre MAGA
La posture de Donald Trump n’a plus rien à voir avec celle promise durant sa campagne électorale. Même s’il promet toujours la paix, le président des Etats-Unis est désormais un chef de guerre qui a, cette nuit, envoyé trois messages au monde entier. Message n° 1: n’attendez pas de lui la moindre prise de distance avec Israël, dont il défendra toujours bec et ongles les intérêts. Message n° 2: le Moyen-Orient est désormais sa priorité, et l’Ukraine sort de son radar. Message n° 3: Ceux qui accepteront la «pax americana» en Iran seront bien traités par son administration et ils pourront sans doute en tirer des bénéfices. Vladimir Poutine, Xi Jinping et Recep Tayip Erdogan sont prévenus.
Les pays arabes doivent se taire
Ce pari-là semble en partie atteint: compte tenu de la fracture entre sunnites et chiites dans le monde arabe et musulman, l’isolement de l’Iran dans cette crise s’est avéré maximal. Seule la Turquie de Recep Tayip Erdogan a mis en garde contre une escalade – désormais avérée – et contre les conséquences migratoires d’un chaos en Iran. La question, maintenant, est de savoir jusqu’où les pays de la région peuvent tolérer le pilonnage des cibles iraniennes, qui ne seront plus «nucléaires» puisque les installations présumées d’enrichissement d’uranium sont détruites. Se taire? S’aligner sur une paix régionale dictée par Israël?
Les Européens, hors jeu et menacés
L’ultime tentative des Européens de raviver une négociation avec l’Iran, ce vendredi 20 juin à Genève, est réduite à néant. Et toutes les conséquences de la crise au Moyen-Orient, de la hausse des cours du pétrole aux problèmes de trafic maritime en passant par de possibles flux migratoires, se feront d’abord sentir en Europe. La Turquie a déjà prévenu qu’elle laisserait passer les Iraniens qui quittent leur pays.
L’entrée de l’Iran dans une crise durable, synonyme de chaos régional, est la pire des perspectives pour un Vieux Continent déjà bousculé par la guerre en Ukraine, que Vladimir Poutine ne va bien sûr pas arrêter. Le sommet de l'OTAN qui aura lieu les 24 et 25 juin à La Haye sera celui d'une Amérique impériale, qui exige de ses alliés une soumission. Ni plus, ni moins.