Ils avaient déjà testé leurs plans d'attentat! Les enquêteurs ont réussi à arrêter in extremis en Suisse et en Allemagne trois auteurs soupçonnés de préparer des attentats. Le trio aurait planifié des attaques à la bombe dissimulée dans des colis sur ordre de la Russie.
Cette affaire envoie un signal clair: les agents de Poutine opèrent au cœur même de nos sociétés. Ils ont déjà frappé dans plusieurs pays européens, et selon les experts, ce n’est sans doute qu’un avant-goût de ce qui pourrait suivre.
Comme l’a annoncé mercredi 14 mai le parquet fédéral allemand, les arrestations ont eu lieu à Constance, à Cologne et aussi dans le canton de Thurgovie, où un des trois hommes, selon les informations de Blick, opérait depuis un centre d’hébergement pour réfugiés. Les suspects avaient déjà envoyé des colis équipés de traceurs GPS afin de tester les itinéraires de transports.
Selon le Ministère public de la Confédération, les trois hommes interpellés sont des Ukrainiens – Vladyslav T., Daniil B. et Yevhen B. Ils sont accusés «d’activité d’espionnage à des fins de sabotage». Recrutés «probablement sur ordre des autorités russes», ils avaient pour objectif de «commettre des attaques incendiaires et à l'explosif contre le transport de marchandises» en Allemagne.
Une guerre hybride
Les attentats déjoués s'inscrivent dans la stratégie de guerre hybride menée par la Russie, selon Ralph D. Thiele, expert allemand en sécurité et auteur d'un livre sur le sujet. Il poursuit en expliquant que les sabotages visant les moyens de transport, tels que ceux planifiés par les suspects, poursuivent deux objectifs: perturber le fonctionnement politique du nouveau gouvernement allemand et démontrer la capacité du Kremlin à interrompre les chaînes d'approvisionnement et les voies de transport.
«On sait que le nouveau chancelier est favorable à la livraison de missiles de croisière Taurus à l'Ukraine», souligne l'expert. Et Selon Adrian Hänni, spécialiste des services secrets à l’Institut d’histoire contemporaine de Munich, les suspects pourraient être ce que l’on appelle des «agents jetables». «Il s’agit principalement de jeunes hommes en Europe, recrutés par des agents des services secrets russes via des plateformes numériques. Ils n’ont aucune formation en espionnage et sont généralement motivés par l’argent», explique-t-il. Leur rémunération se ferait le plus souvent en cryptomonnaies.
Les «agents jetables» recevraient souvent leurs instructions via la messagerie Telegram. «Les missions peuvent être très variées, explique Adrian Hänni. Elles vont de l’espionnage à la propagande, en passant par le sabotage. Cela peut aller de tâches anodines, comme coller des messages de propagande dans l’espace public, jusqu’à des attaques incendiaires ou à l’explosif.»
La Suisse aussi menacée
En 2023 et 2024, plusieurs pays européens ont été la cible de sabotages présumés, attribués aux services de renseignement russes. Ces attaques visaient des infrastructures critiques, des centres logistiques et des entreprises liées à l’Ukraine. Parmi elles figurent des incendies criminels contre le groupe d’armement Diehl à Berlin, un entrepôt à Londres, des attaques contre des trains de marchandises en Suède ou encore des perturbations du trafic aérien.
La Suisse elle-même pourrait être visée. Avant la conférence de Bürgenstock, prévue à la mi-juin 2024, un agent russe présumé a été arrêté. Il aurait tenté de se procurer des armes et des substances en vue d’attentats. Ralph D. Thiele précise: «La Suisse n’est pas une cible centrale, mais elle reste exposée, car elle soutient financièrement l’Ukraine et parce qu’une partie des flux financiers internationaux transite par elle.»
Thiele estime que la guerre hybride, incluant les sabotages, cyberattaques et propagande, deviendra un élément central des conflits à venir, en lien notamment avec l’intelligence artificielle et les drones. «Ce que nous vivons aujourd’hui n’est que le début», conclut-il.