Le fait de se réunir en Albanie ce vendredi 16 mai n’a pas rendu les dirigeants européens plus capables de faire plier Vladimir Poutine. Jadis, l’Albanie du dictateur communiste Enver Oxha (au pouvoir entre 1945 et 1985) fut l’un des rares bastions du bloc de l’Est à échapper à la tutelle soviétique. Aujourd’hui, le pays a le statut de candidat à l’Union européenne, et il a accepté d’abriter des camps de transit pour des migrants expulsés d’Italie. Mais à Tirana ce vendredi, la Communauté politique européenne composée de 47 pays (dont la Suisse) n’a pas réussi à esquisser une stratégie gagnante contre Moscou. Et ce au moment où Russes et Ukrainiens se rencontraient enfin à Istanbul (Turquie).
Pourquoi cette paralysie européenne face à Vladimir Poutine, que Donald Trump veut toujours rencontrer pour mettre fin à la guerre en Ukraine?
L’obstacle militaire
On connaît la formule, car Emmanuel Macron la répète dès qu’il le peut: les Européens sont prêts à fournir une force de «réassurance» pour garantir la paix en Ukraine, une fois qu’une trêve durable aura été conclue. Le problème est qu’après des mois de discussion, les contours de cette force ne sont toujours pas clairs. Et ses conditions de déploiement en Ukraine non plus. Une vingtaine de pays européens sont en théorie prêts à apporter des troupes, mais sans préciser comment et à quel niveau. L’Italie et l’Espagne y sont en revanche opposées. La condition de toute façon? Avoir la protection finale du parapluie militaire américain, c’est-à-dire être sûr que les Etats-Unis garantiront la sécurité de ce contingent. En clair: le «réassureur» Europe veut d’abord être assuré à Washington.
Le jeu Poutine-Trump
La première séance de négociations directes depuis trois ans entre l’Ukraine et la Russie à Istanbul vient de le prouver: rien ne bougera vraiment tant que Poutine et Trump n’auront pas conclu un accord. Le président des Etats-Unis l’a d’ailleurs redit: il faut d’abord qu’il parle à son homologue russe. Résultat: à chacune de leurs rencontres, les dirigeants européens sont suspendus au téléphone pour appeler Trump, et savoir où il en est. La photo d’Emmanuel Macron, Keir Starmer et Friedrich Merz à Kiev, samedi 10 mai, devant un téléphone portable connecté à la Maison Blanche en dit long…
Le mur chinois
Les ambassadeurs des 27 pays membres de l’UE à Bruxelles ont approuvé le 14 mai un 17e «paquet» de sanctions contre la Russie, qui cible les pétroliers «fantômes», utilisés par Moscou pour exporter ses hydrocarbures. Il s’agit des navires immatriculés dans des pays tiers, qui ravitaillent les acheteurs de pétrole russe tels que l’Inde. Un autre paquet de sanctions «massives» est par ailleurs envisagé si Moscou refuse de mettre en œuvre le cessez-le-feu de 30 jours déjà accepté par Kiev. Problème: si elles dérèglent sérieusement l’économie russe, ces mesures ne mettront pas Poutine à genoux. La présence de Xi Jinping au défilé militaire du 9 mai sur la place rouge montre que la Chine ne va pas cesser d’approvisionner son allié russe.
Le danger roumain
Attention, danger: ce dimanche 18 mai, les premiers ministres Viktor Orban (Hongrie) et Robert Fico (Slovaquie), tous deux pro-Poutine, risquent de voir sortir des urnes roumaines un allié de poids: le futur président de ce pays de 19 millions d’habitants, qui borde la mer noire. En tête au premier tour avec 41% des voix, le candidat nationaliste George Simion (38 ans et francophone) est bien placé pour l’emporter face au maire de Bucarest Nicusor Dan. Or même s’il se défend d’être pro-russe, Simion défend un agenda souverainiste aux antipodes d’une Europe puissance, et il affirme que seul Trump peut trouver une solution au conflit en Ukraine. Difficile, dès lors, de compter sur lui face à Moscou, sans l’aval de Washington.
Le risque polonais
Attention danger, bis repetita: parallèlement au second tour de la présidentielle en Roumanie ce dimanche, les Polonais ont aussi rendez-vous aux urnes pour leur propre scrutin présidentiel (si nécessaire, un second tour aura lieu le 1er juin). Or là aussi, le candidat souverainiste Karol Nawrocki, soutenu par le Parti Droit et Justice (PIS, opposition nationaliste) posera, s’il est élu, un sérieux problème à Bruxelles, même si le premier ministre Donald Tusk représente son pays au Conseil européen. Comme George Simion en Roumanie, cet intellectuel polonais n’est pas pro-russe. Au contraire, il s’en prend régulièrement à Poutine. Mais son alignement sur les Etats-Unis de Donald Trump fait qu’il s’opposera sans doute, s’il est élu, à toute initiative européenne non approuvée par la Maison Blanche. Son adversaire serait en revanche une bonne nouvelle pour l’Union européenne: il s’agit du maire de Varsovie Rafal Trzaskowski, bon connaisseur de la Suisse. Il était en charge du dossier Suisse-UE lorsqu’il était député européen.