Donald Trump se fait-il piéger avec le luxueux avion à 400 millions que le Qatar souhaite lui offrir? Lundi 12 mai, fidèle à son style provocateur, Donald Trump déclarait encore devant les journalistes: «Je ne serais jamais du genre à refuser une telle proposition. Je pourrais être stupide de dire: 'Non, nous ne voulons pas d’un avion gratuit et très cher.'»
Mais parfois, mieux vaudrait y réfléchir à deux fois. Car ce «cadeau» n’a rien de vraiment gratuit. L’avion en question, un Boeing 747-8 ayant appartenu à la famille royale du Qatar, doit être entièrement transformé pour répondre aux standards ultra-stricts de sécurité et de communication d’un président américain. Un chantier colossal, chiffré à plusieurs centaines de millions de dollars... aux frais des contribuables américains.
«Ce n’est pas vraiment un cadeau», tranche Joe Courtney, élu démocrate et expert du transport aérien présidentiel, auprès de Politico. «Il faudrait pratiquement démonter l’appareil jusqu’à sa structure de base et le reconstruire pour répondre aux exigences de sécurité, de communication et de résistance d’Air Force One. C’est un chantier colossal… et non financé.»
Un gouffre financier
Si le modèle est identique aux futurs avions présidentiels en commande (deux autres Boeing 747-8), la comparaison s’arrête là. L’appareil qatari n’est pas configuré pour le rôle unique d’Air Force One. Les futurs avions subissent en effet de lourdes modifications très coûteuses. «L’équipement de mission présidentielle est renforcé, sécurisé et résistant», explique Kevin Buckley, ancien superviseur du programme pour l’US Air Force.
Rien que la modernisation de cet avion se monterait «à des dizaines, voire des centaines de millions de dollars», estime Andrew Hunter, ancien responsable des acquisitions de l’armée de l’air. Il faudrait encore ajouter à cela des modifications de logicielles estimées à plusieurs dizaines de millions.
Et cela n’inclut même pas les frais d’exploitation. A titre d’exemple, les nouveaux avions présidentiels coûteront chacun au moins 7,7 milliards de dollars sur 30 ans pour leur maintenance et leur coût d'exploitation. Maintenir les standards présidentiels les plus stricts représente un défi financier colossal. Un détail qui pourrait transformer le «palace volant» en fardeau budgétaire, alors que la livraison du nouveau premier Boeing est prévue pour 2027 et la deuxième pour 2028.
Pourquoi le Qatar veut s'en défaire?
Andrew Hunter pose la question qui fâche: Pourquoi le Qatar se séparerait-il d’un avion aussi prestigieux? Sa réponse: le coût d’entretien serait devenu tout simplement exorbitant. Ironie de l’histoire, Donald Trump, qui s’était engagé à réduire les dépenses publiques, envisagerait aujourd’hui de prendre en charge une véritable bombe à retardement financière.
Rick Larsen, élu démocrate, n’a pas mâché ses mots en qualifiant l'idée d'accepter l'avion du Qatar de «marché corrompu», estimant qu’elle détourne l’attention du programme officiel en cours. «Répondre à des retards par un don étranger illégal n'est pas la solution.»
Le programme officiel retardé
Boeing, de son côté, lutte pour honorer un contrat de 3,9 milliards de dollars signé en 2018, négocié sous la pression de Trump lui-même pour faire baisser la facture. Le programme a toutefois accumulé retards et surcoûts.
Agacé, Trump a exprimé sa frustration en février dernier: «Je ne suis pas satisfait de Boeing. Nous pourrions faire autre chose. Acheter un avion, ou en obtenir un, ou quelque chose dans ce genre.» Reste à savoir si accepter le palace volant du Qatar est vraiment la meilleure alternative.