Les Européens avaient été prévenus. Vendredi 20 juin, dès la fin, de la première séance de négociations entre le ministre iranien des Affaires étrangères et ses homologues français, allemands et britanniques, Donald Trump avait dit «no». Pas question de laisser l’Iran entamer une nouvelle partie diplomatique. C’est avec les Etats-Unis que les ayatollahs doivent traiter. Une réalité que les frappes américaines sur les sites nucléaires viennent de confirmer cette nuit: seul Washington peut décider de l’issue de la guerre aérienne déclenchée par Israël.
Unilatéralisme américain
Cet unilatéralisme des Etats-Unis, déjà à l’œuvre à propos de l’Ukraine, est donc sans appel. Et il sera le mot d’ordre, à n’en pas douter, du prochain sommet de l’OTAN qui se tiendra les 24 et 25 juin à La Haye, aux Pays-Bas. S’il confirme sa présence à cette réunion annuelle de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, crée en 1949 pour défendre l’Europe et les démocraties occidentales face à l’ex-URSS, Donald Trump n’y viendra que pour ramasser des lauriers. Son objectif unique sera de remplir le carnet de commandes pour les industries de défense américaines. Avec pour argument massue la montée des menaces qu’il contribue lui-même à attiser…
Une fois cette vérité énoncée, les Européens se retrouvent donc, au lendemain des frappes sur les sites nucléaires iraniens, face à leur manque de moyens, de courage et de solutions à proposer. Un programme inquiétant à la veille du sommet des dirigeants des 27 pays membres de l'Union européenne tiendront dans la foulée, jeudi 26 et vendredi 27 juin.
Côté moyens, aucune armée européenne n’est aujourd’hui en capacité de rivaliser avec la sophistication, la précision, et l’efficacité de l’alliance aérienne entre les Etats-Unis et Israël.
Côté courage, aucun gouvernement européen ne peut prendre le risque d’entraver les décisions de l’administration Trump dont l’assistance en matière de renseignements reste indispensable sur ce théâtre décisif qu’est l’Ukraine. Côté solutions enfin, les Européens ont prouvé, sur l’Ukraine et l’Iran, que leurs offres diplomatiques, aussi légitimes et fondées soient-elles, n’aboutissent pas si Washington maintient fermée la porte de possibles négociations.
Tableau sombre
Ce tableau sombre est en plus assorti d’un chantage financier. Trump a déjà averti que seuls les pays membres de l’OTAN – ce qui n’est pas le cas de la Suisse – capables de consacrer 5% de leur produit intérieur brut (PIB) à la défense seront considérés comme de «vrais» alliés. Avec pour conséquence de déclencher, entre les 31 pays membres, une compétition malsaine et une ruée vers les fournisseurs américains de matériel de guerre.
La volonté de mettre sur pied une industrie crédible de défense européenne, soutenue en théorie par la France et l’Allemagne sur la base d’un plan présenté par la Commission européenne, s’en retrouve immanquablement fragilisée. Dépenser ensemble demain pour acheter des armements européens demeure un objectif pieux, tandis que les arsenaux du Vieux Continent vont d’abord se remplir de commandes «Made in USA».
Pas sortie du jeu, mais…
L’UE n’est pas sortie du jeu mondial. Elle demeure, par sa puissance économique et son marché, un acteur indispensable, aussi bien pour Donald Trump que pour Israël ou les pays arabes. Lesquels ont dans leurs mains le sort d’un Moyen-Orient aux allures de brasier.
Le problème est que cette Europe et ses partenaires les plus proches, Suisse incluse, n’ont aujourd’hui pas d’autres options que de jouer les seconds rôles. Elle garde une force de proposition. Ses sanctions économiques font mal à la Russie. Elle a raison de défendre le droit international. Mais elle sait, après les frappes de cette nuit sur l’Iran, qu’elle est prisonnière du monde selon Trump.