Sommet à Copenhague
Menace de Poutine, drones, sanctions: l'Europe impuissante?

Les dirigeants des 27 pays membres de l'Union européenne étaient réunis mercredi 1er octobre pour un sommet à Copenhague. Face à Poutine, où en est-on? Pour l'heure, l'impuissance est au rendez-vous.
Publié: 13:29 heures
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Le sommet de Copenhague pourrait marquer un tournant dans l'Europe de la défense.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le mur anti-drones dont l’Union européenne (UE) a tant besoin sera-t-il financé par les 200 milliards d’euros d’avoirs de la banque centrale russe toujours gelés au sein du système Euroclear, basé à Bruxelles? Cette question a bien été abordée lors du sommet européen extraordinaire consacré à la défense qui s’est tenu mercredi 1er octobre à Copenhague. Un second sommet, réunissant les 47 pays de la Communauté politique européenne (CPE), dont la Suisse fait partie, se tient d'ailleurs ce jeudi 2 octobre, à nouveau centré sur la question de l’Ukraine et sur la guerre hybride que la Russie de Vladimir Poutine est accusée de mener.

Sauf que dans les deux cas, l'impuissance est au rendez-vous. «Les Européens attendent de leurs dirigeants des décisions fortes et des actes souligne la lettre confidentielle «La Matinale européenne». Mais à Copenhague, ils ont entendu dire tout et son contraire dans une terrible cacophonie. Il n'y a pas eu le minimum de préparation et de concertation afin d’envoyer un message d’unité et de fermeté à un agresseur russe qui mise lui sur la désunion des Européens».

Sur le mur anti-drones dont l’importance a été démontrée, ces derniers jours, par les incursions d’aéronefs sans pilotes au-dessus de plusieurs aéroports en Norvège et au Danemark, aucune décision n’a été prise. L’initiative de se doter des équipements radars et antiaériens restera nationale, en lien avec l’OTAN, l’Alliance atlantique dont la plupart des pays de l’UE sont membres (sauf les neutres: Irlande, Autriche, Malte et Chypre).

Plan anti-drones

L’urgence de commandes massives pour doter les armées de drones chasseurs d’engins non identifiés est toutefois sur la table. Le ministre de la Défense allemand Boris Pistorius avait, juste avant le sommet de Copenhague, parlé d’un «délai indispensable de trois à quatre ans», calendrier jugé «inacceptable» par les pays baltes qui sont en première ligne face à la Russie.

Le coût déjà évoqué par le QG de l’OTAN est de dix milliards d’euros pour une «première couche» de systèmes de détection et d’interception. Point non réglé: ce mur électronique, de la Baltique à la mer Noire, intégrera-t-il ou non des composants américains?

Sur la menace russe et la guerre hybride que Moscou est accusé de mener, tous les dirigeants européens ont surenchéri. Même si la preuve de l’origine des drones n’a pas été apportée lors du sommet, l’origine des aéronefs venus tester les défenses de l’UE semble bel et bien russe.

Fait symbolique: au moment même des discussions entre les 27 Chefs d’Etat ou de gouvernement, le commandant présumé du «Pushpa», navire de la «flotte fantôme» russe immobilisé au large de Saint-Nazaire (France) et son second ont été placés en garde à vue. Depuis dimanche 28 septembre, date à laquelle il a été repéré, ce pétrolier de 244 mètres de long fait du surplace dans l’océan l’Atlantique, à un peu plus de 12 miles nautiques des côtes, soit la limite des eaux territoriales françaises. Il navigue sous pavillon du Bénin.

«Provocations croissantes» de la Russie

La dirigeante italienne Giorgia Meloni a mis en garde contre les «provocations croissantes» de la Russie, qui pourraient être un moyen de détourner l’attention de l’échec de l’offensive estivale de Moscou. Une diversion qui se transforme en opération militaire hybride à part entière pour «tester et provoquer les Européens à un moment où le soutien des Etats-Unis à l’Ukraine diminue et où la solidarité transatlantique est remise en question», estime Antonio Missiroli, ancien secrétaire général adjoint de l’OTAN et ancien directeur de l’Institut d’études de sécurité de l’UE.

Sur le 19e paquet de sanctions économiques et financières que l’Union européenne entend infliger à la Russie, la décision sera prise d’ici le prochain sommet des 23 et 24 octobre à Bruxelles. La Commission européenne a proposé un prêt de 140 milliards d’euros, gagé sur un contrat de dette sur mesure avec Euroclear, l’institution financière qui gère actuellement les dépôts. Elle considère cela comme une solution astucieuse pour éviter d’exproprier les avoirs russes, ce qui pourrait constituer une violation du droit international. Euroclear étant basé en Belgique, c’est ce pays qui serait le plus touché par les poursuites judiciaires lancées par Moscou.

Le pétrole russe ciblé

Les cibles des prochaines sanctions seront en priorité le pétrole et le gaz russe. Des mesures sont prévues contre les acteurs de pays tiers, notamment la Chine ou l’Inde, qui aident la Russie à contourner les sanctions occidentales ou à vendre ses hydrocarbures. L’Union européenne a déjà décidé, depuis décembre 2022, de cesser toute importation de pétrole russe. Deux pays européens ont toutefois obtenu une exemption, la Hongrie et la Slovaquie, en raison de leur dépendance au pétrole brut venant de Russie.

Manque un élément crucial: la dissuasion. Comment décourager ceux, Russie en tête, qui veulent provoquer l'Union européenne et tester ses défenses? Les deux sommets de Copenhague sont restés lettre morte sur ce point. «L’Europe ne parvient pas à s’entendre sur la notion de dissuasion et ne raisonne qu’en termes défensifs. Les projets capacitaires prioritaires soumis aux 27 par la Commission sont, su choix, un «Mur des drones», un «bouclier anti-missile», un «bouclier spatial». Pas un mot sur la dissuasion». Commentaire de l'analyste Nicolas Tenzer: «La non-réponse est une invitation faite à la Russie à escalader. Or il devient urgent de cesser de désescalader». 

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