Il n'y a pas grand-chose qui fasse peur au Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu. Mais la mise à l'écart de l'ayatollah Ali Khamenei, le Guide suprême de la Révolution islamique iranienne, est manifestement un peu trop compliquée – pour le moment. Vendredi, Israël aurait apparemment eu la possibilité d'éliminer le chef d'Etat iranien au pouvoir depuis 1989. Mais le président américain Donald Trump y a opposé son veto, comme le rapporte l'agence de presse Reuters.
Trump compte en effet sur des négociations avec l'ayatollah concernant le programme nucléaire iranien. Si Benjamin Netanyahu décide toutefois d'éliminer le Guide suprême de la révolution des mollahs, même sans la bénédiction des Etats-Unis, l'Iran ne sera plus le même. Le président américain a tout de même menacé indirectement le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei. «Nous savons exactement où se cache le soi-disant guide suprême», a écrit Trump sur la plateforme Truth Social. «Il est une cible facile». Mais pour l'instant, Khamenei y est en sécurité.
En attendant, trois scénarios sont possibles après la mort de Ali Khamenei: un scénario déprimant, un scénario féerique et un scénario terrible.
1) L'Iran resterait comme avant
A 86 ans, Ali Khamenei est le cinquième chef d'Etat le plus âgé au monde. Il n'est donc pas étonnant que le conseil d'experts chargé d'élire le Guide de la révolution iranienne s'active déjà en coulisses pour trouver un éventuel successeur. L'ancien président Ebrahim Raisi a longtemps été considéré comme un candidat prometteur, jusqu'à ce qu'il décède dans un accident en hélicoptère en mai 2024. Actuellement, Modschtaba Khamenei, le deuxième fils aîné de l'ayatollah, et Sadegh Laridjani, un proche conseiller de Ali Khamenei, se disputent la pole position.
Mais la mort du Guide suprême Ali Khamenei serait un «moment de crise» pour le système iranien, même avec un successeur qui maintiendrait le régime des mollahs, explique le journaliste iranien Diako Shafiei, vivant en exil en Suisse. «La disparition de Khamenei créerait un vide sans précédent dans le système du gouvernement, qui ne peut pas être remplacé facilement par une autre personne». Selon lui, Ali Khamenei n'est pas seulement l'arbitre suprême de toutes les décisions prises dans le pays, mais il assure également l'équilibre entre les cercles de pouvoir qui se font concurrence.
2) La révolution du peuple
Les observateurs estiment qu'environ 85% de la très jeune population iranienne (deux tiers des Iraniens ont moins de 30 ans) n'ont pas envie de vivre sous le régime des mollahs. Beaucoup aspirent à la liberté après des décennies d'oppression. C'est ce qu'ont montré les «manifestations du foulard» qui se sont emparées du pays après l'assassinat de la jeune Jina Mahsa Amini en septembre 2022. Elle avait été battue à mort par la police des mœurs parce qu'elle ne portait pas son foulard «correctement».
Les manifestations contre le foulard ont toutefois révélé une nouvelle fois la brutalité avec laquelle les gardiens des mœurs iraniens agissent contre leur propre population: au moins 15'000 arrestations, des centaines de morts et tout autant de condamnations à mort. Tel est le bilan de l'horreur. La jeunesse iranienne et les opposants aux mollahs manquent en outre d'un modèle, d'une figure de proue qui guiderait la masse sur le terrain dangereux d'une profonde révolution. Un Che Guevara iranien n'est pour l'instant pas en vue.
Pourtant, selon le journaliste iranien, la mort de Ali Khamenei pourrait «augmenter la pression au sein de la base», d'autant plus que l'appareil de sécurité de l'Iran a été affaibli par les frappes israéliennes. «Ces coups ne sont pas seulement physiques, mais aussi psychologiques et montrent à la population iranienne qu'un régime qui a gouverné d'une main de fer pendant des décennies se fissure désormais».
3) L'Iran se déchire
90 millions de personnes vivent dans cet immense pays, qui représente 40 fois la taille de la Suisse. Si la figure centrale de l'oppression disparaît, une furieuse querelle pourrait éclater pour la domination de l'État. L'économie nationale est au plus bas, la pauvreté et le désespoir sont immenses... La lutte pour la survie pourrait dégénérer. Des mouvements de fuite massifs pourraient alors en découler.
Le journaliste iranien Diako Shafiei met également en garde contre cela. «Il y a un risque que les structures autoritaires se réinstallent avec un nouveau visage, peut-être encore plus répressif». Sanam Vakil, le chef du département Moyen-Orient du groupe de réflexion britannique Chatham House, écrit sur X que le pays pourrait se diviser en «cantons» confessionnels et ethniques. La guerre civile et la montée en puissance d'acteurs non étatiques, comme l'État islamique ou Al-Qaïda, pourraient ainsi être une possibilité. Les cauchemars se succéderaient.