Négociations annoncées
Voici comment Trump compte forcer Poutine à tenir parole

Le président américain affirme que des négociations sérieuses vont maintenant avoir lieu entre l'Ukraine et la Russie. Il parle même d'une implication du Vatican. Mais comment peut-il être sûr que Poutine tiendra parole?
Publié: 05:47 heures
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Dernière mise à jour: 05:54 heures
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Les présidents américain et russe se sont parlés pendant deux heures, selon le compte-rendu de Donald Trump.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump a le meilleur des avocats et des porte-parole: lui-même. La meilleure façon de résumer le contenu de l’appel téléphonique de deux heures que le président des Etats-Unis a eu avec Vladimir Poutine ce lundi 19 mai est donc de reproduire sa déclaration sur son réseau Truth Social. «Je pense que cela s’est très bien passé» affirme Donald Trump.

«La Russie et l’Ukraine vont immédiatement entamer des négociations en vue d’un cessez-le-feu et, plus important encore, de la fin de la guerre. Les conditions seront négociées entre les deux parties, comme cela ne peut être le cas que parce qu’elles connaissent les détails d’une négociation que personne d’autre ne connaîtrait». Mais comment peut-il s’assurer que le président russe va tenir sa parole?

La réponse à cette question n’est pas simple. Car à lire les mots utilisés par Donald Trump, son interlocuteur qui se trouvait à Sotchi, dans sa résidence du Caucase, n’a pas pris d’engagement ferme. Alors, sur quoi repose un possible «deal»?

Sur la confiance mutuelle

C’est, dans le monde du businessman Donald Trump, l’élément essentiel. L’intéressé le répète d’ailleurs dès qu’il le peut. Lui et Poutine «s’entendent bien». En clair: pour le locataire de la Maison Blanche, le président russe ne trahira pas la promesse qu’il lui a faite lors de leur échange téléphonique de deux heures. 

«Le ton et l’esprit de la conversation étaient excellents», poursuit Trump sur Truth Social. «Si ce n’était pas le cas, je le dirais maintenant, plutôt que plus tard. La Russie veut faire du commerce à grande échelle avec les Etats-Unis lorsque ce 'bain de sang' catastrophique sera terminé, et je suis d’accord. La Russie a la possibilité de créer des emplois et des richesses en masse. Son potentiel est illimité.»

On voit bien le donnant-donnant, qui n’a d’ailleurs rien de surprenant: si Poutine entame un processus de paix digne de ce nom, les échanges commerciaux reprendront. La levée des sanctions n’est pas évoquée stricto sensu dans ce compte rendu, mais elle ferait évidemment partie du deal entre Moscou et Washington.

Sur la menace des sanctions

Donald Trump a justement une arme qu’il peut facilement dégainer: de nouvelles sanctions contre la Russie, préparées par le sénateur Lindsay Graham. L’élu républicain de Caroline du Sud sait, mieux que personne, prendre quand il le faut ses distances avec le président, puis s’en rapprocher. 

Or là, Lindsay Graham a franchi un pas en déposant un projet de loi vendredi 16 mai. Celui-ci, présenté avec le sénateur démocrate Richard Blumenthal propose d’entraver la capacité de la Russie à financer sa guerre, en misant sur des sanctions secondaires visant les entités qui contournent l’embargo. Exemple envisagé? Une taxe de 500% sur les importations vers les Etats-Unis en provenance de pays qui achètent de l’énergie russe.

L’avantage de ce texte législatif, soutenu par 73 sénateurs, est qu’il dédouane Trump. Ce dernier peut se présenter devant Poutine, et il l’a sans doute fait, comme le meilleur rempart contre un isolement économique de la Russie, face à la volonté d'en découdre du Congrès. La confiance mutuelle est la carotte. Les nouvelles sanctions, susceptibles de bloquer les exportations d'hydrocarbures russes, sont le bâton.

Sur la diplomatie

On voit bien le discours que Trump a tenu à Poutine au téléphone pendant deux heures ce lundi: puisque la diplomatie Russe est l’une des meilleures du monde, qu’avez-vous à craindre de l’Ukraine sur le tapis vert des négociations? C’est le scénario que Volodymyr Zelensky et les Européens redoutent: une ouverture de pourparlers sans cessez-le-feu inconditionnel d’au moins trente jours qui, dans les faits, constituerait un avantage pour Moscou.

Or point de mention d’un arrêt des combats dans le communiqué trumpiste avant tout destiné à mettre le président des Etats-Unis en valeur. Tout va maintenant dépendre du suivi de cet échange présidentiel. L’émissaire de Trump Steve Witkoff va-t-il retourner à Moscou

A Genève, où eurent lieu dans les années 1990 les interminables négociations sur la paix dans les Balkans après l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, beaucoup font la comparaison: et si Poutine négociait tout en poursuivant son avance militaire? Les grands perdants seraient alors les Ukrainiens, qui continueraient de périr sous les missiles, les drones et les tirs d’artillerie.

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