«Oh, que ne ferais-je pas pour le prince héritier»
Trump et sa fascination pour les dirigeants du Golfe

Lors de sa tournée de quatre jours dans le Golfe, Donald Trump a multiplié les éloges envers les dirigeants locaux, ignorant la question des droits humains. Le président américain a vanté l'opulence de ses hôtes et promis de ne pas s'immiscer dans leur gouvernance.
Publié: 16.05.2025 à 16:32 heures
|
Dernière mise à jour: 16.05.2025 à 16:34 heures
«Je vous aime trop!», a déclaré Donald Trump au prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.
Photo: keystone-sda.ch

Les dirigeants du Golfe «manquaient d'amour», selon Donald Trump, alors il leur en a donné, à revendre, pendant une tournée de quatre jours qui a totalement passé sous silence la question des droits humains dans leurs pays.

Le président américain a débordé publiquement d'affection pour le dirigeant saoudien Mohammed ben Salmane: «Je vous aime trop!» a-t-il lancé mardi, en soupirant «Oh, que ne ferais-je pas pour le prince héritier». Il venait d'annoncer une levée des sanctions contre la Syrie, réclamée par Ryad.

Le président émirati, cheikh Mohamed ben Zayed, a lui été qualifié de «grand guerrier» et «d'homme magnifique». Quant au président syrien Ahmad al-Chareh, qui a figuré sur une liste de jihadistes recherchés par les Américains, le républicain de 78 ans l'a décrit en «homme jeune et séduisant», en «gars costaud» avec un «passé dur».

En Arabie saoudite, au Qatar et aux Emirats arabes unis, le milliardaire a admiré l'opulence déployée pour lui, sans cacher son envie d'imiter au moins en partie le train de vie de ses hôtes. Donald Trump, qui a couvert le Bureau ovale d'ornements dorés et veut construire une «salle de bal» à la Maison Blanche, a complimenté l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, pour le «marbre parfait» de son palais. 

Polémique sur le cadeau du Qatar

Le président américain a aussi été fort sensible au déploiement d'avions de combat pour escorter «Air Force One» à chaque arrivée dans un nouveau pays, ainsi qu'aux parades militaires en son honneur. Donald Trump organisera d'ailleurs lui-même le 14 juin un rare défilé militaire à Washington. La date marque les 250 ans de la création de l'armée américaine, et coïncide avec son anniversaire.

Le président américain, dont la famille a de nombreux intérêts économiques dans le Golfe, a aussi noté que les dirigeants des pays visités avaient des avions «tous neufs». Son propre Boeing, âgé de plus de trente ans, est «beaucoup moins impressionnant», a-t-il déploré dans une interview avec Sean Hannity, vedette de la chaîne Fox News.

Pas un mot sur les violations des droits de l'homme

Donald Trump estime donc qu'il serait «stupide» de refuser l'offre par le Qatar d'un luxueux avion pour remplacer au moins temporairement l'avion présidentiel, en attendant qu'un nouveau modèle soit livré. Et tant pis pour les experts qui s'inquiètent du coût des nécessaires aménagements, et pour l'opposition démocrate qui crie à la corruption. Jusqu'à un sénateur républicain, Rand Paul, qui s'est permis une critique voilée dans cette affaire: «Je me demande si notre capacité à juger leur bilan en matière de droits humains ne sera pas troublée par un cadeau aussi important.»

Le président américain, qui depuis janvier a multiplié les décrets visant des opposants politiques et appelé publiquement à destituer des juges, n'a jamais caché sa fascination pour les autocrates. Pendant son voyage, la première grande tournée internationale de son deuxième mandat, il n'a jamais évoqué publiquement les violations des droits humains, dans des pays régulièrement accusés d'en commettre par des ONG.

«
«C'est le travail de Dieu de rendre la justice, le mien est de défendre l'Amérique»
Donald Trump, président des Etats-Unis
»

Pas question de faire comme son prédécesseur Joe Biden, qui avait promis de réduire la monarchie saoudienne au rang de «paria» à la suite de l'assassinat en 2018 du journaliste saoudien Jamal Khashoggi à Istanbul, avant de s'efforcer ensuite de renouer les liens. Les dirigeants du Golfe «manquaient d'amour parce que notre pays ne leur a pas donné d'amour», a lancé Donald Trump jeudi, ajoutant en référence à l'ancien président: «ils leur ont donné un +fist bump+». Il rappelait par là le désormais célèbre salut «poing contre poing» échangé par Joe Biden et le prince héritier saoudien lors d'une rencontre en 2022, aussi tendue que la sienne avec «MBS», le surnom du dirigeant saoudien, a été chaleureuse.

Le président américain a promis, dans un discours remarqué à Ryad, que les Etats-Unis se garderaient de dire à d'autres nations «comment vivre ou gouverner». «Trop de présidents américains ont été affectés par la notion selon laquelle c'est notre travail de sonder les âmes de dirigeants étrangers et d'utiliser l'action américaine pour faire justice», a-t-il dénoncé, sous les applaudissements. «C'est le travail de Dieu de rendre la justice, le mien est de défendre l'Amérique», a encore dit Donald Trump.

 

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la